• Aucun résultat trouvé

2.1 Introduction

L’adaptation de la difficulté dans les dispositifs de rééducation motrice post-AVC basés sur la réalité virtuelle est une des solutions au problème d’adhésion thérapeutique présenté dans le chapitre 1. L’adaptation de la difficulté permet de maintenir l’utilisateur dans un état de flow pour conserver sa motivation tandis que la réalité virtuelle permet de proposer l’activité de manière contrôlée sans supervision directe d’un thérapeute. Cependant, contrairement à l’humain, il est plus difficile pour la technologie de s’adapter au mieux à son utilisateur. Dans notre situation, il est complexe de proposer une activité qui soit toujours adaptée aux capacités des patients pour qu’ils pratiquent une activité suffisamment difficile pour être thérapeutique et suffisamment facile pour qu’ils restent motivés afin d’améliorer leur adhésion thérapeutique.

C’est dans ce cadre que nous nous intéresserons à la difficulté adaptative des jeux thé-rapeutiques. Nous étudierons plus particulièrement comment exprimer et mesurer cette difficulté, ses différentes dimensions ainsi que différents moyens pour l’adapter.

Ce chapitre commence par un état de l’art sur les systèmes de rééducation basés sur la réalité virtuelle (section 2.2). Ensuite, le challenge de définir et représenter la difficulté ainsi que différentes méthodes pour permettre son adaptation dynamique dans le cadre des exercices de rééducation basés sur la réalité virtuelle (section 2.3).

2.2 Réalité virtuelle pour la rééducation motrice

post-AVC

Les premières technologies de la Réalité Virtuelle (RV) pour la rééducation motrice sont apparues dans les années 1986-1995 [Rizzo et al.,1997], en passant ensuite par une période

de 1996 à 2005 de développement et de mise en œuvre initiale [Sveistrup,2004] et jusqu’à aujourd’hui avec une recherche clinique significative en constante évolution [Rohrbach et al., 2019; Hussain et al., 2019; Hocking et al., 2019; Laver et al., 2018; Bermúdez i Badia et al.,2016; Hatem et al., 2016].

Des études récentes montrent l’utilité de la RV, que ce soit chez les patients en phase chronique post-AVC[Ward et al., 2019], sur l’intérêt de dispositif thérapeutique en com-paraison à des outils disponibles dans le commerce [Maier et al., 2019] ainsi que sur les composantes qui permettent l’utilisation de la RV pour l’auto-rééducation motrice à domicile [Tamayo-Serrano et al., 2018].

Toutes ces solutions se basent sur la stimulation sensorielle pour faciliter le rétablissement des zones motrices dans le cerveau. Le potentiel de récupération fonctionnelle peut être op-timisé en exploitant un certain nombre de processus neurophysiologiques qui surviennent après une lésion cérébrale, comme la forte augmentation de la neuroplasticité au début de la phase de récupération et la stimulation des zones sensorimotrices qui pourraient autrement subir une détérioration en raison de leur inutilisation (déconditionnement). Nous présenterons d’abord les résultats des études sur la rééducation du membre supé-rieur en nous basant sur le modèle de la CIF. Puis nous présenterons les principes de l’apprentissage moteur utilisés dans le cadre de ces procédés comme les notions de répéti-tion, d’intensité, de rétroactions et d’adaptation de la difficulté. Ensuite nous discuterons de l’opposition entre les dispositifs conçus pour avoir un effet thérapeutique et ceux dis-ponibles dans le commerce. Pour terminer, nous discuterons de l’efficacité de ces outils et des difficultés restantes à leur intégration en clinique.

2.2.1 Vue d’ensemble

Le modèle de laCIFdécrit trois niveaux de fonction (corporelle, activité et participation), qui peuvent tous être affectés négativement par unAVC(cf. section1.2.1). Les déficiences physiques et cognitives entraînent des limitations d’activités et peuvent en conséquence susciter des restrictions de participation. Des technologies de RV peuvent être utilisées pour intervenir à ces trois niveaux.

