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RFO (raffinose, stachyose, verbascose) en fin de développement (Corbineau et al., 2000 ; Bailly et al., 2001 ; Rosnoblet et al., 2007 ; revu dans Obendorf & Gorecki, 2012). Ces sucres non réducteurs ont d’ailleurs été corrélés à l’acquisition de la TD par certaines études (Koster & Leopold, 1988 ; Corbineau et al., 2000 ; Bailly et al., 2001). Aucun membre des RFO n’a été détecté dans les graines matures de C. australe. Cette absence de RFO a été observée chez une autre Fabacée produisant des graines récalcitrantes : Inga vera (Caccere et al., 2013). D’autres études comparatives entre graines récalcitrantes et orthodoxes avaient déjà conclu à une teneur en RFO plus faible chez les graines récalcitrantes par rapport aux graines orthodoxes (Steadman et al., 1996 ; Mello et al., 2010).

La GS et la RFS/STS sont deux enzymes clés nécessaires à la synthèse des RFO. Les deux gènes codant les GS et sept des 11 gènes codant les RFS/STS sont clairement sur-exprimés au cours du développement des graines de M. truncatula (Figure 3.13). Liu et al. (1998) ont montré chez A. thaliana que le gène wsi76, précédemment décrit comme induit par la dessiccation indépendamment de l’ABA, code en réalité pour une GS. De plus, l’expression du gène GolS codant pour une GS a été corrélée à l’acquisition de la TD dans les graines de tomate (Downie et al., 2003) et de colza (Li et al., 2011). De même, le gène MT3.5.1s053213, codant également pour une GS, fait partie du réseau corrélé à l’acquisition de la TD chez M. truncatula (Verdier et al., 2013). Tous ces gènes codant pour des GS et des RFS/STS sur-exprimés chez M. truncatula sont sous-exprimés dans les graines matures de C. australe. Nos résultats renforcent donc l’hypothèse d’une implication de ces enzymes dans l’acquisition de la TD. Au contraire les deux gènes identifiés codant pour une SPP (enzyme finale de biosynthèse du saccharose) sont sur-exprimés chez l’espèce récalcitrante. Les données transcriptomiques sont donc très cohérentes avec les dosages de sucres obtenus pour les graines matures des deux espèces : accumulation de stachyose chez M. truncatula et de saccharose chez C. australe.

Deux gènes codant pour une RFS/STS sont néanmoins fortement sur-exprimés dans les graines matures de C. australe. L’un d’entre eux est annoté ‘Seed imbibition protein’ (SIP). Ces protéines sont des α-galactosidases alcalines présentant une grande homologie avec les RFS/STS (Carmi et al., 2003) mais sont impliquées dans la dégradation des RFO (Zhao et al., 2006 ; Blöchl et al., 2008). Chez le pois, l’activité enzymatique et l’expression du gène associé sont maximales après la germination (après la percée de la radicule) alors qu’elles sont faibles au cours de la maturation de la graine (Blöchl et al., 2008). Par ailleurs, Zhao et al. (2006) ont montré que le saccharose activait l’expression du gène ZmAGA1 codant pour une SIP chez le maïs. La sur-expression de ces gènes dans les graines matures de C. australe peut donc être reliée à la teneur élevée en saccharose. L’activation de gènes SIP dans des graines dépourvues de RFO semble paradoxale mais l’activité de ces protéines pourrait masquer un turn-over important, c'est-à-dire que des RFO seraient rapidement dégradés après leur synthèse, empêchant ainsi toute accumulation. Les RFO sont dégradés lors de l’imbibition des graines et fournissent l’énergie nécessaire à la germination et la croissance hétérotrophe de la plantule (Rosnoblet et al., 2007). Ce processus rejoint l’hypothèse détaillée dans le chapitre III présentant la graine mature de C. australe comme une graine se préparant pour la germination.

