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Le silicium étant un matériau centro-symétrique, les effets non-linéaires (NL Non Linear) d’ordre 2 ne sont pas présents. Nous considérons ici les effets NL associés à l’existence d’une susceptibilité du troisième ordre. Une grande variété de phénomènes sont possibles comme l’effet Kerr optique, un mélange à 4 ondes, une bistabilité absorptive ou réfractive [190]. Cependant dans cette section, nous nous restreignons aux phénomènes thermiques qui engendrent un auto-échauffement (self-heating) de l’anneau. L’auto-auto-échauffement est à l’origine d’un décalage et d’une distorsion des pics de résonance du spectre de l’anneau. Il est directement lié à la puissance optique circulant dans l’anneau et est donc essentiellement visible quand la puissance d’entrée est importante (> 1mW). Les trois phénomènes auxquels nous nous intéressons sont :

l’absorption à deux photons (TPA Two Photons Absorption) qui est un phénomène quantique se produisant lorsque la puissance optique injectée dans l’anneau est élevée. Le silicium absorbe l’énergie de deux photons et fait passer un électron de la bande de valence à la bande de conduction, créant ainsi une paire de porteurs libres électron-trou. La lumière stockée dans la cavité est absorbée ce qui génère la création de porteurs libres et un échauffement de l’anneau dues aux pertes locales d’énergie.

l’absorption par porteurs libres (FCA Free Carrier Absorption) qui est un procédé par lequel les photons sont absorbés par les porteurs libres présents dans la cavité. Les porteurs libres proviennent à la fois de la jonction PN et du phénomène d’absorption à deux photons. Les porteurs passent d’un état excité à un autre état excité. L’énergie perdue est retransmise sous forme de chaleur et contribue à l’auto-échauffement de l’anneau.  la dispersion par porteurs libres (FCD Free Carrier Dispersion) qui est un procédé par lequel la lumière circulant

dans l’anneau subit une dispersion par les porteurs libres. Cet effet s’oppose aux deux effets précédents TPA et FCA car il est à l’origine d’un blueshift (décalage vers les longueurs d’onde plus petites) du pic de résonance alors que les absorptions TPA et FCA provoquent un redshift (décalage vers les longueurs d’onde plus grandes) de la résonance. Cependant, en pratique, un redshift est observé lorsque les effets NL se manifestent car les effets TPA et FCA sont dominants sur le phénomène de dispersion.

L’auto-échauffement d’un anneau a été largement traité dans la littérature. L’université de Yonsei [191] et [192] propose une modélisation de ces effets en se basant sur la théorie des modes couplés. Le modèle décrit précisément la dépendance du spectre de transmission de l’anneau avec la puissance optique incidente, ainsi que la dynamique de l’anneau en présence de FCA. La précision de leur modèle a été confirmée par des mesures. L’université de l’Illinois [193] étudie également les dynamiques d’auto-échauffement dans un anneau résonant. Leur modèle couple les effets thermique et optique. Pour la partie thermique, la modélisation repose sur la méthode des capacités localisées qui considère l’anneau comme un ensemble de masses thermiques s’échangeant de la chaleur via des résistances thermiques. Ainsi le self-heating peut être décrit à l’aide d’un circuit thermique ce qui simplifie la mise en équation. La validité des résultats a également pu être vérifiée par des mesures réalisées sur des anneaux en nitrure de silicium. L’université de Cornell [194] a démontré qu’il est possible d’utiliser la compensation des effets FCA et FCD pour réaliser un anneau insensible à la puissance incidente. Le contrôle de la résonance est effectué en modifiant les propriétés thermiques de l’anneau et présente l’avantage d’être complètement passif. La résistance thermique de l’anneau est ajustée en gravant des tranchées autour de la cavité ce qui permet d’intensifier l’effet FCD jusqu’à un équilibre avec l’absorption FCA. L’université de Cornell démontre la bistabilité optique dans un anneau résonant. La première démonstration [195] s’appuie sur un effet thermo-optique (TO Thermo-Optic) non-linéaire induit par des mécanismes d’absorption. Ces mécanismes incluent l’absorption à deux photons mais aussi un phénomène d’absorption linéaire dû aux états de surface créés par les parois du guide non passivées. La seconde démonstration [196], au contraire, repose sur la dispersion par les porteurs libres dans le silicium, les effets thermo-optiques étant minimisés par l’utilisation de pulses nanosecondes. En effet, il est montré théoriquement que les paires électron-trou responsables de la FCD ont un temps de vie de l’ordre de la nanoseconde tandis que le temps

