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macromolécules au manque d’eau, l’impact de la dessiccation sur les structures restantes est majeur : dénaturation et agrégation des protéines, oxydation et rupture des membranes phospholipidiques. Des mécanismes protecteurs sont donc également mis en place, comme les protéines chaperonnes, la réduction de la mobilité cellulaire ou les défenses antioxydantes. Ils sont détaillés dans les paragraphes suivants.

2.3.3-LEA

a)-Définition et classification

L’abondance de la littérature concernant les protéines LEA (Late Embryogenesis Abundant) montre bien que ces molécules sont très étudiées en lien avec la TD. Comme leur nom l’indique, les ARNm codant ces protéines ont été initialement identifiés comme fortement exprimés durant la maturation tardive des cotylédons de coton par rapport aux autres stades de développement (Dure et al., 1981 ; Galau & Dure, 1981). Les premiers travaux ont révélé que tous ces ARNm étaient induits précocement dans des embryons excisés cultivés en présence d’ABA (Dure et al., 1981) et que 13 des 18 ARNm clonés étaient induits en réponse à l’ABA exogène (Galau et al., 1986). Par la suite, un nombre croissant de protéines homologues ont été identifiées chez d’autres espèces en dehors du règne végétal, complexifiant la définition et la nomenclature de cette famille (Tunnacliffe & Wise, 2007 ; Battaglia et al., 2008). Ces protéines ont été identifiées en réponse à de nombreux stress abiotiques et à la dessiccation et partagent un certain nombre de caractéristiques structurales : ce sont de petites protéines généralement hydrophiles, stables à la chaleur, comportant des zones de faible complexité (motifs répétés) et présentant, pour la plupart, une structure majoritairement désordonnée en condition hydratée (Bray, 1993 ; Garay Arroyo et al., 2000 ; Wise & Tunnacliffe, 2004 ; Tunnacliffe & Wise, 2007 ; Battaglia et al., 2008).

La nomenclature et la classification des protéines LEA ont subi de nombreuses modifications depuis leur mise en évidence. Tout d’abord, Dure et al., (1989) ont classé les protéines identifiées chez plusieurs espèces végétales en trois groupes en se basant sur la présence de motifs dans les séquences d’acides aminés. Puis, toujours en se basant sur la similarité entre séquences, trois nouveaux groupes ont été créés et renommés pour donner les groupes : D-7, D-11, D-19, D-29, D-34, D-113 (cités dans Bray, 1993 ; Wise, 2003). Certaines LEA ont également été nommées déhydrines en référence à leur surexpression en réponse à un stress hydrique dans des plantules de maïs et d’orge (Close et al., 1989). En 2003, Wise répertorie 112 protéines LEA dans les bases de données internationales Swissprot et SpTrEMBL et montre que l’assignation de toutes ces protéines dans les groupes existant est de plus en plus difficile et parfois incohérente. Le développement d’outils bioinformatiques tels que l’analyse de profil peptidique (POPP) (Wise, 2002) et les domaines Pfam (Protein Family database) (Bateman et al., 2002) a permis de repenser la classification. L’analyse POPP (Protein or Oliginucleotide Probability Profile) permet de classer les séquences en cluster selon leur composition en acides aminés plutôt qu’en fonction de la similarité de séquences et se révèle particulièrement pertinente pour les protéines LEA qui possèdent des zones de faible complexité (Wise & Tunnacliffe, 2004). En effet, ces zones posent des problèmes pour l’alignement local des séquences et donc pour la comparaison de leur similarité. Ainsi, toutes les LEA ont pu être reclassées dans de nouveaux groupes en fonction de la sur- ou sous-représentation de certains acides aminés (Wise, 2003). Par ailleurs, deux analyses complètes et indépendantes

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Tableau 1.2. Différentes classifications des protéines LEA.

D’après Hundertmark & Hincha, 2008 ; Wise, 2003 ; a Battaglia et al., 2008)

Pfam Hundertmark & Hincha 2008 Wise 2003 Cuming 1999 Bray 1993 Dure et al. 1989

PF00257 déhydrines IIa ; IIb 2 groupe 2 D-11

PF03760 LEA_1 IIa ; III 2 ; 3 groupe 4 D-113

PF03168 LEA_2 VI 5 / D95

PF03242 LEA_3 V / / D73

PF02987 LEA_4 III 3 groupe 3 ; groupe 5 D-7 ; D-29

PF00477 LEA_5 I 1 groupe 1 D-19

PF04927 SMP IV 5 groupe 6 D-34

PF10714 a PvLEA18 / / / /

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du génome d’A. thaliana ont permis d’identifier 51 (Hundertmark & Hincha, 2008) et 50 (Bies-Etheve et al., 2008) gènes codant pour des LEA classés en neuf groupes. Dans la première étude, l’ensemble de ces gènes ont été classés en neuf groupes sur la base des domaines Pfam identifiés dans les séquences. Dans la suite du mémoire, nous suivrons cette classification Pfam pour les LEA identifiées chez M. truncatula et C. australe et la correspondance entre toutes les nomenclatures est donnée dans le tableau 1.2 pour permettre de faciliter les références aux travaux précédents. Cependant, la classification des protéines LEA n’est toujours pas figée et des évolutions continuent à être proposées. Par exemple, une étude récente et exhaustive des 710 séquences codant pour des protéines LEA répertoriées dans la base de données LEAPdb a permis de distinguer des sous groupes au sein des familles Pfam et d’arriver à 12 classes (Jaspard et al., 2012). Les auteurs se basent sur les similarités et sur les propriétés biochimiques des différentes séquences protéiques.

