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Des sociétés avec un haut niveau de confiance

4. Un activisme environnemental nordique

4.2. Une déclinaison intérieure remarquée

En matière de protection de l’environnement, l’Europe nordique semble bel et bien occuper une position avant-gardiste. L’OCDE le confirme comme en témoignent ces citations, issues des examens environnementaux de l’organisme international :

- « La Suède fait œuvre de pionnier dans de nombreux domaines de la politique environnementale » (OCDE, 2014a, p. 3) ;

- « L’Islande […] se place en précurseur de la transition mondiale vers une croissance verte »19 ;

- « Depuis […] 2000, la Norvège a continué de faire œuvre de précurseur en matière de politique de l’environnement et développé de nouvelles approches qui interpellent et sont une source d’inspiration pour d’autres » (OCDE, 2011, p. 3) ;

19 Simon Upton, directeur de l'environnement de l'OCDE, lors du lancement du troisième examen environnemental de l'Islande, le 4 septembre 2014 http://www.oecd.org/fr/publications/examens-environnementaux-de-l-ocde-islande-2014-9789264226371-fr.htm

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- « Le Danemark joue un rôle très actif dans la lutte contre les problèmes d’environnement à l’échelle européenne et mondiale, ainsi que dans l’aide à la protection de l'environnement » (OCDE, 2007, p. 15).

Les pays nordiques sont parmi les premiers à instaurer une fiscalité écologique, ils présentent une longue tradition d’accès ouvert et gratuit à l’information environnementale et bénéficient d’une large adhésion de la population à cette dernière (OCDE 2007 ; OCDE 2011 ; OCDE 2014a ; OCDE 2014b). Ces États se singularisent par une forte innovation environnementale et des progrès remarquables en matière de lutte contre les gaz à effets de serre (ibid.).

Analyser cette question sous l’angle des Agendas 21 locaux est intéressante car ces documents « constituent la traduction la plus immédiate ou la plus visible, puisqu’elle est labellisée, de la problématique du développement urbain durable » (Emelianoff, 2005, p. 1). En la matière, les collectivités locales fennoscandiennes se distinguent par une saisie précoce de ces outils (Emelianoff, 2005), signe d’une acclimatation rapide à la problématique, qui tranche avec l’inertie plus grande, observée en France par exemple, où la diffusion du concept de développement durable est plus lente (ibid.). En Europe fennoscandienne, le travail sur les Agendas 21 locaux remonte à 1992. Dès 2001, la totalité des communes suédoises sont couvertes par un tel document, trois quarts des communes danoises et deux tiers des finlandaises (Lafferty, 2001, in

Emelianoff, 2005). Le résultat remarquable de la Suède est l’expression d’une très grande implication du gouvernement central en termes financiers. Des fonds conséquents sont alors débloqués dans le cadre du programme « Suède durable », en faveur de la « durabilité écologique » (Emelianoff, 2005). Au Danemark, pays plus décentralisé, les initiatives relèvent directement des pouvoirs locaux associés à la sphère associative. Quoi qu’il en soit, la Norvège, la Suède, la Finlande et le Danemark présentent un point commun, leurs Agendas 21 ont surtout investi le champ du « mode de vie durable », c’est-à-dire celui des « impacts globaux de leurs comportements et gestes quotidiens (principe de "l’empreinte écologique", solidarité Nord-Sud et aide publique au développement, campagne des villes pour la lutte contre l’effet de serre...) » (Coméliau, Holec et Piéchaud, 2001, p. 106). Si le bilan des Agendas 21 est plutôt mitigé en Europe, « la démarche est une réussite dans quelques pays comme la Suède et le Danemark » (Emelianoff, 2005, p. 13). Bien que des différences d’approche existent en la matière entre les deux pays, ils se sont rapidement appropriés la démarche, y ont affecté des moyens importants et ont fait une large place aux mouvements associatifs (Emelianoff, 2005). Parmi les thématiques retenues, celles liées à la sphère écologique du développement durable sont prépondérantes (ibid.). Cet investissement à dessein confère aux intéressés un rayonnement au-delà de leur frontière. L’exemplarité environnementale comme vecteur de reconnaissance internationale Preuve de la reconnaissance de la communauté internationale, lorsqu’en 1996 l’ONU a la volonté de mettre en place un premier Agenda 21 régional, son choix se porte sur l’Europe du Nord. C’est ainsi, en 1998, que naît Baltic 21, un organe de coopération en matière de développement durable

91 à l’échelle du Danemark, de l’Estonie, de la Finlande, de l’Allemagne, de l’Islande, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Norvège, de la Pologne, de la Russie (dans sa partie Nord-Ouest) et de la Suède20.