Bien que l’absence de RFO dans la graine de C. australe et la sous-expression des gènes impliqués dans la biosynthèse de ces sucres non-réducteurs suggèrent une implication possible dans la TD, certaines études remettent en cause la corrélation entre accumulation de RFO et acquisition de la TD (Black et

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al., 1999 ; Bentsink et al., 2000). De plus, le stachyose est accumulé dans les axes de l’espèce hautement récalcitrante A. marina (Farrant et al., 1993b) tout comme le raffinose dans ceux de Quercus robur (Finch-Savage & Blake, 1994). Les fonctions majeures proposées pour les RFO en lien avec la TD sont la participation à l’état vitreux du cytoplasme (Buitink & Leprince, 2004) et la stabilisation des membranes et protéines par remplacement de l’eau (Hoekstra et al., 2001) Ces fonctions sont importantes à des teneurs en eau assez basses, bien plus faibles que la plupart des teneurs en eau critique de graines très récalcitrantes comme A. marina. Si ces sucres jouent un rôle dans la TD, ils ne sont vraisemblablement pas les acteurs majeurs expliquant la sensibilité à la dessiccation des graines récalcitrantes (Tableau 5.1). Chez les Fabacées, l’accumulation de RFO en fin de maturation est courante (Obendorf & Gorecki, 2012) et d’autres fonctions non liées à la TD sont également à considérer. Par exemple les RFO constituent une source de carbone rapidement mobilisable lors de la germination (Vandecasteele et al., 2011). L’absence de ces sucres chez les Fabacées récalcitrantes C. australe et Inga vera (Caccere et al., 2013) signifie que certains régulateurs importants du métabolisme de ces sucres ne sont pas exprimés. Par exemple, ABI3 et MtSNF4b (une sous-unité activatrice du complexe SnRK1) sont connus pour réguler la biosynthèse de RFO (Ooms et al., 1993 ; Rosnoblet et al., 2007). ABI3 est sous-exprimé dans les graines matures de C. australe et aucun homologue de SNF4b n’a été identifié dans le transcriptome, suggérant que ce gène n’est pas exprimé chez C. australe. Le phénotype du mutant Mtsnf4b peut être rapproché de ce qui est observé dans les graines matures de C. australe : absence de RFO et teneur élevée en saccharose. En effet, la teneur en stachyose est réduite de 50 à 80 % et la teneur en saccharose augmentée de 60 % dans les graines matures mutantes par rapport aux graines sauvages (Rosnoblet et al., 2007). Ce résultat appuie l’hypothèse d’une absence d’expression de SNF4b dans les graines de C. australe.

La sensibilité à la dessiccation de grains de maïs en germination (Leprince et al., 1990) ou de graines récalcitrantes de Q. robur (Hendry et al., 1992) s’explique, au moins en partie, par une protection inefficace face aux ROS. L’analyse transcriptomique des gènes impliqués dans la réponse antioxydante a révélé des différences intéressantes entre M. truncatula et C. australe, avec des groupes de gènes sur-exprimés chez l’espèce récalcitrante et d’autres sous-exprimés. Les gènes codant pour des enzymes présentant une activité antioxydante liée à l’ascorbate (APX, MDAR, ascorbate oxydase) ne sont pas différentes dans les graines matures de C. australe par rapport à celles de M. truncatula. Ce résultat n’est pas étonnant car plusieurs études ont suggéré que l’activité de ces enzymes était plus importante au cours de l’embryogenèse et du remplissage que pendant la dessiccation (Arrigoni et al., 1992 ; Bailly et al., 2001 ; De Gara et al., 2003). De plus, la teneur en ascorbate et l’activité APX est plus élevée dans les graines récalcitrantes de Ginkgo biloba, Quercus cerris, Aesculus hippocastanum et Cycas revoluta à l’abscission que dans les graines sèches orthodoxes de Vicia faba, Avena sativa et Pinus pinea (Tommasi et al., 1999). Nos données confortent l’idée que l’ascorbate ne serait pas impliqué dans la TD (Tableau 5.1), comme suggéré par De Tullio & Arrigoni (2003). Ces auteurs proposent des fonctions dans le contrôle du cycle cellulaire et la germination.

