• Aucun résultat trouvé

III - STRUCTURE DES BRANCHIES

III- 2-3 : Morphologie des soies

Chez Bythograea, les soies sont des expansions coniques, espacées régulièrement le long du vaisseau efférent. Elles sont non articulées et renflées à leur base (Photo III-6). En section transversale, elles mesurent environ 80 µm de diamètre à leur base et 30 µm de

diamètre à mi-hauteur. L’apex a une surface de 2 µm2. Elles font, en moyenne, 230 µm de

Chapitre III – Structure des branchies

A B

Photo III-6 : Détail des soies se trouvant sur le vaisseau efférent des branchies de Segonzacia mesatlantica (A) et Bythograea thermydron (B) montrant leur base renflée.

Vue de l’intérieur du vaisseau efférent, la soie apparaît évidée et en continuité avec le vaisseau (Photo III-7) ; elle est donc remplie d’hémolymphe. Un pore, de 1 µm de diamètre, est présent au niveau de l’apex (Photo III-8). La cuticule recouvrant la soie est relativement épaisse.

A B

Photo III-7 : Vue interne du vaisseau efférent montrant l’insertion de soies creuses (A). Vue

Chapitre III – Structure des branchies

Photo III-8 : Détail du pore apical chez Bythograea thermydron (B).

L’observation en microscopie photonique de coupes tangentielles de la base des soies de Cyanagraea praedator montre que la cuticule, très épaisse, est formée par plusieurs strates ondulées (Photo III-9). Des cellules sanguines sont visibles dans la zone centrale de la soie, ou médulla (Photo III-10). Une couche membraneuse puis l’épiderme qui la sécrète sont observés sous la cuticule (Photo III-11).

A B

Photo III-9 : Coupe tangentielle en microscopie photonique (A) et MET (B) de la base d’une

Chapitre III – Structure des branchies

A B

Photo III-10 : Coupes sagittale (A) et transversale (B) en microscopie photonique d’une soie

de Bythograea thermydron. On distingue les trois couches de la cuticule ainsi que l’hémolymphe située à l’intérieur de la soie.

Photo III-11 : Structure en microscopie photonique de l’épiderme d’une soie de Bythograea thermydron, séparé de la cuticule (C) par une couche membraneuse (cm). Les cellules de

l’épiderme ont une forme hexagonale. La chromatine de leur noyau apparaît colorée en bleu.

La photo III-12 présente la section basale d’une soie en MET avec la succession des différentes couches formant la cuticule. De l’extérieur vers l’intérieur, on observe :

- l’épicuticule, fin liseré périphérique, en contact avec le milieu extérieur,

- l’exocuticule, formée de la couche pigmentaire avec des ondulations marquées de la cuticule, d’environ 1 à 1,5 µm d’épaisseur,

- l’endocuticule, d’environ 2 à 3 µm d’épaisseur, qui peut être plus ou moins minéralisée, - la couche membraneuse sombre, d’environ 1 µm d’épaisseur.

Chapitre III – Structure des branchies

Photo III-12 : Section basale de la soie montrant la succession des différentes couches de la

cuticule et l’intérieur de la soie.

L’observation fine de la cuticule en MET permet ainsi d’identifier toutes les couches cuticulaires et notamment la présence d’une couche membraneuse qui nous renseigne sur le stade d’intermue du crabe. Les crabes étudiés étaient au stade C4, stade d’intermue ou stade de repos tégumentaire qui peut être très long chez les animaux âgés dont le cycle de mue est ralenti, ou chez les animaux dont la mue est saisonnière (Vernet et Charmantier-Daures, 1994).

La médulla contient de l’hémolymphe et présente un aspect granulaire, de densité électronique moyenne avec des vésicules claires (Photos III-12, III-13). En périphérie, se trouvent des structures nerveuses plutôt arrondies, d’environ 0,5 x 1 µm, entourées d’une double membrane, et contenant une ou plusieurs dendrites (Photo III-13). A l’intérieur de la dendrite, on observe des sections de microtubules mesurant environ 15 nm de diamètre (Photo III-13).

Chapitre III – Structure des branchies Photo III-13 : Structure nerveuse se trouvant en périphérie de la médulla de la soie (A).