Le respect des engagements pris en matière d’aide internationale au développement est également révélateur d’une certaine exemplarité nordique. Alors qu’en 1970, l’Assemblée générale des Nations Unies prend l’engagement de porter l’aide aux pays en développement à 0,70 % de leur PNB, 32 ans plus tard, seuls quatre pays tiennent leur engagement dont le Danemark, la Suède et la Norvège21 (Brunel, 2004). Cette exemplarité est le signe d’une « ambition d’être un pays leader en matière de développement durable, en s’appuyant sur une ‘’ écologisation ‘’ des modes de production et de consommation » (Lafferty, 2001, in Emelianoff, 2005, p. 6), volonté particulièrement marquée du Danemark et de la Suède, depuis la Conférence de Stockholm de 1972 (Focus 4.2). Il y a donc dans les pays nordiques un investissement politique, économique et symbolique important dans l’écologie (Girault, 2016), aux niveaux national et local. Les nombreux classements internationaux de type « villes vertes », « villes durables », « villes où il fait bon vivre » confirment la singularité des cités nordiques en la matière, en les plaçant souvent en tête (ibid.).

Focus 4.2 : La neutralité carbone norvégienne, une exemplarité intérieure au service d'un rayonnement extérieur

Dans la seconde partie des années 2000, l’ONU a reconnu la Norvège comme un des premiers pays à s’être fixé une date butoir pour atteindre la neutralité carbone et a, par conséquent, proposé au gouvernement norvégien une coopération pour y parvenir au sein des Nations Unies (Norwegian Ministry of the Environment, 2007a). Cette place particulière aide la Norvège à jouer son rôle de « force motrice » dans l’élaboration d’accords internationaux ambitieux (ibid.) Elle l’aide, par ailleurs, à nouer des partenariats bi ou multilatéraux directement avec d’autres gouvernements, principalement en Afrique de l’Est, du Sud et des petits États insulaires. Cette coopération internationale se traduit par des transferts de technologies, dont l’expertise norvégienne est ainsi reconnue et entretenue. Elle dépasse le seul cadre du climat puisque, comme le précise le Livre Blanc de 2007, sur la politique climatique du gouvernement norvégien : ‘’Projects that receive funding must be in accordance with Norway’s development policy as regards the Millennium Development Goals, poverty orientation and recipient responsibility ‘’ (Norwegian Ministry of the Environment, 2007a, p. 14). La politique climatique extérieure de la Norvège n’est donc pas dénuée d’une certaine volonté de promotion des droits de l’Homme, de lutte contre la pauvreté et s’inscrit clairement dans l’aide au développement : “Efforts to reduce greenhouse gas emissions are closely linked to poverty reduction efforts” (ibid., p. 25). Il s’agit aussi de faire, tout simplement, rayonner la Norvège dans le monde : “By focusing on knowledge generation and the development of new technology, we can give our national efforts importance far beyond Norway’s borders ‘’ (ibid., p. 33).

20 http://www.nouvelle-europe.eu/node/472. Encore une fois, au sein de cet espace européen, les nations fennoscandiennes se démarquent. La première étape de cette coopération se déroule dans la station balnéaire suédoise de Saltsjobaden, qui débouche sur la déclaration éponyme, en 1996. L’officialisation de la coopération se déroule dans la ville danoise de Nyborg les 22 et 23 juin 1998. La cité finlandaise de Turku accueille la même année la conférence régionale relative aux Agendas 21 des collectivités locales du groupe Baltic 21.

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4.3. L’écologie politique, un moyen de lutter contre une « identité