• Aucun résultat trouvé

Chapitre II : Les intégrines

B. Les intégrines exprimées par les cellules hématopoïétiques et leur

2. Le rôle critique des intégrines de type β1 dans l’hématopoïèse

2.2. La modulation de l’activité des intégrines β1 dans les CSH

Les intégrines β1 des CSH sont assujetties à une régulation par les ions bivalents du microenvironnement, les peptides matriciels, et les interactions entre les facteurs de croissance, les chémokines, et les récepteurs d’adhérence. La mise en activation des intégrines

pour qu’elles puissent reconnaître leur ligand est appelée signalisation « inside-out », alors que la régulation des signaux qu’elles contrôlent, après liaison de leur ligand, est appelée signalisation « outside-in ». Ces deux processus impliquent des signalisations cellulaires spécifiques.

a). Les signalisations « inside-out » et « outside-in » des intégrines

Les intégrines β1 en surface des cellules hématopoïétiques sont exprimées sous forme inactive et requièrent une activation préliminaire pour être capables de lier leurs ligands et d’assurer leurs fonctions adhésives (Kerts J .M. et al., 1993) : c’est la signalisation « inside-

out ». Chez les progéniteurs hématopoïétiques, cette signalisation « inside-out » fait intervenir

les kinases PI-3K (Levesque J.P. & Simmons P.J., 1999) et les GTPases de la famille Rho telles que Rac2 (Jansen M. et al., 2005). Cette activation des intégrines résulte d’un changement de leur conformation tridimensionnelle (Schwartz M.A. et al., 1995), via très probablement une modification des propriétés physico-chimiques des adaptateurs, telles que la taline, qui joignent le domaine cytoplasmique des intégrines au cytosquelette (Martel V. et

al., 2001 ; Tanentzapf G. & Brown N.H. , 2006).

Suite à cette activation primaire des intégrines qui augmente leur affinité pour leurs ligands, la signalisation « outside-in » peut avoir lieu. En permettant la formation des points de contact focaux, cette signalisation induit le regroupement des intégrines (appelé aussi « clustering ») à la surface des cellules entraînant une stabilisation des complexes récepteur- ligand (avidité), le recrutement, l’exclusion ou l’activation de protéines effectrices ou structurales au sein de microdomaines membranaires, appelés « rafts ». Il est intéressant de noter que le « clustering » des rafts est un élément crucial de l’activation des CSH, puisque le regroupement de ces microdomaines induit par les cytokines est essentiel à l’entrée des CSH dans le cycle cellulaire et que l’inhibition de leur « clustering » conduit à une accumulation nucléaire de FOXO et provoque, ex vivo, la dormance des CSH (Yamazaki S. et al., 2006). Les rafts lipidiques sont donc le lieu privilégié d’interactions entre les récepteurs aux facteurs de croissance (tels que IGF-1) ou aux chémokines et les intégrines (Shamri R. et al., 2002 ; Tai Y.T. et al., 2003) et de la régulation croisée de leurs signalisations.

b). Les facteurs de croissance hématopoïétiques

Les facteurs de croissance hématopoïétiques tels que les IL- 3 et 6, le G-CSF et le GM-CSF, la thrombopoïétine, l’IGF-1, les ligands de c-Kit (SCF) et de Flt-3 (Flt-3L) activent

de façon transitoire les intégrines α4β1 et α5β1, qui participent ainsi aux signalisations pro- prolifératives et pro-migratoires dans les cellules hématopoïétiques (Levesque J.P. et al., 1996 ; Kapur R. et al., 2001).

Dans les cellules CD34+, l’équipe de Verfaillie a montré que le blocage en transition G1/S induit par les intégrines peut être levé par l’addition d’IL3 et de GM-CSF, ou de SCF et de Flt-3L (Jiang Y. et al., 2000). Cette balance en faveur de la prolifération par rapport à la quiescence peut également être une conséquence de l’activation du récepteur de l’IGF-1. La protéine adaptatrice RACK1, qui peut interagir avec la PKC, les intégrines β1 et le récepteur de l’IGF-1, apparaît comme un carrefour important de la balance prolifération/quiescence cellulaires (Hermanto U. et al., 2002). En effet, sa surexpression entraîne une inhibition de la croissance cellulaire dépendante d’IGF-1 et favorise la formation des zones focales d’adhésion et de l’étalement cellulaire (Hermanto U. et al., 2002).

c). Les chémokines

Les chémokines telles que le facteur chimiotactique stromal SDF-1 (qui a été évoqué précédemment dans le chapitre I) peuvent aussi moduler l’activité des intégrines (figure 22). En effet, ce facteur produit par les ostéoblastes, le stroma et l’endothélium médullaires (Ponomaryov T. et al., 2000) est capable d’activer la migration des précurseurs hématopoïétiques et myéloïdes par l’intermédiaire de α4β1, α5β1 et α2β1 (Peled A. et al., 1999). Le dialogue entre les chémokines et les intégrines a donc un impact majeur sur la localisation médullaire des progéniteurs hématopoïétiques, leur rétention et leur mobilisation dans la circulation sanguine.

d). Les autres récepteurs d’adhérence

Il existe à la surface des CSH et des progéniteurs hématopoïétiques d’autres types de récepteurs d’adhésion que les intégrines (tableau 5). En effet, les sélectines, les sialomucines (figure 22), le récepteur CD44, la superfamille des immunoglobulines et les cadhérines constituent les autres super-familles de molécules d’adhérence, qui peuvent modifier l’hématopoïèse en interagissant ou non avec les intégrines.

