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Chapitre II : Les intégrines

A. Les structures et les fonctions des intégrines

2. Les intégrines et le contrôle de la survie cellulaire

L’adhésion cellulaire a un rôle majeur dans la survie et l’apoptose cellulaires, et notamment dans le processus d’anoïkis. C’est une apoptose spécifique qui est causée par le détachement de la cellule de son support matriciel. Des travaux préliminaires ont suggéré qu’une modulation de la voie Jun amino-terminal kinase (JNK)/ stress-activated protein

kinase (SAPK) était importante pour l’induction de l’anoïkis. Cependant, des études plus

poussées ont mis en évidence le rôle plus frappant d’autres molécules de signalisation, telles que FAK, ILK, PI-3K et la cascade Ras/MAPK dans la régulation de l’anoïkis (Alahari S.K.

et al., 2002). Récemment, le rôle de chacune a été déterminé dans la survie de cellules

normales, dépendante de l’adhésion.

D’abord, la kinase FAK joue un rôle central dans les signaux transmis par l’adhésion et dans la régulation de la survie dépendante de l’adhésion. Dans les cellules normales, une fois que les intégrines sont activées par la liaison d’un ligand suivie de leur regroupement, FAK est recrutée par la sous-unité β de l’intégrine et activée à son tour. FAK peut alors favoriser la survie cellulaire par la voie PI-3K/Akt ou en recrutant une kinase Src, dans les zones focales. Dans ce dernier cas, Src phosphoryle p130Cas et la paxilline, qui recrute à son tour le complexe Crk-DOCK180, et par la suite entraîne l’activation de Rac. L’activation de Rac peut être obtenue par la voie dépendante de Src ou la voie dépendante de la PI-3K et entraîne l’activation de JNK (Almeida E.A. et al., 2000) et de NF-κB (Parsons J.T. & Parsons S.J., 1997 ; Cary L.A. et al., 1999) (figure 19) pour induire la survie cellulaire. De manière intéressante, l’anoïkis peut être empêchée par l’expression de mutants FAK constitutivement actifs. Par contre, la perturbation de la signalisation de FAK dans les cellules cancéreuses, par

diverses techniques, provoque la mort cellulaire après détachement des cellules de leur substrat.

De récentes investigations ont révélé l’existence de relations étroites entre FAK et les signalisations de survie. Ainsi, FAK a été trouvée comme interagissant directement avec RIP (receptor-interacting protein), une sérine/thréonine kinase contenant un domaine de mort, qui, grâce à ce dernier, permet l’interaction avec d’autres protéines à domaine de mort et contrôle la balance survie/apoptose, via la régulation de NF-κB. Selon que FAK soit localisée dans ou hors des contacts focaux, sa liaison à RIP pourrait entraîner, respectivement, soit sa dégradation et l’apoptose cellulaire, soit l’inhibition de RIP et de l’apoptose induite par les récepteurs de mort (Kurenova E. et al., 2004).

Une autre protéine des zones focales d’adhésion, la vinculine, a été aussi récemment impliquée dans la régulation de la survie cellulaire, via la modulation de la signalisation FAK. La vinculine est un lien important de la connexion entre les intégrines et le cytosquelette d’actine (figure 18). Or, la délétion du gène de la vinculine, dans des cellules embryonnaires de carcinomes, confère une résistance à plusieurs stimuli apoptotiques, incluant la déprivation sérique et la culture en suspension. L’absence de vinculine renforce la voie de survie FAK/paxilline conduisant à l’activation de ERK, alors que la surexpression de la vinculine interrompt ce signal (Coll J.L. et al., 1995).

Toutes ces études montrent que des interactions différentielles entre FAK et ces protéines sont importantes dans la régulation de la voie de signalisation de FAK conduisant à la survie cellulaire.

