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L’arrivée d’une sous-culture hip-hop et du graffiti en France date du début des années 1980 (Dubois, 2001, 315). Elle prend via les voyages de ceux qui en avaient la possibilité, les premières émissions de radios de DJ Dee Nasty103, les premières cassettes de rap et premiers vinyles traversant l’atlantique104, les concerts « New York City Rap Tour » avec Afrika Bambaata, the Rock Steady Crew, et Futura2000 à Paris en 1982 (Fieni, 2016, 290), puis l’ouvrage Subway Art d’Henry Chalfant et Martha Cooper en 1984. Mais cette arrivée doit surtout son accélération à la diffusion la même année d’une émission télévisée sur la chaîne TF1, publique à l’époque : H.I.P H.O.P., animée par Sidney, initialement disc-jockey. Principalement centrée sur le rap et le breakdance, on peut y voir des graffitis à la fois dans les décors et dans certaines séquences dédiées.

103 La loi ouvrant les fréquences radios et de télévision aux acteurs privés est promulguée le 29 juillet 1982, et une

offre pléthorique de radios régionales ou nationales émergeant rapidement (Sowerwine, 2001, 371)

104 Les cassettes audio (parfois écrites « K7 ») se popularisent en France dans les années 1970, et se vendent encore

plus avec la commercialisation du « baladeur » Walkman de Sony à partir de 1979. Leur utilisation pour la musique était aussi développée que l'achat de disques vinyles (notamment les 45-tours) dans les années 1980. Les premiers vinyles hip-hop à être commercialisés en Europe sont « Rapper's Delight » du groupe Sugarhill Gang, et « Rappin' » de Kurtis Blow, en 1979, classifiés comme disco ou funk à l'époque, ce sont des classiques aujourd'hui. Les cassettes vidéo ont moins contribué à la dissémination du hip hop car elles étaient plus chères d'utilisation au début des années 1980 et donc plus difficiles d'accès.

Si la musique hip-hop est importée en France via des médias commerciaux alors que la culture hip-hop américaine s’est développée avec moins d’intermédiaires, la culture du writing à la française est plus longtemps restée loin du mercantilisme (Ibid) bien que des galeries d’art européennes invitent en 1979 à Rome puis en 1983 aux Pays-Bas des graffeurs comme Lee Quiñones, Blast, Lady Pink ou Rammellzee (Becquet, 2009, 52). Paris et ses banlieues sont le point d’entrée du graffiti New-Yorkais en France, et jusqu’à aujourd’hui, un des centres les plus actifs du graffiti dans le monde (Fieni, 2016, 288). L’histoire du graffiti parisien, le plus souvent effacée mais toujours racontée et photographiée, se trouve résumée dans deux sources importantes : l’ouvrage Paris Tonkar : 4 ans de graffiti (1987-1991) de Tarek Ben Yakhlef et Sylvain Doriath (1991)105, et le film documentaire de Marc-Aurèle Vecchione, Writers : 20 ans de graffiti à Paris, 1983-2003, sorti en 2004.

Le premier graffeur reconnu à Paris fut BANDO, qui passait plusieurs mois par ans à New York au tout début des années 1980, et se mit au graffiti après une rencontre avec Henry Chalfant et un graffeur du crew new-yorkais TDS106 (Vecchione, 2004). Peignant seul au début puis pendant

un an avec SCAM, ils forment le crew Bomb Squad 2 puis le CTK107. D’autres crews se forment à la

même période : ils sont une « poignée » à faire du graffiti en 1983 (avec le crew PCP, Jay One, SKKI, Lokiss, Saho etc.), le plus souvent issus de classe moyenne-supérieure et d’écoles d’art, atténuant l’origine socialement populaire du hip-hop américain (Bazin, 1995, 168). Ils peignent beaucoup sur les quais de la Seine du 1er arrondissement, sur les palissades de « Beaubourg » (le Centre National d’art et de culture Georges-Pompidou étant à l’époque inauguré mais en fin de construction) dans le 4e arrondissement, ou de celles de la pyramide du Louvre (le chantier commence en 1983), parfois dans le 7e ou le 15e arrondissement de Paris.