b)-Caractéristiques biochimiques, structurales

Une des caractéristiques majeures des protéines LEA est leur hydrophilicité élevée, visible par leur profil d’hydropathie ou leur GRAVY (Grand Average of Hydropathy) très négatifs (Baker et al., 1988 ; Dure et al., 1989 ; Tunnacliffe & Wise, 2007 ; Hundertmark & Hincha, 2008 ; Battaglia et al., 2008). Cette caractéristique s’explique notamment par la richesse en acide aminés polaires et est à la base des propriétés structurales et biochimiques comme la structure désordonnée à l’état hydratée. Cependant certaines caractéristiques sont propres à chaque famille comme la composition en acide aminées, des motifs particuliers ou la présence de structure native ordonnée chez certaines LEA (Jaspard et al., 2012). Nous allons donc faire un bref aperçu des données disponibles famille par famille.

Dehydrines

Ces LEA font partie des plus hydrophiles. Elles sont riches en acides aminés polaires et chargés et généralement dépourvus d’acides aminés aromatiques et de cystéine (Wise & Tunnacliffe, 2004 ; Battaglia et al., 2008). Une des raisons pouvant expliquer l’absence de cystéine est la capacité de cet acide aminé à créer des ponts disulfures, un élément très structurant pour les protéines et qui est incompatible avec la structure désordonnée des déhydrines. Au contraire la richesse en histidine observées chez les déhydrines semble être une caractéristique des protéines désordonnées (Jaspard et al., 2012). Ces LEA sont caractérisées par un motif de 15 acides aminés EKKGIMDKIKEKLPG à proximité de l’extrémité C-terminale (segment-K), d’une succession de résidus sérine (segment-S) et d’un motif conservé T/VDEYGNP près de l’extrémité N-terminale (segment-Y) (Close et al., 1993 ; Close, 1997). Le segment-K est toujours présent mais pas forcément les deux autres, ce qui a conduit à la création de sous catégories selon la présence ou l’absence et la position des segments S et Y. Le segment-K est répété de une à 11 fois et le segment-Y jusqu’à 35 fois selon les protéines. Le segment-S est parfois phosphorylé comme démontré pour RAB-17 chez le maïs (Vilardell et al., 1990 ; Plana et al., 1991) ou chez C. plantagineum (Röhrig et al., 2006) ce qui montre l’importance des régulations post traductionnelle dans l’activité de ces protéines. La forte proportion d’acides aminés chargés permet de diviser les déhydrines en deux groupes : acide et neutre/basique, nous verrons par la suite que les déhydrines acides ont des propriétés particulières. L’analyse structurale par dichroïsme circulaire a montré que ces protéines sont en grande partie désordonnées à l’état hydratée (Ismail et al., 1999 ; Hara et al., 2001 ; Soulages et al., 2003 ; Mouillon et al., 2006, Shih et al., 2012) mais peuvent adopter une structure en hélice α au cours du séchage (Shih et al.,

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2012), favoriser l’apparition de structure poly-L-proline (PII) aux basses températures (Soulages et al., 2003) ou rester désordonnée en présence de sels stabilisants, d’ions métalliques ou de température élevée (Mouillon et al., 2006).

LEA_5

Ces LEA sont également très hydrophiles, riches en acides aminés chargés et en glycine (environ 18 %). Elles contiennent un motif hydrophile de 20 acides aminés GGQTRREQLGEEGYSQMGRK (Galau et al., 1992) qui est répété de une à quatre fois selon les protéines. Chez les plantes, deux autres motifs conservés ont été identifiés (Battaglia et al., 2008 ; Bies-Etheve et al., 2008). D’un point de vue structural, les LEA-5 partagent beaucoup de caractéristiques avec les déhydrines. Plusieurs études structurales par NMR (Eom et al., 1996), dichroïsme circulaire (Soulages et al., 2002) ou FTIR (Boudet et al., 2006 ; Shih et al., 2012) ont confirmé que ces protéines sont majoritairement désordonnées à l’état natif en milieu hydraté mais qu’elles se structurent au cours de la dessiccation. Par exemple MtEM6 voit sa proportion de structure désordonnée diminuer de 64 % à 32 % au profit des hélices α au cours du séchage, qu’il soit lent ou rapide (Boudet et al., 2006). Soulages et al. (2002) ont montré que l’abaissement de la température induisait une transition structurale chez GmD-19 semblable à GmDHN1 (déhydrine) qui se traduit par une proportion plus importante en structure PII. Cette structure particulière favorise l’exposition des acides aminés polaires et donc l’interaction de la protéine avec l’eau (Soulages et al., 2002).