Quant à la kinase ILK, régulée par les RTK et les intégrines en coopération avec la PI- 3K, son activité est importante dans la survie. Une diminution de l’expression d’ILK bloque la phosphorylation d’Akt sur la ser 473 et une élévation du taux d’apoptose. Ainsi, ILK joue un rôle non négligeable dans la phosphorylation d’Akt sur ser 473, probablement par un mécanisme direct, et la survie cellulaire (Nho R.S. et al., 2005).

ILK interagit avec PINCH (figure 19), qui semble aussi avoir un rôle majeur dans la survie cellulaire. Sa déplétion, par une stratégie de siRNA (small interfering RNA), favorise l’inhibition de l’étalement et l’induction de l’apoptose cellulaire. Cette apoptose accrue corrèle positivement avec l’inhibition de la phosphorylation d’Akt sur Thr 308 et ser 473. Cependant, la kinase Akt active pourrait ne pas bloquer l’apoptose induite par la suppression de PINCH-1 ou d’ILK-1. Donc, PINCH-1 et ILK-1 pourraient avoir des fonctions en aval ou en parallèle de l’activation d’Akt qui sont cruciales pour la survie cellulaire.

En amont d’Akt se trouve la PI-3K. Cette dernière génère des phosphoinositides phosphorylés en 3’ qui stimulent le recrutement d’Akt à la membrane, via son domaine PH (Pleckstrin homology), où les PDK (3’-phosphoinositide-dependent kinase) phosphorylent Akt sur sa Thr 308 et sa ser 473, pour induire son activation. Akt, une fois activée, va promouvoir la survie cellulaire en phosphorylant plusieurs substrats, tels que Bad et la pro- caspase 9, et en les inhibant. La PI-3K et l’activation d’Akt, qui en résulte, jouent un rôle central dans la régulation des signaux de survie dépendants de l’adhésion (Alahari S.K. et al., 2002 ; Nicholson K.M. & Anderson N.G., 2002). La kinase Akt est donc une cible commune de la PI-3K, de FAK et d’ILK, comme nous l’avons vu précédemment.

Le tryptophane 775 de la queue cytoplasmique de l’intégrine β1 a été trouvé comme essentiel à la stimulation d’Akt, puisque sa substitution avec une alanine inhibe spécifiquement l’activité d’Akt, conduisant à une diminution de la survie de ces cellules exprimant ce mutant (Pankov R. et al., 2003). De plus, cette intégrine β1 peut recruter, de manière sélective, une isoforme de protein phosphatase 2A (PP2A). Or, cette phosphatase déphosphoryle Akt et, par conséquent, réduit la survie cellulaire induite par les intégrines. La présence de PP2A associée à l’intégrine β1 pourrait donc permettre la rapide suppression de l’activité d’Akt, en réponse à des changements dans le statut adhésif (Pankov R. et al., 2003).

Une autre connexion, dans la toile des interactions de la PI-3K régulant l’anoïkis, est la death

associated protein-3 (DAP-3), qui est une protéine pro-apoptotique localisée, à la fois, au

niveau mitochondrial et cytoplasmique. Elle régule la mort cellulaire induite par les ligands des récepteurs de mort, comme le TNFα (tumor necrosis factor α). La suppression de l’expression de DAP-3, dans des cellules HEK293, inhibe l’anoïkis. Le détachement cellulaire stimule l’association de DAP-3 avec Fas-associated-death-domain protein (FADD) et augmente l’activité de la caspase 8, tandis que l’expression d’Akt active inhibe cette association, l’activation de la caspase 8 et l’anoïkis de cellules en suspension. De plus, Akt phosphoryle directement DAP-3, ce qui stimule la survie cellulaire de cellules en suspension. Donc, DAP-3 apparaît comme une cible importante d’Akt, dans la voie de survie dépendante de l’adhésion (Miyazaki T. et al., 2004).

Bien qu’elle soit majeure dans le processus de survie cellulaire induit par les intégrines, la voie PI-3K/Akt peut être contournée. En effet, dans un panel de lignées cellulaires de cancer du sein, l’activation d’Akt n’est pas fortement corrélée avec la survie cellulaire. En outre, une inhibition pharmacologique de la PI-3K n’entraîne pas une sensibilité à l’anoïkis des cellules avec de forts taux de phosphorylation d’Akt/PKB (Eckert L.B. et al., 2004). Cette étude

suggère donc qu’il existe une voie indépendante de PI-3K/Akt, permettant de promouvoir la survie cellulaire dépendante de l’adhésion.