Dès 1984, BANDO se rapproche de graffeurs londoniens, et notamment de MODE2 (du crew TCA108), qui reste connu pour ses peintures de personnages entre b-boys hip-hop et robots futuristes avec une précision et un style digne d’un professionnel de la bande dessinée. Tous deux proposent des pièces de plus en plus nombreuses et sophistiquées à Paris. Ils rencontrent

105 Les éditions qui avaient publié ce livre ayant fermé en 1999, et celui-ci ayant connu des ventes importantes dès sa

sortie, Paris Tonkar est aujourd'hui difficilement trouvable en tant qu'objet matériel, et les occasions sont chères pour cette « bible » du graf parisien, mais une version électronique est disponible depuis 2010 sur internet. [URL] http://www.allcityblog.fr/1714-paris-tonkar/

106 « The Death Squad » 107 « Crime Time Kings » 108 « The Chrome Angelz »

également des graffeurs d’Amsterdam, dont SHOE et DELTA (connu plus tard pour avoir développé le style 3D), et feront le tour de l’Europe pour peindre ensemble. C’est ainsi qu’est né un « style européen » s’inspirant du style new-yorkais tout en s’en démarquant, avec notamment la popularité des « chromes » (style de Throw-Up avec un fond argenté) (Ibid). On comprend aussi que le graffiti parisien ait d’emblée été « cosmopolite », accueillant des pratiquants de New York (JonOne, Futura2000 etc.) ou du reste de l’Europe (Fieini, 2016, 290). Une petite partie de ces pionniers parisiens se voit même offrir un sponsoring en bombes de peinture par la marque Altona (Scred Connexion, 2016, 3)109. Cependant, pour beaucoup de graffeur.se.s de cette première génération, l’approvisionnement se fait en volant dans des magasins de bricolage par exemple. Le fait que la peinture aérosol coûtait cher à l’époque a sûrement joué110, mais ces vols participent de la culture graffiti « authentique » pour les premières générations : sortir beaucoup de bombes d’un magasin démontrant habileté et audace et participant à la reconnaissance entre graffeurs.e.s. Ce n’est qu’à partir de 1994 que des bombes de peintures spécialisées seront commercialisées (notamment par la société Montana Colors), à des prix plus abordables et dans des magasins dédiés au graffiti, mais ce marché ne prend vraiment son essor en France qu’à la fin des années 1990.

Scandale Vandale

Il est important de noter que la culture française du graffiti hip-hop revendique rapidement et encore aujourd’hui le terme « vandale » (Mensch, 2014, 2 ; Fieni, 2016, 294), en retournant le stigmate, pour désigner un type de peinture et de « sessions », représentant le cœur et la forme originelle du graffiti hip-hop (Haze in Workhorse et al., 2012, 20-21). Ces « sessions » ont précisément pour but de peindre sur des murs publics ou privés mais qui ne sont ni la propriété des graffeur.se.s, ni là où la pratique est tolérée. Elles ont lieu souvent la nuit mais pas toujours, pour être le plus visible possible, et pour certain.e.s graffeur.se.s, questionner ou choquer le public potentiel. Une « session vandale » comprend toujours une part de risques et d’adrénaline. Elle peut commencer par un rendez-vous entre deux graffeur.se.s ou plus, ou après une soirée entre amis, à laquelle certains ont apporté des sprays et des marqueurs, mais elle est

109 Parmi les autres marques de peintures populaires à l'époque, et principalement faite pour peindre des voitures ou

des meubles, on peut citer Krylon, Motip, Belton, Felton, Sparvar, Auto K, Julien etc. Un ouvrage de Daniel Knorn consacré au sujet intitulé Aerosols est paru en 2015, photographiant et retraçant l'histoire des sprays, notamment à partir de contribution de collectionneurs comme lui.

rarement organisée et sa durée (comme la certitude qu’elle aura lieu) est variable (Horn, 2008, 14)111. Ces sessions impliquent beaucoup de pérégrinations dans les rues des villes et leurs recoins en cherchant de bons endroits pour peindre ; elles impliquent aussi souvent, lors des soirées où l’on « se chauffe » et se prépare à sortir tard, consommation d’alcool et de « pétards » (Ibid, 22). Certains crews de graffeur.se.s et tagueur.se.s revendiquent une pratique « vandale » par opposition aux pièces sur des « terrains » tolérés, certain.e.s pratiquent les deux. Cependant, il semble qu’un.e graffeur.se qui aurait uniquement fait des pièces légales même extrêmement léchées ou sur des terrains tolérés ne puisse gagner beaucoup de « fame » ou de respect dans sa scène locale (DELTA et CREEZ dans Vecchione, 2014). Cette quête de reconnaissance peut se confondre à une recherche identitaire, mais les motivations et pratiques évoluent à la fois personnellement et historiquement (Becquet, 2009, 53), et le thème de l’identité est devenu un lieu commun des recherches du graffiti, allant jusqu’à l’affirmation non vérifiée ou le réductionnisme.