LEA_4

Ce groupe est le plus important en nombre et rassemble des LEA assez variées, exprimées chez les plantes mais aussi chez les autres procaryotes, nématodes et rotifères (Battaglia et al., 2008). Dure et al. (1989) ont rapidement mis en évidence des particularités dans les séquences peptidiques de ces LEA et notamment la répétition d’un motif de 11 acides aminés TAQAAKEKAXE susceptible de former une hélice α amphiphile. Mais ce motif, bien que présent dans les premières LEA identifiées, n’est pas retrouvé dans les 18 protéines d’A. thaliana classées dans ce groupe (Hundertmark & Hincha, 2008). En analysant 65 séquences protéiques appartenant à ce groupe, Battaglia et al. (2008) ont mis en évidence quatre autres motifs permettant de diviser ce grand groupe en deux sous groupes en fonction de la présence ou non de ces motifs et de leur position. Certains acides aminés (Lys, Glu, Asp, Ala) sont périodiquement répétés dans les séquences de ce groupe (Tunnacliffe & Wise, 2007). L’analyse structurale par dichroïsme circulaire a montré des résultats comparables à ceux obtenus pour les déhydrines : une structure native désordonnée capable d’adopter une structure majoritairement en hélice α au cours d’un séchage (Goyal et al., 2003 ; Tolleter et al., 2007). La vitesse de séchage et la présence d’autres molécules comme le saccharose peuvent influer sur la conformation obtenue après dessiccation (Wolkers et al., 2001 ; Shih et al., 2012). De plus ces changements de conformation sont parfaitement réversibles (Wolkers et al., 2001 ; Tolleter et al., 2007).

LEA_1

Les protéines appartenant au groupe LEA_1 présentent une zone assez conservées de 70 à 80 acides aminés en position N-terminale mais pendant longtemps aucun motif clair n’avait été identifié et la pertinence de maintenir ce groupe a même été discuté (Wise, 2003). Plus récemment, Battaglia et al. (2008) ont proposé

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jusqu’à cinq motifs identifiés chez la majorité d’entre elles tandis que Bies-Etheve et al. (2008) mettait en évidence le motif SAKEKIS dans les cinq séquences protéiques de ce groupe chez A. thaliana. Ces LEA sont présentes à travers tout le règne végétal mais ont été assez peu étudiées d’un point de vue structural. Shih et al. (2004 ; 2010) ont montré que GmPM16, GmPM1 et GmPM28, bien que majoritairement désordonnée, possède des structures en hélice α à l’état hydratée. Ces auteurs ont également montré qu’un séchage rapide induisait une modification réversible de conformation de la protéine plus ou moins prononcée selon les protéines avec 90 % d’hélice α pour GmPM16 (Shih et al., 2004) contre 49 % pour GmPM1 et 42 % pour GmPM28 (Shih et al., 2010).

SMP

Ce groupe rassemble des LEA caractérisées par une forte proportion d’acides aminés hydrophobes et des propriétés physico-chimiques indiquant que ces protéines ne sont pas majoritairement désordonnées à l’état natif (Jaspard et al., 2012). Certains auteurs ont suggéré que ces différences amenaient à exclure ces protéines du groupe des LEA (Tunnacliffe & Wise, 2007). Boudet et al., (2006) ont étudié par FTIR la structure de PM25 chez M. truncatula et ont montré que 33 % de la protéine est structurée en hélice α, 18% en feuillet β et 49 % est donc désordonnée à l’état natif. La part de structure désordonnée serait même supérieure d’après des études ultérieures par dichroïsme circulaire (Boucher et al., 2010), ce qui va à l’encontre des prédictions structurales in silico proposées pour les protéines de ce groupe (Tunnacliffe & Wise, 2007). Une fois encore la conformation évolue de façon réversible en condition de séchage, avec davantage de structure en hélice α et moins de régions désordonnées (Boudet et al., 2006).

LEA_2 et LEA_3

Les groupes LEA_2 et LEA_3 regroupent également des LEA atypiques, plus hydrophobes (Hundertmark & Hincha, 2008). Au même titre que les protéines du groupe SMP, leur appartenance au groupe des LEA est discutée (Tunnacliffe & Wise, 2007). Contrairement à la majorité des LEA, la structure de LEA14, qui appartient à ce groupe, a été déterminée par NMR comme étant ordonnée en hélice α et feuillet β en solution (Singh et al., 2005). Ces protéines fortement structurées pourraient avoir une autre fonction que les LEA décrites précédemment. En effet, elles sont plus rapidement fonctionnelles et pourraient donc être induites pour les stress modérés alors que les protéines désordonnées seraient plus spécifiques des stress sévères (Jaspard et al., 2012).