Hormis les protéines de signalisation en aval des intégrines, les molécules régulatrices apoptotiques jouent un rôle majeur dans la survie cellulaire, dépendante de l’adhésion. Les protéines pro-apoptotiques Bad, Bim, Bmf, Bid, Noxa et Puma appartiennent à la famille des protéines à un seul domaine BH3, sont des senseurs du stress cellulaire et ne possèdent pas de capacité intrinsèque à induire la mort cellulaire de leur propre chef. Bim et Bmf sont des senseurs importants des changements du cytosquelette d’actine. Les isoformes BimEL et BimL

se lient à DLC1 (cytoplasmic dynein light chain ou LC8), un composé du complexe moteur dynéine associé aux microtubules. Ces protéines sont séquestrées dans le complexe dynéine, jusqu’à ce qu’un stimulus apoptotique induise leur libération (Puthalakath H. et al., 1999). Une étude a montré que la régulation négative de l’expression de Bim par l’adhésion et la signalisation en aval du récepteur à l’EGF (epidermal growth factor) sont, toutes deux, impliquées dans la suppression de l’anoïkis de lignées cellulaires épithéliales de sein (Reginato M.J. et al., 2003). Par contre, d’autres études ont démontré que l’anoïkis pouvait se produire indépendamment de Bim. Quant à Bmf, elle se lie à la chaîne légère de la dynéine 2. Or, le traitement des cellules avec de la cytochalasine D ou l’induction de l’anoïkis initie la libération de Bmf du cytosquelette (Puthalakath H. et al., 2001). Une fois libérées de leur contrainte cytosquelettique, Bim et Bmf vont neutraliser les protéines pro-survie de la famille Bcl-2, par liaison avec leur domaine BH3. Il s’ensuit un déséquilibre entre protéines régulatrices pro- et anti-apoptotiques, responsable de l’apoptose. Ainsi, la protéine pro- apoptotique Bax contribue à l’induction de l’apoptose par sa translocation vers la membrane externe de la mitochondrie, induisant ensuite sa perméabilisation, permettant la libération de facteurs apoptotiques, comme le cytochrome C, et l’activation subséquente des caspases (Green D.R. & Kroemer G., 2004). La perte des signaux de survie contrôlés par FAK entraîne la translocation vers la mitochondrie de différents facteurs pro-apoptotiques, tels que Bax et Bid (Valentijn A.J. et al., 2003 ; Valentijn A.J. & Gilmore A.P., 2004). A l’inverse, la signalisation des intégrines promeut l’expression de Bcl-2, qui est une protéine anti- apoptotique, et supprime l’expression de la protéine pro-apoptotique Bim, (Reginato M.J. et

al., 2003).

Cependant, dans le journal scientifique Cell, Ruoslahti et ses collaborateurs montrent que les intégrines pourraient réguler l’apoptose à travers des mécanismes indépendants des caspases (Jan Y. et al., 2004). Précisément, ils démontrent que la perte d’adhésion par l’intégrine α5β1 provoque la libération d’une protéine de la mitochondrie, Bit1, dans le

cytoplasme, où il forme un complexe avec le co-régulateur transcriptionnel AES (amino-

terminal enhancer of split) et induit l’apoptose (figure 20). De plus, il est connu que le

complexe AES, qui est un membre de la famille des facteurs de transcription Groucho, se lie à un grand nombre de protéines, incluant le récepteur aux androgènes, les facteurs de transcription Tcf et la sous-unité p65 de NF-κB (ou RelA).

