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Modesto Lorenzo del Valle à la conquête de Pont de Langon

DE LA MAISON NOBLE AU DOMAINE DE PONT DE LANGON

II.3.1. Modesto Lorenzo del Valle à la conquête de Pont de Langon

À partir de 1871, et sur plus de trois décennies, Modesto Lorenzo del Valle e Iznaga, comte de Lersundi428 accompagne le domaine de Pont de Langon jusqu’aux dernières années du XIXe siècle. Sa présence a joué un rôle fondamental dans le destin de la propriété.

Le nouvel occupant de Pont de Langon est le fils d’Antonio Modesto del Valle y Castillo et de Maria de la Natividad Iznaga y del Valle. Militaire espagnol, né à l'île de Cuba, Antonio Modesto a connu une carrière militaire des plus remarquables au service de l’empire espagnol429 ; il a également rempli des responsabilités politiques, notamment celles de gouverneur politique et militaire de Trinidad, et de maire de Sancti-Spíritus. Dans les pas de son père, Modesto Lorenzo del Valle est à son tour sous les armes et engagé en politique : lieutenant-colonel de cavalerie, il est aussi député Cortès pour la ville de Sancti-Spíritus, sénateur du royaume et chevalier de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem.

L’année suivant son acquisition de Pont de Langon, Modesto Lorenzo del Valle se marie avec María Isabel de Lersundi y Blanco. Celle-ci, originaire de Madrid, est deuxième comtesse de Lersundi, propriétaire de la seigneurie de sa maison, dame noble Banda María Luisa ; elle est la fille de Francisco de Lersundi e Ormaechea430 et de Felisa Blanco y Guerro Zambrano.

428 Pour plus de commodité, le nom de Modesto Lorenzo del Valle e Iznaga, comte de Lersundi sera abrégé sous la forme réduite de Modesto Lorenzo del Valle.

429 « Antonio Modesto del Valle y Castillo (1788-1863) était le fils du colonel Fernando del Valle Lorente et de Ana Antonia del Castillo Barroso. Il met fin à la guerre d’indépendance avec le grade de lieutenant-colonel et est affecté à la Plaza de la Habana en tant que commandant du régiment fixe de cette ville. Il reçoit ensuite le commandement du bataillon des milices disciplinaires des quatre villages en 1832. Il a été décoré de la croix de Talavera, de celle de retrait de l’île de León, de la distinction de la troisième armée, double croix de la bataille de Chiclana, de la distinction du siège de Madrid, Benemérito de la Patria, commandant de l’ordre d’Isabel la Católica et de Caballero de San Hermenegildo. Sur le plan politique, dès 1820 il est élu député aux tribunaux par la ville de Santa-Maria de Port Prince et réélu pour les législatures des années 1821 et 1823. »

En 1836, dans la paroisse de la ville de Trinidad, il épouse María de la Natividad Iznaga y del Valle, fille de José Antonio de Iznaga y Borrell et de Francisca del Valle y Castel. Cette union a donné naissance à huit enfants.

Francisco Xavier de Santa Cruz y Mallen, Historia de Familias Cubanas, La Havane, Editorial Hercules, tome 2, 1940, 222 p., pp. 215-218.

430 La carrière de Francisco de Lersundi e Ormaechea est également fort prestigieuse : « il a été lieutenant général des armées royales, capitaine général de la Nouvelle Castille et d’Andalousie, gouverneur et capitaine général de l’île de Cuba, président du Conseil des ministres, ministre d’État de la Guerre et de la Marine, gouverneur civil de la province de Madrid, général adjoint du Guipúzcoa, gentilhomme de la chambre de Sa Majesté avec exercice et servitude, Patricio de Spoleto dans le États pontificaux, grandes croix des ordres d’Isabel la Católica et de Carlos III et des ordres militaires de

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Célibataire, Modesto Lorenzo del Valle a vécu à Paris, 53 avenue Malakoff puis à Bordeaux, 08 cours Saint-Médard ; c’est à San Sebastian (en Espagne) qu’il demeure avec son épouse. Le couple a quatre fils dont trois sont devenus ingénieurs industriels ou des mines.

