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I.D.1. Quantification des GAGs

Nous avons dosé les GAGs présents chez les HUVECS grâce à une quantification de l’acide uronique par le carbazole (article figure 4). La tendance générale est une diminution de la quantité de GAGs après exposition, visible à partir de 2 jours et maintenue pendant toute la cinétique. Cette diminution est significative 4 et 7 jours après irradiation. Dans cette expérience, le TNF-α a été utilisé comme contrôle positif de dégradation des GAGs. Plusieurs études sur les CE ont démontré une diminution de la quantité de GAGs en réponse aux stimuli pro-inflammatoires IL-1α,IL-1β ou TNF-α, ou en présence de cellules inflammatoires comme les neutrophiles398,415,416.

C’est à notre connaissance la première fois que la diminution de l’expression des GAGs endothéliaux est démontrée après irradiation. Ce résultat est cohérent avec le phénotype pro-inflammatoire radio-induit. La diminution des GAGs pourrait être le fait d’une diminution de la synthèse ou d’une augmentation de la dégradation. Le TGF-β, induit par les RI417, pourrait jouer un rôle dans la régulation de la synthèse des GAGs418, notamment dans les CE où il influence la synthèse en synergie avec le TNF-α398. Nous avons mesuré l’expression des gènes codant pour les enzymes responsables de la synthèse des GAGs (voir la partie Etude transcriptomique des gènes codant pour les enzymes impliqués dans la synthèse des GAGs page 165). Les gènes codant pour les enzymes impliquées dans la synthèse des HS (Ndst1, Hs2st1, Hs3st1, Hs3st5) sont relativement augmentés et particulièrement aux temps tardifs après irradiation, sauf dans le cas de Hs6st1, qui lui est clairement diminué aux temps tardifs et précoces (Figure 33). Concernant les CS, on observe une diminution de l’expression des gènes assez marquée dans le temps pour Chst3 et Chst11, et un peu moins pour Chst14. Il y a donc une diminution de l’expression des gènes impliqués dans la synthèse des enzymes responsables de la synthèse des CS, à l’exception d’Ust qui semble relativement augmentée vers la fin du temps précoce, sans que le phénomène ne soit maintenu dans le temps. Au vu de ces résultats, la part relative des HS et CS pourrait varier après irradiation dans le sens d’une diminution des CS et d’une augmentation des HS. Nous avons effectivement tenté, en plus du dosage de GAGs, de doser les HS et CS, mais cette expérience n’a pas été concluante. En globalité, et malgré l’expression différentielle de certains gènes, on ne peut pas conclure à une diminution de la synthèse des GAGs.

I.D.2. Existence d’un shedding radio-induit ?

Si la synthèse n’est pas diminuée, il est alors possible que la dégradation soit augmentée. Un moyen de le vérifier est de mesurer dans le milieu de culture ou dans le sang des souris irradiées localement la présence d’enzymes de dégradation comme les kératanases, hyaluronidases, héparanases ou MMP. Un autre moyen consiste à mesurer la présence de GAGs dans le milieu de culture ou dans le

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sang pour attester de leur dégradation415. En raison de l’état pro-inflammatoire et pro-thrombotique des CE après irradiation, l’hypothèse d’une augmentation de la dégradation apparait comme la plus crédible. On a vu en partieIV.A.2 que le glycocalyx était très sensible aux stimuli inflammatoires419. La diminution des GAGs pourrait être le résultat d’un shedding des protéoglycanes membranaires du glycocalyx. Plusieurs éléments du phénotype des CE nous poussent à poser cette hypothèse. Deux modes de dégradation des GAGs ou des protéoglycanes sont envisagées. D’une part, une dégradation non enzymatique due aux effets physico-chimiques de l’irradiation et au stress oxydant maintenus après irradiation. D’autre part, une dégradation enzymatique due à l’action de glycosidases ou de sheddases radio-induites.

La dégradation non enzymatique des GAGs est principalement due aux radicaux hydroxyles (OH) et carbonate (CO3•−)420. Des études biochimiques montrent d’ailleurs que l’irradiation de GAGs à très fortes dose (25-1000Gy) en milieu aqueux engendre une dégradation non enzymatique de l’héparine, de l’HA et des CS421,422. On a vu que l’irradiation provoque une libération importante de ROS et de RNS tout d’abord par radiolyse de l’eau, puis par activation des cytokines inflammatoires (voir partie IV.A.2.a). Les radicaux libres produits peuvent induire la dégradation des GAGs. L’H2O2 par exemple peut induire la dégradation des HS et du glycocalyx in vitro301. Les RI provoquent au niveau endothélial, une activation de iNOS423 et eNOS134. Ces enzymes permettent une augmentation de la synthèse de NO et O2•-. Leur présence induit la synthèse d’OH et de CO3•− capables d’entrainer la dégradation ou la modification chimique des GAGs420.