Grossissement de cette structure nerveuse, montrant la double membrane qui l’entoure (B). On distingue trois dendrites, avec des sections des microtubules.

III-3/ Discussion

Les quatre espèces étudiées présentent une structure classique de branchies de Brachyoures, de type phyllobranchie avec une formule branchiale identique à celle de nombreux brachyoures marins et d’eau douce (e.g. Martinez et al., 1999). Les branchies sont formées de plusieurs éléments répétés, en forme de lamelles. Ces lamelles, relativement serrées, présentent des dilatations périphériques qui permettent le maintien de l’espace entre elles, et donc la circulation d’eau. Par rapport aux autres types de branchies, dendrobranchies et trichobranchies, cette organisation en lamelles permet d’augmenter la surface d’échange pour la respiration et l’osmorégulation. Il semble que la structure interne des lamelles soit semblable à celle des espèces littorales, avec la présence de cellules piliers qui traversent l’hémocœle, pour soutenir l’épiderme lamellaire (Photo III-3).

Certaines lamelles branchiales sont recouvertes de bactéries en bâtonnets ou filamenteuses (Photo III-4). C’est un phénomène courant, observé par exemple chez Carcinus

maenas, sans que le rôle précis de ces bactéries ne soit connu (Goodman et Cavey, 1990).

S’agit-il d’un simple dépôt bactérien, ou bien ces bactéries jouent-elles un rôle biologique précis, comme la détoxication des métaux ? En tout cas ce phénomène n’a rien de comparable avec ce que l’on observe chez Rimicaris exoculata, les crevettes de la MAR, qui présentent une hypertrophie des épipodites des pièces buccales et de la chambre branchiale associée à la présence de nombreuses bactéries. Celles-ci constitueraient chez cette espèce une source importante de nourriture (Gebruk et al., 1993).

Une particularité de la structure des branchies des crabes hydrothermaux, mise en évidence au cours de notre étude, est la présence de soies, disposées régulièrement sur le vaisseau efférent (Photo III-5). Le vaisseau efférent, orienté vers l’extérieur de la chambre branchiale, est le plus exposé au milieu extérieur. Les soies sont, à proprement parler, des épines car elles ne sont ni articulées, ni flexibles (Watling, 1989). Elles sont creuses et contiennent des cellules sanguines (Photo III-7). On observe également ce type d’épines chez

Chapitre III – Structure des branchies

hydrothermaux.

Une étude précise de ces structures n’a été réalisée que chez Bythograea thermydron. En périphérie de la médulla de l’épine, des structures nerveuses sont présentes (Photo III-13). Elles contiennent une ou deux dendrites entourées d’une enveloppe et remplies de microtubules dispersés. Ces éléments confèrent probablement un rôle sensoriel à ces épines. La base de l’épine n’étant pas articulée et vue l’épaisseur de la cuticule, il est peu probable que celle-ci joue un rôle de mécanorécepteur. En revanche, la présence d’un pore apical en continuité avec la lumière interne de la soie permet une communication entre les microtubules et l’environnement (Photo III-8). Ce type de pore est généralement observé dans les chimiorécepteurs (Chaigneau, 1994). La présence également de microtubules, dispersés et peu nombreux, confirmerait le rôle de chimiorécepteur de ces épines. Les chimiorécepteurs des crustacés ont des dendrites qui sont souvent groupées par deux dans la lumière des épines, alors que les corps cellulaires sont situés dans l’hypoderme (Flegenhauer, 1992). Lors de notre étude, le prélèvement des épines isolées n’a pas permis la localisation des cellules sensorielles au niveau de l’hypoderme.

La présence d’épines a également été détectée sur le vaisseau efférent des branchies de

Carcinus mediterraneus de la lagune de Venise (Dalla Venezia et al., 1992) et de Carcinus maenas de la côte Est des Etats-Unis (Goodman et Cavey, 1990). Cependant, nous n’avons

pas observé de telles épines sur plusieurs échantillons de Carcinus maenas que nous avons prélevés à Roscoff (observation personnelle). Chez C. mediterraneus, les épines recouvrant de façon irrégulière le vaisseau efférent sont considérées comme des éléments de stabilité mécanique, mais aucune fonction physiologique ne leur est attribuée. Goodman et Cavey (1990) suggèrent par contre que ces projections pourraient avoir un rôle sensoriel, en raison de la présence de bulbes de neurites et de la proximité de vaisseaux sanguins. Laverack et Saier (1993) ont observé deux types d’épines le long du rachis branchial chez la langoustine