Aucun élément biographique n’aide à apprécier les raisons personnelles ou professionnelles ayant conduit Modesto Lorenzo del Valle dans le Bordelais pour y élire Pont de Langon comme son bien de campagne, lors de son achat auprès des frères Duprat moyennant « le prix de 225 000 F »431. En revanche, toutes les sources retraçant son parcours à partir du domaine, font état de la véritable conquête qu’il mène pour s’enrichir de terres. Guidé par son objectif, Modesto Lorenzo del Valle lance donc son premier assaut en 1871, lorsqu’il pose le pied sur le sol « du domaine connu sous le nom de Pont de Langon, dans les communes de Cadaujac et de Villenave d’Ornon ». Par besoin de clarté, l’acte d’achat délimite la propriété selon une division en trois tènements. Le premier, « de la contenance d’environ 28 hectares, 18 ares et 54 centiares, comprend : vaste château, chapelle, logements particuliers pour l’homme d’affaires et les cultivateurs, cuvier, remises, bâtiments d’exploitation, chai garni de vaisseaux vinaires, deux maisons séparées [ainsi que] jardin, verger, pièce d’eau, agréments, vignes et terres de diverses cultures, vimière et prairies traversées par le ruisseau dit de l’Eau Blanche » Facilement, ce tènement est désormais localisable dans la partie septentrionale du domaine, celle située « entre le cours de l’eau et le moulin de la Gamarde », au nord ; « le chemin de de la Cave à la Baillisque », au sud ; et, à l’est, « la route nationale n°10 de Bordeaux à Bayonne, où est son entrée principale ».

Dans son prolongement, le deuxième tènement prend place logiquement dans la portion méridionale de Pont de Langon (avec les parcelles de la Gravette), cantonnée, au nord, par « ledit chemin de de la Cave à la Baillisque », au sud et à l’ouest, par « les vignes du château de Carbonnieux et autres propriétés » ; à l’est, par « ladite route nationale n°10 ». Sur « 31 hectares, 78 ares et 26 centiares environ, cette portion réunit « vignes, terres labourables, près, bois taillis de chêne, sablière et gravière ; le tout percé de chemins et d’allées dépendant de la propriété et aboutissant à un rond-point d’un diamètre de 62 mètres, tracé au milieu du taillis432. » Le troisième tènement « comprend environ 06 hectares et 05 centiares de terre en nature d’aubarèdes ; il est situé à 80 mètres environ de la route nationale n°10 ». Par

Fernando et San-Hermenegildo. » Francisco Xavier de Santa Cruz y Mallen, Historia de Familias Cubanas, La Havane, Editorial Hercules, tome 2, 1940, 222 p., pp. 215-218.

431 AD33, 3 E 28040, Étude maître Caboy, notaire à Bordeaux, acte d’achat, 30/09/1871.

432 Il s’agit du rond-point entouré des parcelles n°25, 26 et 29. AD33,3P080/20,Plan cadastral, section A, feuille 01 Sarlat, commune de Cadaujac, 1847.

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recoupements divers, cette portion s’avère être celle ayant été acquise par Jean Dupuch « dans le marais de Villenave et de Cadaujac, qui était détachée du domaine de Baret » et au sujet de laquelle Jean dit Barthélémy Dupuch se plaisait à préciser que sur une vingtaine de journaux, « cette plantation d’aubarèdes de saule était unique dans le pays ». Ce tènement « est divisé en trois pièces par la traverse du chemin de Lindat et celle du chemin de fer de Bordeaux à La Teste ».433 Les trois tènements regroupés représentent la superficie totale du domaine de Pont de Langon, qui s’élève à « 65 hectares, 96 ares et 85 centiares ».

Puis, survient la deuxième conquête, au mois d’octobre 1873. Deux ans après son arrivée dans sa propriété, Modesto Lorenzo del Valle se porte acquéreur d’une partie d’un bien relevant de la famille Gazeaud, les frères et sœurs Gazeaud434, plus précisément, enfants héritiers de Jeanne Amélie Jalaguier, épouse de Jean Firmin Gazeaud435. Ce bien porte le nom de domaine de la Gamarde, c’est-à-dire celui situé sur la commune de Villenave d’Ornon, au nord de la propriété de Pont de Langon dont il est mitoyen. La Gamarde est traversée par le ruisseau de l’Eau Blanche et est composée de diverses prairies parmi lesquelles, grand nombre sont attachées à Pont de Langon. En se rendant ainsi acquéreur de son nouveau domaine, Modesto Lorenzo del Valle réunit les terres très liées de deux propriétés voisines. Le domaine de la Gamarde, « ancien moulin de la Gamarde » est « d’une contenance totale de 04 hectares, 70 ares et 40 centiares »436. Il consiste en un immeuble principal (« 03 hectares, 59 ares et 70 centiares ») composé « d’une maison de maître, chai, cuvier, remise, écurie437, moulin à eau mécanique, dit à l’anglaise438, et logement pour le meunier [ainsi que] jardin potager, jardin

433 « La plus grande de ces pièces, sise au nord-ouest, confronte : du nord, au ruisseau de Mineau ; du midi, au chemin de Lindat ; du levant, à la propriété de M. Defaure. La seconde pièce, en face de la précédente, confronte : du nord et du couchant, au chemin de Lindat ; du levant, au chemin de fer du Midi ; du midi, à la propriété de M. Salvane ou représentants. La troisième pièce est bornée : au couchant, par le chemin de fer ; au levant, par le ruisseau de l’Eau Blanche ; au nord, par la propriété de M. Defaure ; au midi, par celle de M. Lasbennes. »

D’autres recoupements mettent en évidence que cette pièce d’aubarèdes réunit les parcelles n°15, 16 et 17 de la commune de Cadaujac. AD33,3P080/04,Plan cadastral, section B, feuille 01 s.n., commune de Cadaujac, XIXe siècle.

