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Concepts : composition et pertinence

3.1.2 Le processus de composition

3.1.2.1 Moteur de composition et Agent Compositeur

Document Virtuel Document réel P ro c e s s u s d e c o m p o s itio n

Fig. 3.1 – Document virtuel et document r´eel

Le processus de composition est le processus r´ealis´e par le moteur de composition. La d´efinition que nous en proposons est la suivante :

efinition 8 A partir d’un ensemble de ressources et d’un ensemble de modalit´es, le moteur de composition filtre et traite les ressources, les associe avec des modalit´es, les assemble et organise leur pr´esentation dans l’espace d’´enonciation pour en faire un document r´eel, en s’appuyant sur un mod`ele du domaine dont les ressources sont issues, un mod`ele de l’utilisateur et un mod`ele de l’espace d’´enonciation. L’´etat de l’espace d’´enonciation, c’est-`a-dire la disponibilit´e des diff´erents dispositifs physiques, et les interactions de l’utilisateur, auquel le document r´eel est pr´esent´e, sont ´egalement pris en compte. La composition d´esigne l’ensemble du processus et son r´esultat. Pour les distinguer on parle de processus de composition pour d´esigner le processus en lui-mˆeme et de composition pour le r´esultat.

Le sch´ema de la figure 3.2 r´ecapitule les diff´erents ´el´ements intervenant dans ce processus. Nous adoptons une vue agent de la composition. Nous explicitons ce point de vue `a la sec tion 3.1.2.1. Les diff´erents mod`eles participant `a la c omposition - le mod`ele du domaine, le mod`ele de l’espace d’´enonciation et le mod`ele de l’utilisateur - sont d´etaill´es respectivement aux sections 3.1.2.2, 3.1.2.3 et 3.1.2.4.

3.1.2.1 Moteur de composition et Agent Compositeur

Le moteur de composition repr´esente le dispositif logiciel r´ealisant concr`etement les diff´erentes ´etapes n´ecessaires `a la composition, c’est-`a-dire `a la production du document num´erique r´eel. Les fonctionnalit´es de ce moteur de composition reprennent sch´ematiquement celles qu’accomplissent des ˆetres humains exer¸cant une activit´e de composition : r´ealisateur de t´el´evision7, enseignant, ´ecrivain, etc.

page 84 Chapitre 3. Concepts : composition et pertinence Moteur de composition Modèle du domaine Modèle de l’espace d’énonciation Interaction utilisateur Modèle de l’utilisateur Ressources Modalités d’entrées Modalités de sorties Document réel Espace d’énonciation Eta t de l’es p ace d’én onci atio n

Fig. 3.2 – Le processus de composition

efinition 9 Un moteur de composition est l’entit´e logicielle abstraite regroupant l’ensemble des fonctionnnalit´es n´ecessaires `a la r´ealisation de la composition d’un document r´eel. Ces fonc-tionnalit´es sont r´eparties en trois cat´egories g´en´erales, celles ayant trait au traitement et `a la s´election des ressources, celles concernant l’association des ressources avec une ou plusieurs modalit´es et celles assurant l’organisation et la pr´esentation des informations en un document r´eel.

Le sch´ema de la figure 3.3 r´esume les diff´erentes fonctions r´ealis´ees par le moteur de c ompo-sition. Traiter & Filtrer Assembler Organiser & Présenter Modèle du domaine Modèle de l’espace d’énonciation Ressources Modalités de sortie Modalités d’entrées Interactions utilisateur Modèle de l’utilisateur Etat de l’espace d’énonciation Moteur de composition Document réel

Fig. 3.3 – Les diff´erentes fonctions r´ealis´ees par le moteur de composition

Dans notre travail, le moteur de composition est consid´er´e comme un agent, d´esign´e sous le nom d’Agent Compositeur (AC) (Vaudry & Crampes, 2001b). Cet agent est un agent rationnel,

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c’est-`a-dire qu’il est social, autonome, r´eactif et proactif8. L’agent compositeur s’inscrit dans une d´emarche relevant de l’initiative mixte, selon la d´efinition propos´ee `a la section 2.3.4 du chapitre 2. Sa strat´egie d’interaction consiste `a essayer de coop´erer `a la tˆache dans laquelle l’utilisateur est engag´e de mani`ere pertinente. Cette d´emarche correspond `a une situation de coop´eration tel que la d´efinit (Ferber, 1997) : l’action de l’agent compositeur tend `a ´eviter ou `a r´esoudre des conflits potentiels ou actuels avec l’utilisateur dans le cadre de la tˆache de ce dernier