Parmi les lieux historiques de la culture graffiti parisienne, les lieux abandonnés ont une place importante, comme le terrain vague de Stalingrad/La Chapelle non loin de la Gare de l’Est, devenu un « Wall of Fame »112 et dont les pièces étaient visibles du métro aérien jusqu’au début des

années 1990. Ce lieu, comme d’autres par la suite, permettait les rencontres et l’entraînement des graffeur.se.s sans craindre la police ou l’effaçage, mais toutes les peintures et tous les graffeur.se.s n’étaient pas forcément les bienvenu.e.s, notamment quand le nombre de pratiquant.e.s a commencé à augmenter. Entre 1985 et 1988, la sous-culture graffiti se développe aussi énormément à Paris et dans les banlieues par l’expansion des tags dans les espaces publics, certains graffeur.se.s ou crews quadrillant les rues à partir des cartes routières pour être présents partout, ou cherchant à peindre dans toutes les rames de métro neuves. Cette période marque aussi le début des graffitis dans les tunnels du métro (avec notamment PSYCKOZ et COLT). « Dans le sud de Paris, de 1987 à 1990, le terrain de Mouton-Duvernet, la gare abandonnée d’Auteuil » vont aussi accueillir de nombreux « grafs ». Dans les années 2000, le bâtiment

111 Bien que requérant coopérations et négociations lorsqu'elles se font à plusieurs, les sessions dites « vandales » sont

rarement « structurées » en un « plan précis » avec un « résultat déterminé » (définition d'« organiser » du CNRTL). En revanche, une session graffiti dans un dépôt de train ou une usine désaffectée par exemple peuvent demander une organisation des moyens de transport, de peinture, une division du travail etc.

112 Le terme « Wall of Fame » se dit dans la sous-culture pour un mur ou un terrain portant les pièces et tags de

graffeurs pionniers ou reconnus. Pour Stalingrad, les pratiquants les plus reconnus d'Europe vont y peindre, comme un « passage obligé » (Ben Yakhlef & Doriath, 1991, 46) donnant une sorte de galerie « Hall of Fame » suivant la tradition américaine en sports ou en musique.

désaffecté des Magasins Généraux à Pantin113 aura aussi une fonction de lieu d’échanges, d’entraînement, de galerie etc. (Chevalier & Boukercha, 2014).

La seconde génération de graffeur.se.s parisien.ne.s regroupe plus de pratiquant.e.s, et pousse certaines pratiques comme la peinture sur les métros au dépôt avec des graf' de plus en plus gros (ce qui aurait participé à la fermeture des rames de première classe en 1991114) ou dans l’ensemble d’une station (certain.e.s ayant des doubles de clés du réseau). Evoquées en introduction, les peintures recouvrant la station Louvre-Rivoli et ses copies d’œuvres d’art classique dans la nuit du 30 avril au 1er mai 1991 recevront une forte couverture nationale par la télévision et la presse écrite, tout comme une deuxième nuit de graffitis dans la même station le 11 janvier 1992. Les auteurs de 1991 seront promus à une certaine célébrité, mais aussi les premiers graffeurs français à être incarcérés. Dans la foulée, la RATP se dote d’une brigade spécialisée (Vecchione, 2014) et la réforme du Code pénal, à l’étude par les parlementaires à partir de 1989 et votée en 1992, prévoit à partir du 1er mars 1994 des sanctions spécifiques pour le graffiti illégal en France. C’est le 2e paragraphe au premier alinéa de l’article 322 visant les « inscriptions ». Objet de plus de répression, mais bénéficiant partiellement de l’effet « viral » de Louvres-Rivoli115 (Fieni, 2016, 295) la deuxième génération de graffeur.se.s français voit aussi se développer la possibilité de réaliser des commandes pour des institutions ou des particuliers, bien que cette pratique soit parfois vivement critiquée par certains graffeur.se.s « vandal ». En termes d’esthétique, cette génération remet aussi au goût du jour le style Throw-Up évoqué précédemment, ainsi que les Flop, particulièrement sur les stores métalliques des magasins. Le nombre de pratiquants et leurs activités ayant augmenté, le graffiti parisien connaît une seconde période de croissance sur les murs, entre 1998 et 2000, et ce malgré l’effaçage quasi systématique (mis à part sur les stores métalliques) et l’existence de sanctions pénales spécifiques. Parmi les writers reconnus et visibles