434 AD33, 3 E 34530, Étude maître Caboy, notaire à Bordeaux, acte d’achat, 08/10/1873.

435 Jean Théodore Gazeaud, « Ancien avoué près le Tribunal de Première Instance, ayant demeuré au domaine de la Gamarde et demeurant à Montevideo » ; Marie Simone Gazeaud, épouse de Jean Baptiste Nogué ; Marie Ernestine Gazeaud, épouse d’André Simon Ginestous ; Marie Mélanie Gazeaud, célibataire ; Marie Adélaïde Gazeaud, célibataire, enfants héritiers de Jeanne Amélie Jalaguier, épouse Gazeaud tel que constaté par un acte de notoriété, dressé par maître Caboy, notaire à Bordeaux, le 08 octobre 1873. Y est précisé que « Jeanne Amélie Jalaguier, épouse Jean Firmin Gazeaud n’avait pas fait de dispositions testamentaires connues, ni aucune donation en faveur de son mari, expliquant à cet égard que leur contrat de mariage [passé devant maître Pécheric, notaire à Bordeaux, le 24 octobre 1832] ne contient aucune libéralité de part et d’autre. Elle laisse donc pour seuls héritiers ses cinq enfants. » AD33, 3 E 34530, Étude maître Caboy, notaire à Bordeaux, acte de notoriété, 08/10/1873.

436 Les numéros de parcelles ne sont pas indiqués dans les titres de propriétés.

437 « L’écurie avec un parterre et une cour [dit aussi terrain vacant] ». AD33, 3 E 34530, Étude maître Caboy, notaire à Bordeaux, acte d’achat, 08/10/1873.

438 « Le moulin à mécanique à l’anglaise, à 02 paires de meules, lequel est en pleine activité, alimenté par le ruisseau de l’Eau Blanche ». AD33, 3 E 34530, Étude maître Caboy, notaire à Bordeaux, acte d’achat, 08/10/1873.

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fruitier, prairies et terres labourables ». À ce premier ensemble, s’ajoute une pièce de terre labourable (« 01 ha, 10 ares, 70 centiares »), appelée Pruet [ou à Pruet], située au lieu de ce nom439 », lui-même implanté à l’ouest de la Gamarde.

Jeanne Amélie Jalaguier, épouse de Jean Firmin Gazeaud, avait recueilli le moulin de la Gamarde, en 1850, de sa mère, Marie Mélanie Pouget440, l’ayant elle-même reçu dans la succession de son mari Jean Baptiste Jalaguier, en 1846441. Cette origine de propriété remonte ensuite à Marguerite Guérin, épouse veuve Baraste aîné, vendeuse de la Gamarde à Jean Baptiste Jalaguier, en 1841442, et héritière, en 1804, du domaine dans la succession de sa mère, Marie Lagrèse, épouse veuve Guérin443. Enfin, cette dernière nous conduit à Jeanne Paillet, épouse Lagrèse, dont elle est fille héritière. Jeanne Paillet, épouse Lagrèse, ayant reçu la Gamarde de sa mère Marguerite Dirouart, épouse de Pierre Paillet, relie, en effet, le domaine de la Gamarde de Modesto Lorenzo del Valle au moulin de la Gamarde des époux Paillet. Ce sont eux qui, entre 1715 et 1726, avaient été opposés à Jean-Baptiste Bourran « au sujet de servitudes que les deux parties ont en commun, sur « un moulin appelé la Gamarde ». Nul doute que le rattachement géographique de la Gamarde à Pont de Langon, se double de la réunion d’un passé commun ou pour le moins entremêlé entre les deux propriétés.

439 Le « lieu Pruet » est aussi le « Moulin Pruet ». Son implantation à l’ouest du domaine de la Gamarde correspond aussi à la limite septentrionale du domaine de la Gravette.

440 Très exactement, Jeanne Amélie Jalaguier, épouse Gazeaud, et ses cinq enfants, sont conjointement héritiers de Marie Mélanie Pouget, épouse veuve de Jean Baptiste Jalaguier, suivant un testament public réalisé par Marie Mélanie Pouget, épouse veuve Jalaguier, devant maître Brannens, notaire à Bordeaux, le 14 janvier 1848. AD33, 3 E 48803, Étude maître Brannens, notaire à Bordeaux, testament, 14/01/1848.