Figure 20 : Régulation de Bit1 par les intégrines. Bit1 est une hydrolase ARNt qui

est localisée dans la membrane externe mitochondriale. La translocation de Bit1 dans le cytosol en réponse à des stimuli apoptotiques provoque l’association de bit1 avec le complexe AES, qui promeut l’apoptose. Les mécanismes impliqués ne sont pas encore décortiqués, mais AES (amino-terminal enhancer of split) est connu pour favoriser ou réprimer l’activité de plusieurs facteurs de transcription (tels que TCF et NF-κB, respectivement), et Bit1 pourrait aussi conserver son activité hydrolase ARNt dans le cytosol. Mais, lorsque α5β1 est activée et liée à la fibronectine, cette translocation cytoplasmique de Bit1 est inhibée et donc empêche la mort de la cellule adhérente. (D’après Stupack D.G. & Cheresh D.A., 2004).

Nous avons vu que l’engagement des intégrines régule la survie cellulaire, via une modulation des voies de signalisation proximales des récepteurs membranaires, et via une régulation du cytosquelette et des fonctions mitochondriales. Enfin, les intégrines régulent également des facteurs de transcription clés de la survie cellulaire, tels que NF-κB, p53, AP-1 et TCF. NF- κB est activé lors de l’adhésion cellulaire et est capable d’inhiber l’anoïkis, en régulant

notamment l’expression de Bcl-2 (Toruner M. et al., 2006). Plusieurs études ont montré que l’anoïkis est dépendante de l’activation de p53 (Grossmann J., 2002). La protéine p53 régule à de nombreux niveaux les voies de survie que ce soit l’activation de la voie Fas, la régulation de PTEN (phosphatase and tensin homologue) ou l’expression des protéines de la famille Bcl-2. Le facteur de transcription AP-1, cible des voies MAPK, est également un facteur important de régulation de l’anoïkis (Zeng Q. et al., 2002) et est régulé par les intégrines, notamment par un mécanisme original de translocation de la membrane vers le noyau du co- facteur de transcription JAB1 (Bianchi E. et al., 2000). Enfin, la voie β-caténine/LEF activée protège de l’anoïkis et est régulée par les intégrines (Novak A. et al., 1998).

Les conditions environnementales des cellules sont aussi des paramètres à prendre en compte et qui peuvent jouer un rôle essentiel dans l’initiation de la survie dépendante de l’adhésion. Il a été rapporté que l’expression de l’intégrine α5β1, mais pas de α2β1, dans des cellules épithéliales normales d’intestin de rat, permet la survie préférentielle des cellules en condition de déprivation sérique via l’activation différentielle de la voie PI-3K/Akt, mais pas d’ERK1/2 (Lee J.W. & Juliano R.L., 2000). En plus, l’activation de cette voie de survie par l’intégrine α5β1 permet également d’augmenter la signalisation de l’EGF, en induisant le regroupement entre l’intégrine, le récepteur à l’EGF, et d’autres protéines (Lee J.W. & Juliano R.L., 2002). Dans le même genre, une équipe a montré que l’activation d’Akt, dans les cellules adhérentes aux laminines 10 et 11, peut sauver les cellules de l’apoptose induite par la déprivation sérique, alors que l’adhésion sur la fibronectine les protège de cette apoptose par une voie dépendante d’ERK (Gu J. et al., 2002). Cette étude démontre donc que différents composés de la MEC conduisent à des signaux de survie, se distinguant par les voies de signalisation activées en aval des intégrines.

Les résultats de Janes et Watt suggèrent que la régulation négative de l’intégrine αvβ5 par la régulation positive de l’intégrine αvβ6 pourrait protéger les cellules de carcinomes basocellulaires de l’anoïkis, par l’activation de la voie de survie Akt (Janes S.M. & Watt F.M., 2004). On peut également noter que l’architecture en 3D contribue à la viabilité des cellules face à des stimuli apoptotiques. Ainsi, la formation d’hémidesmosomes (polarité cellulaire), suite à l’activation de l’intégrine α6β4, et le maintien de l’activité de NF-κB se sont révélés comme des processus essentiels à la résistance apoptotique des cellules d’acini mammaires (Weaver V.M. et al., 2002).