Depuis plus d’une décennie, des environnements simples sont utilisés pour fournir des ré-troactions (feedbacks) et accroître la motivation des personnes qui exécutent des exercices conçus pour corriger des aspects intrinsèques du mouvement actif comme l’amplitude, la précision et la force [Holden, 2005; Sveistrup et al., 2004]. Des essais contrôlés ont dé-montré des améliorations comparables [Piron et al.,2009] ou supérieures [Yavuzer et al.,

2008] à la thérapie conventionnelle dans le cadre de la rééducation post-AVC. La revue systématique deLaver et al. [2018] ne permet pas de montrer la supériorité de la RVsur la thérapie conventionnelle, mais elle met en avant, malgré un faible niveau de preuve, le fait que la RV peut être utilisée pour améliorer la récupération en l’absence d’autres interventions thérapeutiques après un AVC. Ces résultats restent encore très discutés dans la communauté et seront détaillés par la suite. D’autres interventions ont combiné desEVssimples, non immersifs ou semi-immersifs avec des robots pour ajouter des forces d’interaction permettant aux participants d’entraîner la force de préhension [Merians et al., 2006], la force des épaules [Adamovich et al., 2009b], la dissociation épaule-coude [Acosta et al., 2011; Volpe, 1981], et la dissociation des doigts [Stein et al., 2011]. Ces

études étaient toutes des études pilotes non contrôlées, à l’exception de Volpe [1981] qui a comparé son intervention à une thérapie conventionnelle adaptée dans le temps, ne trouvant aucune différence d’adaptation à ces deux régimes. Plusieurs études pilotes non contrôlées ont utilisé des simulations d’activité et ont démontré des améliorations de l’amplitude et la vitesse de mouvement [Boian et al.,2002; Piron et al.,2003, 2005]. Une étude comparant un programme de tâches répétitives en RV et un programme d’ergo-thérapie traditionnelle n’a démontré aucune différence significative entre les résultats au niveau des activités des deux interventions [Yavuzer et al., 2008].

Saposnik et al. [2010] ont comparé un programme d’activités de rééducation du membre supérieur basé sur le jeu présenté enRV avec un programme de thérapie récréative basée sur le jeu. Les sujets des activités ont alors présenté un plus grand niveau de participation que le groupe de thérapie récréative. Cependant, Saposnik et al. [2016] ont étendu leur étude de 2012 à 2015 sur 141 patients, et en ont conclu que chez les patients qui ont subi un AVC dans les trois mois précédant l’inscription (phase subaïgue) et qui présentaient une déficience motrice légère à modérée des membres supérieurs, la RV non immersive comme traitement complémentaire à la rééducation conventionnelle n’était pas supérieure à une activité récréative pour améliorer la fonction motrice, telle que mesurée par le Wolf

Motor Function Test (WMFT). Les auteurs pensent alors que le type de tâche utilisé

dans la rééducation motrice après l’AVCest forcément important, pourvu qu’il soit assez intensif et qu’il précise la tâche à accomplir. Des activités récréatives simples, peu coû-teuses et largement disponibles pourraient alors être aussi efficaces que des technologies novatrices deRVnon immersive. Nous pensons cependant que les termes utilisés semblent véhiculer une fausse idée selon laquelle la RV non immersive en adjonction ne serait pas plus bénéfique que des activités récréationnelles telle que jouer aux cartes. Nous tenons à rappeler que l’étude se concentre sur des dispositifs de RVnon immersifs avec des conte-nus disponibles dans le commerce (la Wii de Nintendo). Nous pensons donc qu’il serait plus juste de dire que des systèmes de RV non immersifs récréatifs (non conçus pour être thérapeutiques) et disponibles dans le commerce ne sont pas plus efficaces que des activités récréatives en adjonction à la rééducation conventionnelle.

