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Chapitre 1 Introduction

1.4 Réplication de l’ADN viral ; fonctions de la protéine E1 des VPH

1.4.2 Régulation de la réplication de l’ADN viral

1.4.2.4 Motif de localisation et d’export nucléaire de E1

Chez les eucaryotes, le transport nucléo-cytoplasmique de la plupart des protéines est restreint par les pores nucléaires (NPC, Nuclear Pore Complex) et seules les protéines de la famille des β-karyophérines peuvent les traverser. Pour entrer au noyau, les protéines (appelées cargo) doivent donc lier les importines, et pour en sortir, elles doivent interagir avec les exportines (Fig. 1.13) (Cook et al., 2007). Plus précisément, les importines interagissent avec leur cargo en liant leur séquence de localisation nucléaires (NLS : Nuclear Localisation Signal) et les exportines, en liant leur séquence d’export nucléaire (NES : Nuclear Export Signal). Selon le type d’importine avec lequel ils interagissent, les NLS sont regroupés en trois différentes classes. Ainsi, l’hétérodimère importine α/β est responsable de l’import des protéines contenant un NLS classique. Ce type de NLS est composé de régions riches en résidus chargés positivement (lysine et arginine) et peut se présenter sous forme monopartite (K-K-x-K) ou bipartite (2K/R-x(10-12)-K/R) (Conti et al.,

1998). Deux autres types d’importines ont également été identifiées : 1) la Snurportine 1, qui est responsable de l’import du complexe UsnRNP (spliceosomal ribonucleoproteins containing the UsnRNA), dans lequel la coiffe m3G retrouvée en 5’ de ces petits ARN sert de NLS, et 2) la Transportine 1 qui assure l’import des protéines responsables de l’export nucléaire des ARNm via la reconnaissance de larges NLS dont la séquence contient un motif PY conservé R/K/H-x(2-5)-P-Y (Cook et al., 2007; Lange et al., 2008; Lee et al.,

2006). À l’inverse de l’import, la majorité des exports nucléaire sont médiés par l’exportine Crm1 (Chromosome Region Maintenance 1). Le seul rôle connu de l’autre exportine, la CAS, est d’assurer l’export nucléaire de l’importine α. Contrairement au NLS, Crm1 reconnaît une seule classe de NES dont la séquence consensus est riche en leucines. Bien que les leucines soient prédominant dans la plupart des NES, la comparaison de plusieurs NES a révélé que dans certains cas, la leucine est remplacée par d’autres acides aminés.

Ainsi, la séquence consensus de ce type de NES est Φ-x(2-3)-Φ-x(2-3)-Φ-x-Φ, où Φ peut être

une leucine, une valine, une isoleucine, une phénylalanine ou une méthionine (Dong et al., 2009; Kutay and Guttinger, 2005; la Cour et al., 2004). L’interaction entre Crm1 et le NES peut être spécifiquement inhibée par la Leptomycine B, un antifongique qui induit l’alkylation d’une cystéine (C528) localisée dans la pochette de liaison au NES du domaine central de Crm1 (Fig. 1.13) (Dong et al., 2009; Kudo et al., 1999).

L’accessibilité du NLS et du NES des protéines cargo aux importines et aux exportines peut être modulée par des modifications post-traductionnelles telles que la phosphorylation et la sumoylation (Alvisi et al., 2008; Hagting et al., 1999; Jans and Hubner, 1996; Pichler and Melchior, 2002). Un excellent exemple de ce type de contrôle est le rôle que joue la phosphorylation des sous-unités du complexe d’initiation de la réplication de l’ADN chez les eucaryotes sur leur localisation cellulaire. En fait, bien que l’augmentation de l’activité des Cdk et de Ddk à la fin de la phase G1 soit nécessaire à l’activation de l’activité hélicase du complexe MCM (Fig. 1.6) (Araki, 2010), l’accumulation de phosphorylations par ces kinases en phase S induit la relocalisation des MCMs au cytoplasme (Nguyen et al., 2000; Nguyen et al., 2001). Ainsi, ce processus permet d’inhiber la ré-initiation de la réplication au cours de la phase S. La protéine E1 ne fait pas exception à cette règle et plusieurs études, dont celle présentée dans cette thèse, ont investigué le rôle des modifications post-traductionnelles de E1 dans le contrôle de son import/export nucléaire (Section 1.4.2.5).

Finalement, la directionnalité du transport nucléo-cytoplasmique est dictée par la différence de concentration de la GTPase RAN liée au GTP (RanGTP) entre le noyau et le cytoplasme. Dans le cytoplasme, la faible concentration de RanGTP permet le chargement du cargo-NLS sur l’importine. Suite à la translocation de ce complexe au noyau, la haute concentration de RanGTP induit la relâche du cargo-NLS. À l’opposé, le chargement du cargo-NES sur les exportines dépend de la présence d’une haute concentration de RanGTP retrouvée dans le noyau, et sa relâche au cytoplasme dépend de l’hydrolyse du GTP en GDP par une RanGAP (GTPase Activating Protein). Le maintien du gradient de RanGTP

au noyau est assuré par la protéine NTF2 (Nuclear Transport Factor 2) qui permet le rétro- transport de la RanGDP au noyau et par la Ran-GEF (GTPase Exchanging Factor) qui échange le GDP pour du GTP (Fig. 1.13) (Cook et al., 2007).