Au contraire des cellules normales, les cellules transformées de manière oncogénique, sont relativement résistantes au processus d’anoïkis (Frisch S.M. & Ruoslahti E., 1997). La

suractivation des signaux vus précédemment ou une modification des interactions adhésives en 3D permet cette résistance. Cette suractivation des signaux de survie peut être contrôlée par des facteurs extracellulaires comme l’insuline-like growth factor 1/2 (IGF1/2) ou l’IL-3 (Lotem J. & Sachs L., 1996 ; Butt A.J. et al., 1999), des signaux intracellulaires à partir de mutant Ras ou Src (Khwaja A. et al., 1997), ou encore par la délétion du suppresseur de tumeur PTEN (Tamura M. et al., 1999). Toutes ces voies contribuent à la résistance à l’anoïkis des cellules cancéreuses, via l’activation de la voie de signalisation PI-3K/Akt. Ainsi, une cible importante en aval de la voie PI-3K/Akt, pour la survie cellulaire, pourrait être la survivine qui n’est pas présente dans la majorité des tissus sains, mais très exprimée dans de nombreux cancers humains et corrélée à un mauvais pronostic de survie (Altieri D.C., 2001). Or, l’adhésion de cellules tumorales de prostate à la fibronectine, dépendante de l’engagement de l’intégrine α5β1, augmente l’expression de la survivine et la résistance à l’apoptose induite par le TNFα (Fornaro M. et al., 2003). Cependant, dans certaines cellules cancéreuses, la forte activité PI-3K/Akt ne corrèle pas avec leurs capacités de survie (Eckert L.B. et al., 2004). De plus, les mutations de p53, fréquentes dans les tumeurs, confèrent un avantage sélectif en permettant aux cellules cancéreuses de se soustraire à l’apoptose due à l’anoïkis (Fridman J.S. & Lowe S.W., 2003).

Enfin, la signalisation associée aux intégrines peut rendre les cellules plus résistantes ou plus sensibles aux agents anti-cancéreux génotoxiques comme les radiations ionisantes et la chimiothérapie. Ces processus sont appelés cell adhesion-mediated radioresistance/drug

resistance (CAM-RR, CAM-DR) ou cell adhesion-mediated drug sensitization (CAM-DS).

La CAM-DS est un processus dépendant de la tyrosine kinase c-Abl. Ainsi, en absence de p53, dans certaines lignées tumorales, l’activation de c-Abl lors de l’adhésion cellulaire entraîne la stabilisation de l’homologue de p53, p73, permettant l’induction de l’apoptose en réponse à la chimiorésistance (Truong T. et al., 2003). La CAM-RR et la CAM-DR sont définies par le fait que les intégrines et l’adhésion des cellules à la MEC confèrent une plus grande résistance aux radiations ionisantes et aux agents cytotoxiques, et ce que les cellules soient normales ou transformées (Damiano J.S. et al., 1999 ; Hazlehurst L.A. et al., 2000; Cordes N. et al., 2006). Pour résister aux stress du microenvironnement, l’adhésion des cellules sur un support matriciel, par l’engagement des intégrines, entraîne différentes voies de signalisation permettant le blocage des récepteurs de mort, l’arrêt du cycle cellulaire, l’inhibition de protéines mitochondriales pro-apoptotiques, et l’induction de la voie JNK induite par le stress, du facteur de transcription NF-κB, de molécules anti-apoptotiques

mitochondriales et de protéines de signalisation impliquées dans la survie (figure 21). Tout cela permet donc la mise en place de la CAM-DR.