De même les gènes liés aux activités SOD et CAT sont fortement exprimés dans les graines matures de C. australe. Ces mécanismes sont vraisemblablement plutôt liés à la réponse au stress (Tableau 5.1). Des études précédentes avaient déjà suggéré que la SOD était impliquée dans la réponse aux stress abiotiques

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plutôt que dans la TD (Bailly et al., 2001 ; revu par Amudha & Balasubramani, 2010). En revanche l’activité de la CAT a été corrélée à la dessiccation au cours de la maturation de la graine de haricot et de tournesol (Bailly et al., 2001 ; 2004). Chez le tournesol, l’augmentation d’activité CAT est liée à l’activation de la transcription du gène CATA1 codant pour une sous-unité de cette enzyme (Bailly et al., 2004). Guan et al. (2000) ont montré que l’expression du gène CAT1 du maïs était activée par l’ABA via un élément ABRE présent dans le promoteur de ce gène. Etant donnée l’activation de la voie de signalisation de l’ABA dans les graines matures de C. australe, il n’est pas étonnant de voir une sur-expression du gène codant pour la CAT au cours du développement de ces graines. Nos résultats viennent donc nuancer la spécificité de l’activité CAT dans la TD puisque l’activation transcriptionnelle observée au cours du séchage des graines orthodoxes de tournesol est également visible dans des graines récalcitrantes. Il faut cependant rester prudent dans l’analyse de nos résultats puisqu’un seul gène codant pour la CAT a été identifié dans le transcriptome de C. australe alors que plusieurs gènes sont exprimés chez le tournesol, le maïs ou A. thaliana (Guan & Scandalios, 1998 ; Bailly et al., 2004 ; Mhamdi et al., 2012).

Au contraire, les gènes codant pour la biosynthèse du glutathion (glutamate cystéine ligase / glutathion synthétase) et ceux codant pour les 1-cys peroxyredoxines sont clairement sous-exprimés dans les graines matures de C. australe par rapport à celles de M. truncatula. L’expression du gène PER1, codant pour une 1-cys peroxyredoxine, est spécifique des graines chez l’orge et A. thaliana. Un rôle antioxydant au cours de la dessiccation et de la dormance des graines a été proposé pour ces protéines (Stacy et al., 1996 ; 1999 ; Haslekas et al., 1998 ; Aalen et al., 1999). L’expression de PER1 n’est pas induite dans les tissus végétatifs en réponse à l’ABA ou à un stress hydrique (Haslekas et al., 1998) et est réprimée par les GA (Stacy et al., 1996), trois facteurs supposés être importants dans la graine mature de C. australe. La sous-expression de ce gène observée chez C. australe est donc tout à fait cohérente et renforce le rôle potentiel des 1-cys peroxyredoxines dans l’acquisition de la TD (Tableau 5.1).

Bien que la teneur en glutathion n’ait pas été dosée dans les graines, les résultats transcriptomiques indiquent une probable forte diminution de sa biosynthèse dans les graines matures de C. australe, à l’inverse de ce qui est observé chez M. truncatula. Contrairement à l’ascorbate, le glutathion pourrait être un antioxydant majeur dans l’acquisition de la TD (Tableau 5.1). Cette hypothèse est appuyée par la présence de deux gènes codant une glutamate cystéine ligase (biosynthèse du glutathion), trois gènes codant une GST et un gène codant une GPX parmi les 220 gènes corrélés à l’acquisition de la TD chez M. truncatula (Verdier et al., 2013). Cependant, nos résultats montrent que la teneur en glutathion serait plus importante que les activités GST, GPX et autres peroxydases pour l’acquisition de la TD (Tableau 5.1). En effet, les gènes codant pour ces enzymes restent fortement exprimés dans les graines matures de C. australe (à l’exception du gène Medtr7g065590.1 codant pour une GST et corrélé à l’acquisition de la TD chez M. truncatula). En comparant les réponses antioxydantes des graines d’Acer platanoides (orthodoxes) et d’Acer pseudoplatanus (récalcitrantes) au cours de la dessiccation, Pukacka & Ratajczak (2007) ont montré un système de défense plus actif chez l’espèce orthodoxe, se traduisant par une teneur en glutathion plus élevé. En travaillant sur le même couple d’espèces, Greggains et al. (2000) avait montré précédemment au cours du développement de ces graines que la teneur en glutathion était deux fois plus importante dans la graine orthodoxe au début du séchage sur l’arbre (12,8 µmol/g MS) que dans la graine récalcitrante à l’abscission (6,3 µmol/g MS). Le même type de résultat a

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