Nephrops norvegicus : des petites épines alignées et de grandes plus éparses. La présence de

neurones à proximité de la base des petites épines permet d’attribuer une fonction sensorielle à ces structures chez cette espèce : ils agiraient comme récepteurs à oxygène. En revanche, les grandes épines ne présentent pas d’innervation et n’auraient donc pas de rôle sensoriel. Les auteurs supposent qu’elles aident à maintenir les branchies libres de particules ou qu’elles altèrent le flux d’eau à travers le rachis branchial. Des épines ont également été observées chez Ucides cordatus, crabe des mangroves américaines (Martinez et al., 1999). Ces épines

Chapitre III – Structure des branchies

sont similaires aux cônes du homard, Homarus gammarus (Laverack et Barrientos, 1995). L’existence de chimiorécepteurs sur le vaisseau efférent des branchies de crustacés hydrothermaux leur permettrait de connaître très rapidement leur environnement, et d’adopter un comportement en conséquence : éviter la toxicité éventuelle du fluide ou rechercher des zones oxygénées. Cependant, les observations faites chez Bythograea thermydron ne peuvent pas être généralisées aux autres espèces. Seule une étude détaillée des épines chez chacune des espèces permettra de déterminer le rôle éventuel de ces structures. Des études de réponses physiologiques seraient également nécessaires pour connaître le stimulus chimique de ces chémo-récepteurs, comme cela a été fait chez Rimicaris exoculata (Renninger et al., 1995). Chez cette espèce, il a été montré que des épines sur les antennes jouaient le rôle de récepteurs aux sulfures qui pourraient servir aux crevettes pour se diriger dans les gradients de concentrations en sulfures présents au niveau des sources hydrothermales.

Il reste donc à caractériser plus précisément les structures sensorielles mises en évidence chez Bythograea thermydron et à déterminer, si ce sont effectivement des chimiorécepteurs, à quelle substance ils sont sensibles. Il serait également intéressant d’étudier les soies de toutes les espèces étudiées au cours de ce travail afin de voir s’il s’agit de chimiorécepteurs ou si ce sont plutôt des éléments de stabilité mécanique (Dalla Venezia et

al., 1992).

III-4/ Conclusion

Les branchies de crustacés décapodes hydrothermaux apparaissent similaires à celles des crustacés côtiers. Ce travail constitue une étude préliminaire. Dans un contexte d’étude physiologique de la respiration, il serait intéressant et nécessaire de mesurer la surface branchiale ainsi que l’épaisseur des membranes des branchies des crustacés hydrothermaux. Outre des informations sur une éventuelle adaptation morphologique à l’habitat hydrothermal, ces données pourraient nous renseigner sur le style de vie et l’activité de ces espèces, comme cela a été fait pour des espèces de crabes littoraux (Johnson et Rees, 1988).

La présence de chimiorécepteurs sur le vaisseau efférent des branchies du crabe

Bythograea thermydron est plausible. En effet, l’étude en MET de l’épine de la langoustine Nephrops norvegicus , qui vit dans des milieux vaseux et donc potentiellement hypoxique et

Chapitre III – Structure des branchies

riche en H2S, montre la présence de structures dendritiques comparables mais gainées de

cellules enveloppantes épaisses sous la cuticule (Laverack et Saier, 1993). Les auteurs proposent que ces épines forment un système de détection des gaz, probablement l’oxygène. Des chimiorécepteurs sensibles aux sulfures ont également été mis en évidence chez

Rimicaris exoculata (Renninger et al., 1995). De tels récepteurs pourraient permettre à Bythograea thermydron de détecter rapidement les gaz présents dans son environnement, tels

que l’O2 ou l’H2S, et ainsi d’adapter son comportement aux conditions environnementales. Si

une structure sensorielle était mise en évidence chez Cyanagraea praedator et Segonzacia

mesatlantica, elle constituerait une adaptation anatomique à un milieu hypoxique et/ou riche

IV – RESPIRATION ET PIGMENTS