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Chapitre 2 Modélisation des modulateurs électro-optiques

2.2. Le modulateur de Mach-Zehnder

Bien que cette thèse s’oriente principalement vers la solution d’un anneau résonant comme modulateur électro-optique, l’interféromètre de Mach-Zehnder est couramment employé dans la littérature (cf. état de l’art, section 1.3.3). Le modulateur de Mach-Zehnder est très intéressant pour plusieurs raisons. Un MZM équilibré est relativement insensible aux variations de température et aux variations du procédé de fabrication. Ainsi il ne nécessite pas de réglage de la longueur d'onde car le MZI peut opérer sur une large bande spectrale optique. Par conséquence, il n’y a pas besoin d’un circuit de stabilisation ou d’asservissement pour compenser les dérives de température et aucun supplément de consommation de puissance n’apparaîtra dans le budget du lien optique. Par ailleurs, concernant STMicroelectronics, les MZM sont la solution la plus mature pour réaliser un transmetteur en photonique sur silicium fiable. La technologie est en développement depuis 2012 et les transmetteurs à base de MZI démontrent un rendement élevé et des performances très bien contrôlées [31], au détriment d’une plus grande empreinte et une plus grande consommation.

-20 -10 0 10 20 30 40 50 -4 -3 -2 -1 0 1 Dé p h asa g e (° /m m ) Tension de modulation (V)

jonction type HSPM v2 jonction type Anneau

0 200 400 600 800 1000 1200 -4 -3 -2 -1 0 1 Ca p ac it é d e jo n cti o n (f F /m m ) Tension de modulation (V) jonction type HSPM v2 jonction type Anneau

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∆� [°] = ( � − �

[mW] = (∆� − ∆� + °)

̅̅̅̅̅ [mW] = (∆� − ∆� + °)

2.2.1. Présentation générale du MZM

L’architecture d’un modulateur de Mach-Zehnder consiste en un guide d’onde d’entrée, un diviseur, les deux bras du Mach-Zehnder et un combineur (Figure 2.3). Le diviseur et le combineur sont réalisés par des coupleurs directionnels 50/50%. Le principe de l’interféromètre est de recombiner deux faisceaux optiques dont les phases sont modulées pour faire varier la puissance optique du signal de sortie. Pour obtenir cette modulation de phase, une diode PN (sous forme du composant HSPM) est insérée dans chacun des bras du MZI, ainsi équilibré. La configuration de la Figure 2.3 est une architecture « dual-drive », c’est-à-dire que les deux modulateurs HSPM sont pilotés par des signaux d’entrée complémentaires. Cette configuration évite la création du même déphasage dans les deux bras et de plus, elle permet, à taux d’extinction de sortie constant, de réduire de moitié la longueur des HSPM par rapport à une configuration «

single-drive » (un seul HSPM est modulé). Afin d’assurer une amplitude de modulation optique maximale, deux déphaseurs supplémentaires sont utilisés. Ce sont des modulateurs à base de jonction PIN nommés PINPM (PIN junction-based

Phase Modulator) ou LSPM (Low Speed Phase Modulator). Ils permettent d’induire un déphasage constant de λ0° entre les bras du MZI pour le placer à son point de quadrature c’est-à-dire dans la partie linéaire des courbes de transmission de puissance du MZI.

Figure 2.3. Architecture dual-drive d'un modulateur de Mach-Zehnder

Les variations de phase obtenues avec les HSPM sont converties en une modulation d’intensité de la lumière de sortie du MZI. Les équations suivantes décrivent cette conversion. Le déphasage en degré (∆�) dans chacun des bras du MZM est calculé en considérant la différence entre les variations de phases sous une polarisation de et de 0 V, respectivement

� et � qui sont données par l’équation (2-10). [m] est la longueur du HSPM.

(2-11) Lorsque les deux ondes lumineuses se recombinent à la sortie du MZ, elles interfèrent entre elles et ainsi la puissance en sortie du MZ est directement liée à la différence des phases d’un faisceau par rapport à l’autre. Les puissances optiques

et ̅̅̅̅̅ varient selon une caractéristique en cosinus et sinus carrés :

(2-12)

avec

 [mW] la puissance optique en entrée du MZI ;

 un facteur prenant en compte les pertes optiques dues aux coupleurs directionnels, aux HSPM, aux PINPM et à la propagation dans les guides d’onde.

 ° est le déphasage entre les bras du MZ induit par les PINPM.