Figure 22 : Modèle d'interconnexion des réseaux de cytokines et de molécules d'adhérence cellulaire dans les contrôles de la localisation, prolifération et différenciation des CSH. (D’après Levesque J.P. et al., 2001).

Les sélectines sont des protéines transmembranaires avec un domaine extracellulaire constitué d’un domaine homologue aux lectines, un domaine homologue à l’EGF et un domaine homologue aux protéines du complément. La L-sélectine est exprimée par les CSH et les progéniteurs lymphoïdes et myéloïdes. Or, il a été montré qu’un des récepteurs de la L- sélectine exprimé par les CSH humaines est une isoforme jusqu’à présente non décrite du CD44 (Dimitroff C.J. et al., 2000). Quant à la E- et la P-sélectine, elles permettent de maintenir, in vitro et in vivo dans la MO, les CSH dans un état peu prolifératif sans affecter la prolifération des progéniteurs plus tardifs chargés d’assurer le renouvellement des cellules sanguines (Bradford G.B. et al., 1997).

Tableau 5 : Les super-familles de molécules d’adhérence (hormis les intégrines) dans le système hématopoïétique. (D’après Levesque J.P. et al., 2001).

Les sélectines ont aussi un rôle dans la transduction du signal car lorsqu’elles interagissent avec leur ligand, elles peuvent modifier les niveaux d’expression, l’état d’activation et/ou la fonction de molécules d’adhérence telles que les intégrines β1 (Chan J.Y. & Watt S.M., 2001). Tous ces résultats indiquent que les sélectines sont donc essentielles au maintien de l’homéostasie du système hématopoïétique.

Les CSH expriment aussi des sialomucines, qui présentent un niveau élevé de N- et O- glycosylations riches en acide sialiques. Cette famille comprend notamment le marqueur des progéniteurs hématopoïétiques et CSH, le CD34, le CD43 ou leucosialine/sialophorine, le CD164 et le PSGL-1 (P-selectin glycoprotein-1), qui est le récepteur de la P-sélectine. Toutes les sialomucines dont la fonction a été étudiée (CD34, CD43, CD164 et PSGL-1) ont un rôle inhibiteur sur l’hématopoïèse (figure 22), et le CD43 a la capacité d’augmenter l’affinité des intégrines qui se lient à la fibronectine, dans les progéniteurs hématopoïétiques (Anzai N. et

Le récepteur CD44 a un rôle majeur dans l’adhésion des progéniteurs hématopoïétiques aux cellules stromales notamment aux ostéoblastes, via son interaction avec l’acide hyaluronique, la fibronectine et l’ostéopontine. Le CD44 coopère également avec les intégrines β1, dans la régulation de la prolifération des cellules hématopoïétiques (Lundell B.I. et al., 1997). De plus, des altérations fonctionnelles du CD44 ont été rapportées dans le développement leucémique (Ghaffari S. et al., 1999).

Les cadhérines E, N et P sont exprimées dans les progéniteurs hématopoïétiques, alors que les VE-cadhérines signent une population de CSH très immatures, proches des hémangioblastes (Shinoda G. et al., 2007). Nous avons abordé précédemment que les N- cadhérines joueraient, elles, un rôle primordial dans l’ancrage des CSH aux ostéoblastes. Les E et N-cadhérines sont exprimées à la fois sur les cellules stromales et sur une sous- population de cellules CD34+. Plusieurs études ont démontré l’existence d’une interaction entre les intégrines β1 et les cadhérines, notamment les N-cadhérines (Monier-Gavelle F. & Duband J.L., 1997), essentielle pour la migration cellulaire (Huttenlocher A. et al., 1998). Or, la tyrosine kinase FER semble être un élément important de régulation de l’interaction entre les N-cadhérines et les intégrines β1, notamment via le contrôle de l’association de la β- caténine aux cadhérines (Arregui C. et al., 2000 ; Piedra J. et al., 2003). Il reste à déterminer quelle est la nature exacte des relations croisées entre les cadhérines et les intégrines dans les CSH.

D’autres antigènes transmembranaires, tels que le récepteur d’adhérence PECAM- 1/CD31, sont capables d’accroître l’activité adhésive de l’intégrine α4β1 (Leavesley D.I. et

al., 1994).

e). Les cations métalliques divalents

Les cations métalliques divalents Mg2+, Ca2+ et Mn2+ permettent aussi de moduler l’activité de certaines intégrines. Ainsi, de fortes concentrations en calcium inhibent l’affinité des intégrines β1 sur la fibronectine dans les cellules hématopoïétiques, alors que le Mn2+

est un très fort activateur (Takamatsu Y. et al., 1998). Dans l’endostéum, à l’interface os-moelle, la concentration de Ca2+ peut atteindre 40 mM (Silver I.A. et al., 1988), et il en est de même pour le Mn2+ (Takamatsu Y. et al., 1998). Ces ions sont extrêmement majeurs pour la régulation de l’affinité des récepteurs d’adhésion, tels que les intégrines et les cadhérines (Takamatsu Y. et al., 1998). Indirectement, le Ca2+ extracellulaire peut influencer le taux de PTH et donc fortement moduler les fonctions des ostéoblastes et des CSH. De façon

intéressante, la PTH régule l’expression des intégrines sur les ostéoblastes, in vivo (Kaiser E.

et al., 2001).

Enfin, les ions extracellulaires peuvent influencer fortement les voies de signalisation intracellulaires des CSH, notamment reliées à l’adhésion cellulaire, comme nous allons le découvrir dans le paragraphe suivant.