Dans le cadre des conflits entre agents, il est possible de distinguer deux types de conflits, les conflits physiques et les conflits epist´emiques. Les conflits physiques sont des conflits concernant des ressources. Dans ce cas, les buts des agents ne sont pas n´ecessairement contradictoires, mais ne sont pas compatibles du point de vue des ressources n´ecessaires `a la r´ealisation de ces buts. Un conflit ´epist´emique concerne les informations, croyances, buts et intentions des agents, qui peuvent ˆetre diff´erents (Tessier et al., 2001). Les conflits entre l’agent compositeur et l’utilisateur peuvent ˆetre l’un ou l’autre. Ainsi, l’agent compositeur et l’utilisateur agissent de mani`ere concurrente, ils peuvent ˆetre en conflit pour l’acc`es `a une ressource d’information ou pour l’acc`es `a un ´el´ement de l’interface. De mˆeme, l’agent compositeur est capable de prendre des initiatives. Son point de vue sur la composition (en fait, le point de vue du concepteur de l’agent compositeur sur la composition) peut ˆetre en conflit avec le point de vue de l’utilisateur sur ce qui devrait ˆetre compos´e et pr´esent´e. Au niveau de la tˆache de l’utilisateur, ces conflits peuvent entraˆıner une augmentation de la distance d’´evaluation et de la distance d’ex´ecution. L’agent compositeur doit donc veiller `a ce que ses actions ne cr´eent pas de conflits et au contraire aident `a r´esoudre ceux existants et `a ´eviter ceux potentiels.

Nous avons ´et´e amen´e `a c onsid´erer lors de notre travail sur le projet AMEBICA un conflit concernant la quantit´e d’informations pr´esent´ees `a un op´erateur. En nous appuyant sur la th´eorie de l’action de Norman (pr´esent´ee au chapitre 2 `a la section 2.1.2.3) nous posons que dans le contexte d’une tˆache, la charge de travail est la somme de la distance d’´evaluation (c’est-`a-dire l’effort n´ecessaire `a l’interpr´etation des informations) et de la distance d’ex´ecution (c’est-`a-dire l’effort n´ecessaire `a l’utilisateur pour r´ealiser un objectif en terme d’actions sur les interacteurs). Nous ne prenons en compte dans la suite que l’aspect relevant de la distance d’´evaluation dans la charge de travail.

Dans le cadre d’une interface de supervision, l’agent compositeur fait ´evoluer dynamiquement la pr´esentation du flux d’informations pour tenir compte des changements dans le comportement du processus supervis´e. Le flux d’informations est caract´eris´e par un d´ebit informationnel qui se d´efinit comme la quantit´e de ressources d’information par unit´e de temps, fournie par l’agent compositeur `a l’op´erateur au cours d’une interaction. Si on consid`ere que la charge de travail est une fonction croissante des ressources d’information que traite un op´erateur par unit´e de temps9, l’op´erateur se trouve en surcharge de travail quand il a `a traiter plus d’informations qu’il n’est capable de le faire. De mˆeme, si le d´ebit informationnel est trop faible, l’op´erateur peut ˆetre en sous-charge de travail, ce qui entraˆıne `a court terme une baisse de son attention et de sa capacit´e `a d´etecter et anticiper les dysfonctionnements. 10. Nous avons introduit la notion de fluidit´e de l’interaction pour consid´erer ce probl`eme. Une interaction est fluide si il

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Nous donnons des d´efinitions d’agent et d’agent rationnel commun´ement accept´ees dans la communaut´e syst`eme multi-agents, `a la section 6.2.2 du chapitre 6. Les propri´et´es d’autonomie, de sociabilit´e, de r´eactivit´e et de proactivit´e ont d´ej`a ´et´e ´evoqu´ees dans le chapitre 2 aux sections 2.3.3 et 2.3.4. Elles correspondent aux propri´et´es caract´eristiques d’un agent rationnel d’apr`es (Wooldridge & Jennings, 1995b)

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L’hypoth`ese ici implicite est que la charge de travail est une fonction croissante du d´ebit informationnel. Par rapport `a des m´ethodes d’´evaluation de la charge de travail telles que celles pr´esent´ees dans (Millot, 1988), nous consid´erons que la perception et l’interpr´etation des ressources d’information repr´esentent l’essentiel des efforts constituant la charge de travail de l’op´erateur. Cela peut se justifier ici dans la mesure o`u nous ne nousint´eressons qu’aux aspects relevant de la distance d’´evaluation et non `a ceux relevant de la distance d’ex´ecution.