113 Le bâtiment des Magasins Généraux aujourd'hui rénové et accueillant les locaux d'une agence de communication,

a donné lieu à un site internet qui fait office de Musée Virtuel : http://www.graffitigeneral.com/

114 Le Ministère de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace, interrogé au Sénat en 1991, explique que

la première classe, au delà d'être un exception dans les métros français, faisait « spécifiquement l'objet » « de déprédations » (Journal Officiel du Sénat du 05/12/1991, 2709).

115 A titre d'exemple, l'ouvrage Descente Interdite (Boukercha & Bischoff, 2010) spécifiquement consacré aux graffitis

dans les métros de Paris, utilise les vidéos des reportages de 1991 et 1992 pour faire sa promotion sur internet. Le graffeur Oeno, l'un des graffeurs de 1991 à Louvres-Rivoli et victime d'une peine de prison, utilise dès lors et encore aujourd'hui cet évènement pour accéder aux médias nationaux ou aux galeries d'art ("Oeno Présente: Chrome Diaries" , S.A, 2010) .

en Île-de-France sur cette période, on peut citer O’CLOCK ou TRAN, et les crews « GT »116 ou « TPK »117 (Vecchione, 2014). Cette période de renouveau précède un engagement encore plus fort de la municipalité de Paris et de la RATP dans l’effaçage des graffitis, qui transformera en retour les pratiques des graffeur.se.s sur métros, qui gravent alors de plus en plus souvent les surfaces et se rabattent vers les trains, notamment les RER et la gare St Lazare.

Du hip-hop à la mode, de la loi aux procès

Du fait de leur arrivée au même moment, la culture hip-hop et la culture graffiti sont intimement liées en France. On trouve des danseur.se.s de breakdance à côté des graffeur.se.s à Stalingrad en 1985, on trouve les futurs membres du groupe de rap NTM, Joey Starr et Kool Shen, parmi l’un des groupes de tagueurs parisiens les plus actifs à la fin des années 1980, les DRC118 (Vecchione, 2014). Entre le milieu des années 1980 et le succès commercial de la musique rap au début des années 1990, la culture graffiti était à la fois témoin et relais de la culture hip- hop française119 (Ibid). En 1986 ouvre le premier magasin dédié au hip-hop à Paris, « Ticaret », géré par Dan, commerçant, danseur de break puis DJ (S.A, 2014). Le magasin se situe à l’époque juste à côté du terrain vague Stalingrad, où des Free Jam rassemblant DJs, breakeur.se.s et graffeur.se.s se déroulent. Le gérant importe des États-Unis et vend des ceintures, lacets, casquettes, tee-shirts ; puis des vinyles, des baskets, des cassettes de rap, mais pas de sprays. Le lieu rassemble beaucoup d’acteurs du hip-hop et la variété de ses pratiques à Paris, en un lieu unique pendant trois ans. Ce commerce dure 14 ans, avec un transfert aux Halles en 1997 (autre lieu historique du hip-hop parisien). C’est via ce magasin, dont la devanture est graffée, que commence la vente de t-shirts de graffiti, et qu’une partie des rappeurs et DJs les plus en vue du hip-hop français dans les années 1990 vont se lancer (Ministère A.M.E.R, Dj Mehdi, Kery James, 113, Cut Killer, Lunatic etc.) ou simplement s’habiller.

La fin des années 1990 correspond aussi à un tournant pour la culture hip-hop française, par la récupération et la commercialisation du rap français entre 1997 et 1998, beaucoup de collégiens

116 « Grim Team » 117 « The Psycho Killerz »

118 « Da Red Chiffon », ils formeront le crew de graffiti vandale 93 NTM (« 93 Nique ta mère ») en s'alliant avec le

crew TCG (« The Crime Gang »).