Certaines interventions plus récentes étudient la façon dont la RV affecte la récupéra-tion neuronale en utilisant des manipularécupéra-tions de rétroacrécupéra-tions spécifiques pour réguler à la hausse les zones du cerveau endommagées par l’AVC [Adamovich et al., 2009a,b,c]. L’étude des activités de rééducation incorporant ces manipulations et leur capacité à apporter des modifications à plus long terme aux propriétés des réseaux cérébraux est en cours. L’impact négatif d’un AVC sur la fonction des membres supérieurs semble s’étendre au-delà de la somme des déficiences individuelles. Une étude particulièrement décourageante décrit l’absence d’amélioration des limitations d’activité liées aux membres supérieurs hémiparétiques malgré l’amélioration des déficiences, y compris la force et l’amplitude des mouvements [Dromerick et al.,2006]. Les simulations dans desEVssont maintenant passées de simples activités d’atteinte de cibles à des interventions plus com-plexes. Parmi les exemples de simulations qui ont été élaborées, mentionnons le nettoyage d’une cuisinière, l’épicerie, le basket-ball [Housman et al.,2009], et le placement des tasses sur une étagère avec rendu haptique [Merians et al., 2011]. Ces systèmes augmentent la capacité des thérapeutes à offrir des interventions répétitives qui sont plus efficaces en termes de temps, de ressources et de main-d’œuvre que les programmes de rééducation traditionnels [Adamovich et al., 2009a], ce qui permet d’exécuter de grands volumes de pratique en utilisant des activités complexes nécessaires pour susciter des adaptations

neuroplastiques [Birkenmeier et al., 2010]. De multiples études sur la pratique des tâches répétitives en RV démontrent des améliorations au niveau de l’activité à l’aide de me-sures normalisées de la fonction des membres supérieurs [Saposnik et al., 2011]. Il est intéressant de noter que deux études de programmes de tâches répétitives enRV ont dé-montré d’importants effets du traitement comparativement aux témoins dans la capacité non entraînée des AVQ [Piron et al., 2007, 2009]. Une autre étude comparant les effets d’un programme de tâches répétitives en RV sur la force de préhension a démontré des effets comparables à ceux d’un programme d’activités de rééducation traditionnellement présenté qui comprenait un entraînement de force [Housman et al.,2009]. De plus, deux autres études non contrôlées analysant des programmes de tâches répétitives virtuelle-ment simulées, qui ne portaient pas directevirtuelle-ment sur la force d’entraînevirtuelle-ment, décrivent également une amélioration de la force [Broeren et al., 2007;Connelly et al., 2010]. Peu d’études ont examiné les interventions conçues pour limiter l’impact des restrictions à la participation. Jusqu’à présent, ces interventions ont consisté en des activités de rééducation liées à l’utilisation des fauteuils roulants électriques, de simulations pour former les personnes victimes d’un AVC aux commandes manuelles pour la conduite automobile [Archambault et al.,2011;Erren-Wolters et al.,2007], de la série des activités requises pour utiliser le réseau ferroviaire public [Lam et al., 2006]. La RV permet aux sujets de tester ces activités et/ou de s’entraîner au cours des premières étapes de la récupération en toute sécurité. Par exemple, Cogné et al. [2019] évaluent la navigation spatiale des personnes héminégligentes de façon sécurisée. Un autre groupe d’activités de réadaptation virtuelle a été conçu pour répondre aux exigences du traitement sensoriel et cognitif de la participation à des activités comme le shopping [Rand et al., 2009; Sorita et al., 2014]. Les EVs offrent de multiples avantages pour la réadaptation au niveau de la participation en permettant aux sujets de pratiquer ces actions de façon sécurisée et répétée, y compris l’élimination des contraintes de temps associées au transport aller-retour aux centres commerciaux, la diminution du fardeau de supervision de ces activités et la capacité de noter la complexité des présentations sensorielles que les participants doivent gérer avec grande précision.

2.2.2 Choix des interfaces pour la rééducation motrice

La RV est utilisée comme support d’interaction pour permettre la pratique d’exercices thérapeutiques. Il y a deux parties fondamentales dans cette notion d’interaction que sont :

— Les interfaces : la partie matérielle permettant de capter les mouvements de l’utilisateur et de lui renvoyer l’état de l’EV via ses canaux sensori-moteurs dont les principaux concernés ici sont le visuel, l’audio, l’haptique (qui prend en compte la sensation du toucher ainsi que les contraintes physiques du mouvement) et le vestibulaire.

— Le contenu : la partie logicielle qui va traiter ces interfaces d’entrées et de sorties afin d’adapter la simulation virtuelle.