La dégradation enzymatique des GAGs ou des protéoglycanes est une hypothèse particulièrement intéressante chez les CE irradiées. En effet, la coagulation et l’inflammation induisent des processus tous deux capables de provoquer le shedding. Les RI peuvent directement, ou indirectement via les cytokines424 (TNF-α, IL-1, IL-6, IL-8) et les ROS301,425, induire une surproduction de MMP-1, MMP-2, et MMP-9426–429. Les MMPs font partie des sheddases302 : ainsi MMP-2 et MMP-9 ont été directement reliées à une digestion des protéoglycanes portant des CS (syndécans 1 et 3), et MMP-1 à l’hydrolyse des syndécan-1-4 portant les HS 430–432. Le stockage vésiculaire de MMP-2 et MMP-9 ou de leurs formes proactives (pro-MMP) a été démontré dans les CE433, il permet un shedding rapide sans synthèse de novo. De précédents travaux du laboratoire ont démontré l’importance de PAI-1 dans l’endothélium après irradiation154. PAI-1 contrôle la balance plasminogène/plasmine434. Or la plasmine agit sur la transformation des pro-MMP en MMP. Son rôle est connu dans la dégradation de la MEC endothéliale435,436, notamment après irradiation107. L’irradiation provoque une augmentation plasmatique et tissulaire (moelle osseuse) de la plasmine chez la souris 437. Il est donc suggéré que la plasmine pourrait jouer un rôle dans le shedding du glycocalyx438,439 et dans notre cas dans le shedding radio-induit. PAI-1 est une N-glycoprotéine, son activité est modulée par les motifs

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présents sur ces 3 sites de N-glycosylation440. L’irradiation pourrait moduler la glycosylation de PAI-1 et moduler la balance plasminogène/plasmine. D’autre part, l’irradiation provoque une diminution de la production endothéliale de thrombomoduline, ce qui augmente la formation endothéliale de thrombine152,441. Or, la thrombine pourrait jouer un rôle de sheddase 438,439,442. Son rôle est d’autant plus révélateur que plusieurs études ont montré un effet protecteur de l’antithrombine sur le shedding du glycocalyx419,443–445. Cependant, la capacité des HS à porter l’antithrombine III pourrait expliquer son rôle protecteur vis à vis des sheddases, ce qui remet en cause la dégradation par la thrombine439. Enfin, la libération des MMP est couramment accompagnée de l’expression de leurs inhibiteurs spécifiques : les TIMP (Tissue inhibitor of metalloproteinase). La mesure de la balance MMP-TIMP permet de rendre compte de la dégradation ou de la protection des matrices. Il serait donc intéressant d’étudier cet équilibre pour caractériser au mieux le shedding.

Dans la lésion radio-induite, la chronicité de l’état pro-inflammatoire et pro-thrombotique est maintenue par un cycle cytokine-ROS/RNS. Cette configuration est tout à fait propice au maintien du shedding. Le recrutement des cellules inflammatoires au niveau de l’endothélium exacerbe la réaction. En effet, les cellules immunitaires relarguent des cytokines, des MMPs telles que l’élastase446 et d’autres sheddases, l’histamine295et l’héparanase447,448. Cette dernière semble être induite par les RT in vivo449.D’autre part, la libération de MPO (par les neutrophiles notamment), permet la synthèse de HOCl, un autre agent responsable du shedding non enzymatique des GAGs. Dans un tissu complet, l’hypoxie radio-induite est susceptible de provoquer des phénomènes similaires à ceux induits par l’ischémie-reperfusion où l’anoxie tissulaire promeut la génération des ROS420. Enfin, l’angiogenèse est par nature génératrice de MMPs. Comme l’irradiation induit des signaux pro-angiogéniques aux temps tardifs, les facteurs pro- angiogéniques, combinés à l’hypoxie et aux ROS, pourraient participer à la chronicité du shedding.

D’autre part, l’irradiation provoque la dégradation de la membrane basale106,450, formée de protéoglycanes. La diminution de la quantité de GAGs pourrait aussi refléter cette diminution de la membrane basale.

I.D.3. Observation direct du shedding

Nous avons tenté de mettre en évidence une modification du glycocalyx par observation directe en microscopie électronique à transmission (MET) dans les modèles HUVECs et murin. Le marquage des sucres par le rouge de ruthénium ou le bleu alcian n’a pas permis d’observer clairement le glycocalyx autant chez les HUVECs que chez la souris (résultats non montrées) . Comme nous l’avons évoqué en introduction, le glycocalyx est une structure extrêmement labile, ce qui peut expliquer les difficultés que nous rencontrons dans son observation. L’inflammation radio-induite, la mort des CE et le

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recrutement des cellules circulantes sont principalement observés dans les micro-vaisseaux. Nous avons donc essayé d’observer le glycocalyx dans les vaisseaux de petit calibre. Cependant, le glycocalyx y est peu abondant257, ce qui peut expliquer pourquoi on nous n’avons pas réussi à le mettre en évidence. De manière similaire, in vitro, l’abondance du glycocalyx est faible261 et peut rendre sa détection particulièrement difficile. Afin de réussir à observer le glycocalyx, nous aurions aussi pu recourir à des marquages observables en microscopie confocale, avec par exemple des anticorps anti-HS ou du dextran fluorescent259,451, ou encore par microscopie « bi-photonique » 258,452.