119 Le rappeur MC Solaar a également fait ses débuts dans le graffiti, tout comme des membres du groupe Assassin,

écoutent du rap et deviennent une « génération Skyrock » (du nom de la radio axée Rap et R’n’B de 1996 à 2014) (Becquet, 2009, 67). Par ailleurs, le graffiti français bénéficie à partir de cette période d’une diffusion via des magazines spécialisés dans la culture hip-hop et vendus en librairie ou par correspondance (Get Busy, R.A.P…) et notamment Radikal qui consacre des pages aux graffeur.se.s et graffitis les plus reconnus. Ensuite, des fanzines voués au graffiti comme Graff It et Xplicit se mettent en place et participent à un « phénomène de mode », avec une croissance de la visibilité et des pratiquants dans toute la France peu avant les années 2000 (Ibid).

Le début du XXIe siècle marque un autre tournant dans l’histoire de la sous-culture graffiti française, de par un procès d’une ampleur unique, tant par le nombre de graffeur.se.s inquiété.e.s que par la durée des procédures, et leur impact sur les pratiquant.e.s : le « Procès de Versailles ». Fin 2001, les tagueurs de trains ou de métros « les plus actifs de l’hexagone » (Becquet, 2009, 70) sont l’objet de perquisitions à leur domicile ou leur lieu de résidence partout en France. Une centaine de graffeur.se.s de Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux ou encore Lille, considérés comme « noyau dur » du graffiti sur trains et métros, sont arrêtés en 2002 pour « dégradations volontaires en réunion » (Vitrani, 2011, §4). Après deux ans d’enquête incluant filatures et écoutes téléphoniques120, une partie des suspects se dédouane en donnant d’autres noms, une partie nie en bloc les accusations, et c’est 56 personnes qui arrivent finalement devant le tribunal correctionnel de Versailles (Ibid).

Le jugement au pénal n’est rendu qu’en 2009, sans suivre le réquisitoire du Parquet ou les demandes des parties civiles (SNCF et RATP) : tous les faits reprochés sont requalifiés en dégradation volontaire causant un « dommage léger », et sans considérer que les actes étaient commis en réunion. Des peines d’amendes sont prononcées mais amnistiées « en application de la loi du 6 août 2002 »121 (Ibid). Le caractère médiatique du procès a certainement joué sur cette « clémence » dans la mesure où entre-temps, des graffeur.se.s ont écopé de lourdes amendes et de peines de prison ferme lors de procès moins visibles, et certains accusés de Versailles sont devenus côtés sur le marché de l’art. Depuis l’affaire du Louvre, tout un arsenal avait été mis en place au fil des années, notamment par la RATP, incluant des caméras infrarouges, détecteurs de

120 Celle-ci commençant à l'origine par une perquisition pour trafic de stupéfiants dans un domicile où l'on découvre

un fanzine de graffiti regroupant des centaines de photos de trains peints.

121 Le chapitre 1 de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002, prévoit que les délits « pour lesquels seule une peine

d'amende est encourue » et pour lesquels l'infraction a été commise avant le 17 mai 2002 sont amnistiées, « en raison soit de leur nature ou des circonstances de leur commission, soit du quantum ou de la nature de la peine prononcée »

mouvements, maîtres-chiens ou des alarmes ; les pratiques d’infiltration par la police nationale et la mise en place de « brigades anti-tag » se sont aussi développées.

Ainsi, le « procès de Versailles » et la répression du graffiti « vandale » ont laissé des traces dans les esprits des graffeur.se.s, liées aux spéculations quant aux peines, liées à l’arrêt des pratiques par certains, mais aussi parce que la sous-culture évolue en rapport à ces sanctions. Le secret est plus que jamais de mise envers les inconnus, et nombreux sont les messages suspectant des « flics » ou des « balances » sur les forums internet dédiés au graffiti, comme le forum « 90bpm122 » par exemple. Mais le procès ne s’arrête pas là, car un an plus tard, le premier volet civil est jugé : la RATP et la SNCF réclament 1,8 million d’euros de dommages et intérêts, sachant que les devis d’effacement des graffitis n’étaient pas contradictoires. Les amendes ont finalement été bien moindres, allant de 150 à 12 000 euros (Ibid, § 2). Cependant, les « books »123, mis sous scellés et contenant les archives d’une culture déjà reconnue comme importante pour « l’art

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