Figure. 1.13. Contrôle du transport nucléo-cytoplasmique chez les eucaryotes.

L’entrée au noyau est régulée par les importines et la sortie par les exportines. Ces protéines permettent de traverser la membrane nucléaire en passant par les pores du noyau (NPC). Ces processus sont régulés par le maintien d’un gradient de Ran-GTD entre le noyau et le cytoplasme. La leptomycine B (LMB) inhibant l’interaction de l’exportine Crm1 avec le cargo-NES est aussi identifiée. La structure des NPC provient de Nakielny et al. (1997) Curr Opin Cell Biol (Nakielny and Dreyfuss, 1997)

La protéine E1 du VPH contient un NLS ainsi qu’un NES (Fig. 1.14). D’abord identifiée chez la protéine du VPB, le NLS classique de type bipartite, retrouvée dans la région N-terminale de la protéine E1, a ensuite été caractérisé par mutagenèse chez la protéine du VPH 11 (Leng and Wilson, 1994; Lentz et al., 1993; Yu et al., 2007a). La première partie du NLS est hautement conservée à travers les divers PV, tandis que la seconde est plus variable (Annexe 1). Ainsi, la substitution de deux ou des trois acides aminés composant la première partie du NLS en alanine ou en glycine (K86, R87 et K88) est suffisante pour réduire de plus de 98% l’import de la protéine au noyau (Chapitre 3 et (Yu et al., 2007a)). Bien que la seconde partie du NLS soit moins conservée à travers les PV (K119-R122), celle-ci comporte toujours de 2 à 3 résidus basiques (lysine ou arginine) et la substitution de ceux-ci en alanine est également suffisante pour inhiber l’import de E1 au noyau (Fig. 1.14) (Yu et al., 2007a). Aucune interaction entre la protéine E1 des VPH et des importines cellulaires n’a été rapportée. Cependant, une étude suggère que la protéine E1 du VPB interagit avec les importines α3, α4 et α5 à travers son NLS. Cette étude suggère également que cette interaction serait réduite via la phosphorylation d’acides aminés juxtaposant le NLS et qui ne sont pas conservés chez les VPH (T102 et S109) (Bian et al., 2006). En accord avec le fait que l’accumulation nucléaire de E1 est nécessaire à la réplication de l’ADN viral, la mutation de la S109 en alanine augmente les niveau de réplication de l’ADN du VPB in vivo (Zanardi et al., 1997). Plusieurs kinases sont capables de phosphoryler ces résidus in vitro (PKC, PKA, Cdk1 et Cdk2) (Cueille et al., 1998; Lentz et al., 1993; Zanardi et al., 1997). Ainsi, l’identité de la kinase responsable de la modulation de l’import de la protéine E1 du VPB in vivo reste à être définie.

Contrairement au NLS, le NES retrouvée dans la région N-terminale des VPH diffère grandement des NES qui ont été identifiés chez la protéine du VPB (Rosas-Acosta and Wilson, 2008). Chez le VPH, le NES est localisé entre les acides aminés 105 et 114 de E1 (Fig. 1.14). L’inhibition de l’export nucléaire de E1 via la substitution en alanine de deux acides aminés de la séquence consensus du NES reconnue par Crm1 (leucine 109 et de l’isoleucine 112 ) ou via l’utilisation de leptomycine B suggère que la protéine est

exportée au cytoplasme via l’exportine Crm1 (Chapitre 3 et (Deng et al., 2004)). Chez les VPB, trois NES ont été identifiées et aucun ne concorde avec celui retrouvé chez les VPH (Rosas-Acosta and Wilson, 2008).

Figure 1.14. Séquence modulant la localisation nucléaire des VPH à haut et à bas risque oncogénique.

Séquences d’une portion de la région N-terminale de divers VPH dans lesquelles la localisation du NLS bipartite, du NES et du CBM est identifiée. En plus de ces séquences, les sites consensus reconnus par la cycline E-A/Cdk2 sont identifiés (noire).

Bien que l’accumulation nucléaire de E1 induite par son NLS soit essentielle à la réplication virale, la mutation du NES n’induit pas de défaut de réplication de l’ADN en tant que tel (Deng et al., 2004). Les études présentées dans cette thèse ont permis de confirmer que l’export nucléaire de E1 n’est pas essentiel à la réplication de l’ADN viral. Celles-ci révèlent cependant que l’export nucléaire est essentiel au maintien de l’épisome viral dans les kératinocytes. En fait, nous avons démontré que l’accumulation nucléaire de E1 induits des effets anti-prolifératifs, qui sont annihilés par l’export de E1 au cytoplasme. Ces résultats sont présentés et discutés aux chapitres 3 et 4.