Comme précisé dans la section 1.3.1, les performances du modulateur sont caractérisées par le taux d’extinction, c’est-à-dire le rapport entre la puissance de sortie maximale et minimale : [dB] = log ( ,ℎ ℎ

, ). Le taux d’extinction peut être maximisé soit en augmentant la tension de modulation appliqué sur les HSPM, soit en augmentant la longueur des HSPM. La 1ère solution ne peut pas être retenue car les tensions fournies par un driver sont directement limitées par la technologie. Considérant l’efficacité de modulation d’un HSPM (cf. Figure 2.2), il est nécessaire d’avoir des modulateurs suffisamment longs (de l’ordre de quelques millimètres) ce qui implique forcément des capacités de jonction importantes (de l’ordre de plusieurs centaines de femto farads). Ces capacités sont alors incompatibles avec des débits élevés visés par les applications de la photonique sur silicium, ainsi qu’un obstacle à de faibles consommations. Pour résoudre cette problématique, l’état de l’art propose des architectures similaires à celle adoptées en conception RF : les HSPM sont découpés en petites sections afin de constituer une structure capacitive distribuée le long du MZI au lieu de considérer le

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MZI comme une structure localisée. Deux types d’architectures existent et sont comparées dans les travaux d’une équipe de STMicroelectronics [48] : le MZM à multi-étages (MS-MZM MultiStage Mach-Zehnder Modulator) et le MZM

travelling wave (TW-MZM). Les deux configurations sont illustrées par la Figure 2.4 qui résume également les caractéristiques de chacune des architectures.

(a)

(b)

Figure 2.4. Modulateur de MZ en architecture (a) multi-étages et (b) travelling wave

L’architecture à multi-étages consiste à diviser l’électrode du modulateur en différentes sections, chacune étant pilotée par un driver dédié. Chaque section peut être modélisée comme une capacité localisée et peut être drivée à un débit élevé. Chaque driver repose sur une structure CMOS à base d’inverseurs. Cette solution permet d’optimiser l’efficacité de modulation et également de maximiser le taux d’extinction car la tension appliquée sur le HSPM est maximale tout le long des électrodes. Temporiti montre qu’il existe une longueur de modulateur optimale permettant de maximiser l’OMA, c’est-à-dire obtenir le meilleur compromis entre un taux d’extinction élevé et des pertes d’insertion modérées [48]. Le choix du nombre de sections et de la longueur de chacune des sections est dicté par deux éléments :

 D’une part, il faut suffisamment de sections pour diminuer la charge capacitive locale de chaque driver et pouvoir atteindre des débits de modulation élevés. Ceci se traduit par une longueur maximale des sections telle que la fréquence de résonance de la section soit supérieure à la bande passante souhaitée.

 D’autre part, trop de sections compromettront la complexité globale du modulateur, d’où une limite inférieure à la longueur des sections.

Par ailleurs, il est important de synchroniser les différents signaux électriques modulant les sections en fonction du retard de propagation de l’onde optique dans le guide d’onde afin de minimiser les temps de montée et descente optiques. Pour ce faire, un réseau d’éléments passifs ou actifs est implémenté dans l’architecture des drivers pour induire les retards désirés (non représenté sur la Figure 2.4 (a)). La correspondance de ces retards (delay matching) n’est pas critique pour des débits jusqu’à 25 Gb/s mais le devient au-delà. De plus, le débit est également intrinsèquement limité par la vitesse des transistors. C’est pourquoi une architecture travelling wave est préférée pour des débits plus élevés.

L’architecture travelling wave consiste à réaliser l’électrode de chaque bras du MZM comme une ligne de transmission (TL transmission line). Un driver généralement réalisé en technologie CML pilote l’impédance de charge de cette électrode. Pour cette configuration, il existe également une longueur de modulateur optimale afin d’atteindre l’OMA maximum. Cette longueur est cependant différente du cas multistage car les contraintes sont autres. Le modulateur souffre en effet de problèmes liés aux lignes de transmission intégrées : des pertes de propagation électrique et une bande passante limitée. Pour minimiser les pertes, les électrodes sont chargées périodiquement par de courtes sections de HSPM séparées par des guides d’onde non dopés, ce qui permet d’isoler le flux de courant dans les électrodes. En revanche, les sections de HSPM placées loin du driver contribuent moins à la modulation de la phase tout en augmentant l’atténuation optique, car la tension de modulation décroît le long du modulateur. C’est pourquoi le taux d’extinction d’une structure travelling

Multistage MZM : N drivers, N électrodes, N

sections de HSPM Taux de remplissage 100 % Driver CMOS, constante le long du HSPM Taux d’extinction Grand

Débit Limité Ajustement des retards Blocs électriques

Travelling wave MZM : 1 driver, 1 électrode, N

sections de HSPM Taux de remplissage 60 % à 80 % Driver ECL, diminue le long du HSPM Taux d’extinction Limité

Débit Grand Ajustement des retards Blocs optiques ̅̅̅̅̅ PINPM PINPM ̅̅̅̅̅̅ ̅̅̅̅̅ PINPM PINPM ̅̅̅̅̅̅ Ligne de transmission Ligne de transmission Ligne de transmission Ligne de transmission ̅̅̅̅̅̅ ̅̅̅̅̅̅ ̅̅̅̅̅̅

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wave est réduit comparé à la structure multistage. La synchronisation entre les ondes électriques et optiques est ici réalisée en optimisant la longueur des sections non dopées entre chaque section de HSPM. Ce taux de remplissage permet d’égaliser les retards de propagation dans l’électrode et dans le guide d’onde et ainsi minimiser les temps de montée et descente optiques.