Figure 21 : Voies de signalisation induisant la CAM-DR en réponse à un stress génotoxique. A la suite d’un traitement chimiothérapique ou de radiations ionisantes,

FAK, en interagissant avec les intégrines, permet d’activer différentes voies : la voie PI-3K/Akt, qui favorise la survie par la survivine ou par les protéines anti- apoptotiques cIAP-2 (cellular inhibitor of apoptosis 2), XIAP (X-linked inhibitor of

apoptosis protein) et Bcl-XL, et la voie JNK (Jun amino-terminal kinase). FAK inhibe

aussi la voie de signalisation en aval des récepteurs de mort, comme TRAIL (TNF-

related apoptosis-inducing ligand), ce qui empêche l’apoptose par les caspases 3 et 8. En aval de la liaison des intégrines avec un ligand de la MEC, plusieurs processus de résistance sont déclenchés : l’activation du facteur anti-apoptotique NF-κB (nuclear factor κ B) et des voies MAPK (Mitogen activated protein kinase) p42/p44 et p38,

l’induction des protéines anti-apoptotiques de la famille Bcl-2 et inhibitrices du cycle cellulaire comme p27, et l’inhibition des protéines anti-apoptotiques, Bax et Bim.

L’exposition chronique à un agent cytotoxique peut s’accompagner de modifications de l’expression ou de la fonction de certaines intégrines, incluant les intégrines β1, β3, α5 et

αv, par des mécanismes moléculaires encore inconnus (Dong L. et al., 1999 ; Cordes N. et al., 2003). Plusieurs hypothèses ont été proposées pour expliquer ces changements. Par exemple, des cellules exprimant un profil d’intégrines particulier, leur permettant de mieux survivre du fait des interactions avec la MEC, pourraient être sélectionnées suite à une exposition à un agent chimiothérapeutique. De même, la réorganisation globale des réseaux épigénétiques et métaboliques, conséquence d’une adaptation à l’agent anticancéreux, pourrait conduire à la perturbation des voies de synthèse, de maturation, de trafic des intégrines vers la surface cellulaire.

Nous avons vu que les cellules cancéreuses pouvaient résister à des traitements cytotoxiques par les processus de CAM-DR et de CAM-RR. Or, si les cellules tumorales en dormance sont réfractaires à la chimiothérapie, il semble que ce soit en grande partie à cause de leur état de quiescence (arrêt G0/G1), l’état dans lequel sont les CSH et les CSL. Des

travaux de l’équipe d’Ossowski suggèrent que l’interaction entre les récepteurs de surface (intégrines, Urokinase-type plasminogen activator receptor pour uPAR), les voies de

signalisation mitogène (ERK) et celle activée par le stress (p38) pourraient déterminer le passage des cellules tumorales de la prolifération à l’arrêt du cycle cellulaire en G0/G1et à leur

dormance (Aguirre-Ghiso J.A. et al., 2001). La revue de Ranganathan et ses collaborateurs met donc en évidence que le ratio ERK/p38 est un déterminant de la dormance tumorale de cellules de carcinomes épidermoïques, régulé par des molécules de surface cellulaire (Ranganathan A.C. et al., 2006). Quand l’Urokinase-type plasminogen activator (uPA) se lie à son récepteur, ce dernier interagit avec l’intégrine α5β1, favorisant ainsi l’assemblage efficace des fibrilles de fibronectine. De plus, cette interaction provoque la formation d’un complexe fonctionnel impliquant FAK et EGFR, permettant une forte activation de la voie de signalisation mitogène Ras/ERK et une inhibition de la voie de p38, via l’inactivation de Cdc42. Cette balance déséquilibrée en faveur d’ERK favorise donc la prolifération et promeut la tumorigénicité. Par contre la diminution de l’expression d’uPAR, le blocage de la fonction de l’intégrine α5β1 ou l’inhibition de FAK entraînent un désassemblage de ce complexe et réduit l’activation d’ERK. Par conséquent, cela conduit à l’activation de Cdc42 et à celle de p38 par la suite. Le ratio ERK/p38 étant devenu faible, un arrêt de croissance survient et les cellules tumorales sont forcées à rentrer dans un état de dormance (Aguirre-Ghiso J.A., 2002). Ces résultats nous permettent de conclure que la signalisation en aval des intégrines et l’expression d’une kinase associée aux intégrines, comme FAK, influencent la décision entre la tumorigénicité et la dormance, in vivo, en régulant la balance des voies de signalisation