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, + = , + + � + � ( , ) − ( , ) ( − , + − − , + = ( , + ( , +,

caractéristique des effets TO est de l’ordre de la microseconde. Dans les deux cas, la transmission de l’anneau en fonction de la puissance optique d’entrée présente une courbe en hystérésis typique de la bistabilité. La bistabilité permet de réaliser des fonctionnalités tout-optiques comme par exemple une mémoire ou du routage. Les laboratoires d’Oracle [197] propose également d’étudier la bistabilité d’un modulateur en anneau induite par l’auto-échauffement à partir de l’absorption par les porteurs libres (FCA). L’effet peut être amélioré par des techniques d’élimination locale du substrat au niveau de l’anneau. Ces interactions thermo-optiques entrainent une dépendance du décalage des pics de résonance avec la puissance optique circulant dans l’anneau et donc, avec les données optiques à transmettre. En conséquence, la qualité de la modulation des données sera dégradée. Cependant, pour des modulations à des vitesses élevées (> 1 MHz), les effets thermo-optiques n’impacteront pas la transmission car ce sont des effets lents dont la bande passante a été évaluée à environ 100 à 200 kHz (temps caractéristique de quelques µs). Enfin, l’université de Maryland [106] exploite les anneaux résonants pour améliorer les effets NL et ainsi réduire la puissance nécessaire pour réaliser des fonctions optiques en traitement du signal. Plusieurs applications comme la commutation des signaux, le démultiplexage optique, le mélange à 4 ondes ou la réalisation de portes logiques sont démontrées. Notamment une implémentation des portes OR, AND et XNOR est proposée.

Après ce rapide état de l’art, nous montrons à la Figure A3.1 des mesures de spectres de transmission d’un anneau présentant des non-linéarités. D’une part nous pouvons constater que la résonance est distordue quand la puissance injectée dans l’anneau augmente μ c’est la manifestation de l’effet TPA. D’autre part, à puissance constante, la résonance se déforme également lorsque la tension de modulation appliquée sur la jonction PN augmente en valeur absolue ( est une tension négative) μ c’est la manifestation de l’effet FCA car les porteurs libres sont de plus en plus nombreux.

(a) (b)

Figure A3.1. Mesures de spectres de transmission : (a) à polarisation constante = , la puissance laser varie (b) à puissance laser constante = , la tension de modulation varie

Le but de la modélisation que nous cherchons à réaliser est de reproduire ces comportements expérimentaux, sans toutefois chercher à régler précisément le modèle pour l’ajuster à la mesure. Le modèle NL développé est une version simplifiée du modèle analytique présenté dans le Chapitre 2. Il se base sur l’équation (2-26) de transmission locale d’un anneau et ne prend pas en compte par exemple la dépendance de l’indice effectif avec la longueur d’onde et le calcul des pertes de l’anneau en fonction des concentrations de dopage. Le principe de la modélisation est d’incrémenter pas à pas la variation de l’indice effectif, puis de calculer la transmission de l’anneau jusqu’à convergence. En effet, l’auto-échauffement par TPA et FCA peut être vu comme un phénomène rétroactif car l’indice effectif dépend de la puissance absorbée dans l’anneau qui dépend elle-même de l’indice effectif.

Le modèle repose sur les quatre équations suivantes (A3-1) à (A3-4). La première calcule l’indice effectif en incluant les effets TPA et FCA tandis que les trois autres calculent la longueur d’onde de résonance, le facteur de qualité et la transmission à partir de la nouvelle valeur de l’indice effectif. Le détail du développement permettant d’aboutir à ces équations est donné à la fin de cette annexe.