Le choix de telle ou telle architecture dépend finalement des spécifications requises par l’application. Si le taux d’extinction et le débit sont modérés, le choix sera alors guidé par des considérations énergétiques. Temporiti montre que la consommation énergétique d’une architecture multistage est constante alors que celle d’une architecture travelling wave diminue lorsque le débit augmente [48]. Ainsi un point de croisement à 30 Gb/s est trouvé au-delà duquel la structure travelling wave est plus avantageuse.

2.2.2. Exemple de caractérisation d’un MZM

Cette thèse a pour but de concevoir un prototype en lien avec les communications chip-to-chip. Néanmoins, vu les contraintes de temps imposées par la fabrication des puces et l’assemblage 3D envisagés, nous avons entrepris la réalisation d’un prototype en assemblage wire-bonding en anticipation du démonstrateur final. Ce travail préparatoire sera présenté au Chapitre 5 et permet de prévenir les difficultés d’une co-intégration entre un circuit électrique et un circuit optique. Le prototype implémente un modulateur de Mach-Zehnder. Dans cette section, nous allons donc justifier le choix de ce modulateur et montrer ses caractéristiques. Le prototype complet sera exposé au Chapitre 5.

Notre choix s’est porté sur un modulateur de MZ plutôt qu’un anneau résonant pour ce démonstrateur car les composants HSPM sont bien maîtrisés et caractérisés par STMicroelectronics au contraire des anneaux, encore en cours de développement. Ainsi la technologie PIC25G est fiable et cela facilite le co-design d’un transmetteur électro-optique. Le MZM a été fabriqué en utilisant la seconde génération de HSPM présentant une efficacité de modulation de 18 °/mm sous une polarisation inverse de -2.5 V pour des pertes d’insertion de 0.6 dB/mm [31]. Le MZM a une architecture méandrée afin de rendre son layout plus compact. La longueur totale des HSPM (sections droites et courbes incluses) est de 850 µm, ce qui correspond à une capacité de jonction de 250 fF sous une polarisation nulle. Cette longueur est suffisamment courte pour pouvoir considérer le MZM comme un composant localisé, c’est-à-dire que le modulateur peut être vu comme une architecture multistage avec une seule section. Ceci permet d’éviter les effets RF inhérents à la ligne de transmission d’une architecture travelling-wave.

La puce optique comprend également des réseaux de couplage d’entrées et de sorties afin d’injecter la lumière ( = nm) d’un laser externe et de la recueillir. Certains des réseaux permettent d’aligner correctement le porte-fibre (fiber-array) à la surface du wafer. Cet alignement est réalisé de telle sorte à maximiser la puissance de sortie. Les mesures réalisées à partir de cette puce sont des « mesures tout optiques », signifiant que la lumière modulée en sortie du modulateur est collectée directement par une fibre. Nous observons ainsi à l’oscilloscope des puissances optiques. Une autre configuration possible aurait été de convertir le signal optique en un signal électrique par une photodiode intégrée dont le courant varie proportionnellement à la lumière absorbée. On parle alors de « mesures opto-électriques », caractérisées par une entrée optique et une sortie électrique. Le layout de la puce est illustré à la Figure 2.5.

Les HSPM sont polarisés autour de -4 V (polarisation inverse) et deux signaux PRBS (Pseudo Random Bit Sequence) complémentaires d’amplitude 4 V sont appliqués sur chacun des deux bras du MZM. Une puissance optique de 13 dBm (soit 20 mW) est injectée en entrée du modulateur. Les mesures dynamiques permettent d’accéder au tracé des diagrammes de l’œil de la puissance optique en sortie. Ceux-ci sont représentés à la Figure 2.6 pour un débit de 10 Gb/s et 25 Gb/s. Les diagrammes sont relativement bruités à cause de l’environnement de mesure qui présente des chemins complexes comprenant des câbles RF et des sondes (probes), ce qui dégrade considérablement les signaux électriques envoyés sur le MZM. De plus, l’utilisation de de-emphasis sur les signaux PRBS est inévitable à 25 Gb/s afin de compenser les pertes et obtenir un œil ouvert. Au Chapitre 5, nous comparerons ces diagrammes de l’œil et ceux obtenus avec le prototype intégrant ce même modulateur et un driver.

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Figure 2.5. Layout de la puce optique, mesure tout optique d’un modulateur de MZ méandré

(a) (b)

Figure 2.6. Diagramme de l'œil du MZM : (a) à 10 Gb/s, (b) à 25 Gb/s

Pour conclure cette section, nous venons de voir que le modulateur de Mach-Zehnder est la solution actuellement mise en œuvre par STMicroelectronics pour moduler des données optiques. De ce fait, les deux architectures travelling wave et multistage sont bien maitrisées. Cependant, le Mach-Zehnder reste un composant très grand et peu adapté au multiplexage par longueurs d’onde, deux aspects sur lesquels l’anneau résonant est au contraire très compétitif.