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La charge de travail et les probl`emes li´es `a la surcharge et `a la sous charge de travail ont ´et´e abord´es dans la section 2.1.1.3 du chapitre 2

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y a ad´equation entre le d´ebit informationnel et les capacit´es de perception et de traitement de l’op´erateur, c’est-`a-dire une ad´equation entre la quantit´e d’informations fournies et la quantit´e d’informations pouvant ˆetre re¸cues. Pour formuler les choses autrement, l’interaction est fluide, lorsque le d´ebit informationnel se maintient dans une plage de valeurs telle que l’op´erateur n’est ni en sous-charge ni en surcharge de travail. Nous parlons de rupture de fluidit´e quand l’op´erateur passe dans un ´etat de surcharge de travail et de rupture d’engagement quand l’op´erateur passe dans un ´etat de sous charge de travail. Le sch´ema de la figure 3.4 r´esume ces diff´erentes notions.

Interaction fluide Charge de travail de l’opérateur Charge de travail maximum de l’opérateur Charge de travail minimum de l’opérateur Rupture de l’engagement Rupture de la fluidité

Fig. 3.4 – Interaction fluide, rupture de fluidit´e et rupture d’engagement

efinition 10 Dans le cadre de l’interaction homme-machine, le d´ebit informationnel est la quantit´e de ressources d’information pr´esent´ees `a l’utilisateur par unit´e de temps, au cours de l’interaction11.

efinition 11 Si la charge de travail est exprim´ee comme la quantit´e de ressources d’infor-mation qu’un op´erateur traite par unit´e de temps au cours d’une interaction, il est question de rupture de l’engagement quand cette charge de travail est en dessous d’un seuil nomm´e charge de travail minimum. Il est question de rupture de fluidit´e quand cette charge de travail est au-dessus d’un certain seuil, nomm´e charge de travail maximum. Les seuils de charge de travail minimum et de charge de travail maximum sont des seuils variant pour un mˆeme op´erateur en fonction de diff´erents param`etres li´es `a l’individu lui-mˆeme, `a la situation et l’organisation du travail12.

efinition 12 Une interaction fluide est une interaction dans laquelle le d´ebit informationnel est maintenu dans une plage de valeur de telle sorte que la charge de travail de l’op´erateur soit maintenue dans une plage de valeurs comprises entre la charge de travail minimum et la charge de travail maximum.

Dans ce contexte, le rˆole de l’agent compositeur est de maintenir dynamiquement la charge de travail en-dessous de la charge maximum et au-dessus de la charge minimum et en cas de rupture s’engager dans une action qui r´etablit la fluidit´e de l’interaction. Dans le projet AMEBICA, nous n’avons consid´er´e que le cas de la rupture de fluidit´e de l’interaction. Les indicateurs de cette rupture sont alors, par exemple, un nombre importants d’erreurs de l’op´erateur, des temps de r´ealisation de ses tˆaches anormalement ´elev´es, etc. Ces indicateurs se retrouvent dans la matrice 1.1 `a la section 1.2.1.2 du chapitre 1.

11On pourrait d´efinir le d´ebit informationnel par rapport `a une unit´e de temps et de surface, pour un d´ebit d’informations de nature visuelle pr´esent´ees sur un ´ecran. Pour une page Web ou une interface graphique classique, on pourrait introduire la notion de densit´e informationnelle, qui est la quantit´e de ressources d’information pr´esent´ees par unit´e de surface.

Chapitre 3. Concepts : composition et pertinence page 87 Modèle de l’utilisateur Composante domaine Composante dialogue Modèle de l’espace d’énonciation Modèle du domaine Agent Compositeur

Fig. 3.5 – L’Agent Compositeur (AC) dans le processus de composition

Pour remplir ses fonctions, le moteur de composition - qu’il soit un agent ou non - utilise trois mod`eles, les mod`eles du domaine, de l’espace d’´enonciation et de l’utilisateur, objets des trois prochaines sections.