(A3-1)

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+ = − + ( ℚ + , + , + ) = − ( − )+ = , +(A3-3) (A3-4)

est la puissance d’entrée du modulateur injectée par le laser. � et � sont respectivement une fonction de la tension de modulation et une constante qui permettent de rendre compte de « l’intensité » des effets NL. Ces deux paramètres peuvent être ajustés librement pour reproduire les caractéristiques de la mesure. En première approximation, nous définissons � comme un polynôme d’ordre 3 ce qui permet de reproduire grossièrement le décalage du pic de résonance observé à la Figure A3.1 (b) en fonction de la polarisation de la jonction PN.

Les résultats des simulations MATLAB sont illustrés à la Figure A3.2 et à la Figure A3.3. Nous retrouvons sensiblement les mêmes déformations et décalage du pic de résonance par rapport aux mesures. La Figure A3.3 (b) compare en particulier les spectres de transmission obtenus avec un modèle idéal sans effet NL (� = et � = ) et avec le modèle NL.

Nous n’étudierons pas davantage ces phénomènes d’auto-échauffement car nous nous plaçons dans des conditions telles que les effets NL peuvent être négligés. En effet, nous nous restreignons à des puissances laser inférieure à 1 mW et à des tensions de modulation inférieures à |-4 V|. De plus, comme nous l’avons souligné, les effets thermo-optiques sont lents, avec des temps caractéristiques de l’ordre de quelques µs. En conséquence, ils n’ont pas le temps de se manifester lors de transmission aux débits élevés auxquels nous travaillons (20 Gb/s et 50 Gb/s).

Figure A3.2. Modèle de l'auto-échauffement par TPA : Spectres à polarisation constante (0V), la puissance laser varie

(a) (b)

Figure A3.3. Modèle de l'auto-échauffement par FCA : (a) Spectres à puissance laser constante = , la tension de modulation varie, (b) comparaison entre le modèle idéal et le modèle non-linéaire

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, + = , + + = + �= � = = = | − | µ = | − | = | µ − − �| = − + � = + =

Détails de la mise en équation de la modélisation non-linéaire

Nous expliquons dans cette sous-partie comment est obtenue la formule (A3-1) exprimant la variation de l’indice effectif. Celle-ci est décomposée en deux termes μ la variation de l’indice de réfraction due à la modulation de la jonction PN et la variation de l’indice de réfraction due aux effets thermo-optiques. Notre objectif est d’expliciter la variation thermo-optique en fonction de la puissance optique injectée en entrée de l’anneau résonant.

est lié à la variation de la température via le coefficient thermo-optique du silicium = = . ×

K , selon l’équation (A3-5). La variation de la température, quant à elle, est dictée par l’équation différentielle (A3-6) faisant intervenir la puissance absorbée par l’anneau. Nous considérons que le régime stationnaire est établi, ce qui permet d’écrire l’expression (A3-7).

(A3-5) (A3-6)

(A3-7) Les différents paramètres sont :

 � ≈ µs est la constante de temps de dissipation thermique ;  = . × kg. cm est la densité du silicium ;

 = J. kg . K est la capacité thermique du silicium ;

 � [m ] est le volume de la cavité optique ;  [K. W ] =

est la résistance thermique de la cavité optique.

= | | est la puissance absorbée par l’anneau qui est exprimée comme le produit entre l’énergie totale circulant dans l’anneau | | et le taux d’absorption dans la cavité (en s-1). Avec le formalisme de la théorie des modes couplés (équation (A2-2)), nous pouvons exprimer en fonction des amplitudes des champs à l’entrée et à la sortie de l’anneau. Puis nous introduisons la puissance optique d’entrée = | | ainsi que le coefficient de couplage

et le temps de round-trip (cf. (A2-10)) pour obtenir l’équation (A3-8).

(A3-8) Toujours à partir de la théorie des modes couplés, nous pouvons développer le module | − | puis remplacer les différents paramètres par ceux issus de l’approche round-trip. Nous obtenons alors l’expression (A3-9) qui est celle que l’on retrouve dans (A3-1).

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= ( , ∗

Annexe 4 Cosimulations électro-optiques