En conséquence, est ordonnée une licitation entre Jeanne Amélie Jalaguier, épouse Gazeaud et ses enfants, pour satisfaire aux prescriptions d’un jugement rendu par le Tribunal de première instance de Bordeaux, le 29 août 1850.

Ainsi, Jeanne Amélie Jalaguier, épouse Gazeaud, entre-t-elle en possession du domaine de la Gamarde, suivant un jugement d’adjudication, et pour la somme de « 31 000 F », prononcé en sa faveur par le Tribunal de première instance de Bordeaux, le 08 octobre 1850. AD33, 3 U 2415, Jugement d’adjudication, Bordeaux, 08/10/1850.

441 Dans le détail, suite au testament laissé par Jean Baptiste Jalaguier (ancien débiteur de tabacs à Bordeaux), Marie Mélanie Pouget, son épouse et ses cinq petits-enfants sont conjointement héritiers de Jean Baptiste Jalaguier.

Par conséquent, est ordonnée une licitation des biens tant de la communauté réduite aux acquêts que de la succession de Jean Baptiste Jalaguier, cédée à Marie Mélanie Pouget, en exécution d’un jugement rendu par le Tribunal de première instance de Bordeaux, le 29 août 1846.

Aussi, Marie Mélanie Pouget, épouse veuve Jalaguier, entre-t-elle en possession du domaine de la Gamarde, suivant un jugement d’adjudication, et pour la somme de « 30 025 F », prononcé en sa faveur par le Tribunal de première instance de Bordeaux, le 15 décembre 1846. AD33, 3 U 3292, Jugement d’adjudication, Bordeaux, 15/12/1846.

442 En 1841, le « petit domaine appelé à Gamarde, consiste en maison de maître, moulin à eau à une meule, logement des cultivateurs, chai, cuvier, écurie ; jardin potager, jardin fruitier, jardin cultivé par le meunier, une pièce de pré, une vaste prairie, une pièce de vigne et une autre appelée à Pruet. » AD33, 3 E 41425, Étude maître Pécheric, notaire à Bordeaux, acte d’achat, 07/06/1841.

443 En 1803, Marie Lagrèse, épouse veuve Guérin, laisse pour ses seules héritières ses quatre filles et chacune pour un quart de la propriété : 1°) Marguerite Guérin, épouse veuve Baraste aîné ; 2°) Jeanne Sophie Guérin, épouse Durand ; 3°) Jeanne Guérin, épouse Jalaguier ; 4°) Jeanne Rose Guérin, épouse Baraste jeune.

Le 25 décembre 1803 (3 nivôse an XII), Marguerite Guérin, épouse veuve Baraste aîné, acquiert à titre d’échange, le quart revenant à Jeanne Sophie Guérin. Le 20 avril 1804 (30 germinal an XII), elle acquiert suivant un contrat d’achat, les deux quarts revenant à Jeanne Guérin et à Jeanne Rose Guérin. AD33, 3 E 28045, Étude maître Bizat, notaire à Bordeaux, acte d’achat, 20/04/1804 (30 germinal an XII).

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Enfin, troisième et dernier acte, celui de l’acquisition, en 1874, auprès de Marie Bourgouin, épouse veuve d’Antoine Larrieu, d’un « petit domaine en surplus [de celui de Pont de Langon], situé sur la commune de Cadaujac, au village Philippe, quartier de La Gravette »444. Noms patronymique et toponymique renouent avec des évocations anciennes de l’histoire du domaine… de la Gravette. Pour cause, ce « petit domaine » n’est rien d’autre que « la chambre basse avec place au-devant et au derrière et par côté de celle-ci, le tout d’un seul tenant [ainsi que de] deux pièces de vigne. [L’ensemble] étant situé sur la commune de Cadaujac, au lieu appelé Aphilipp ». Pour mémoire, ce bien et celui « chambre basse avec un petit chai sur le derrière, un petit jardin et vigne, sis au lieu de Philipp ou Philipot » constituent les deux corps d’immeubles, de l’ancien quartier de « la Gravete », au cœur du village Philippe ayant été en la possession de Michel Bourgouin au XVIIIe siècle. En 1803, après le partage de ces objets entre ses trois fils héritiers445, Jean Bourgouin aîné détient "la chambre basse avec place" ainsi que "la chambre basse avec un petit chai"446. Ces deux objets reviennent en 1834 à son fils, Jean Bourgouin fils puis sont recueillis par l’épouse de ce dernier, Jeanne Boutin, en 1842 puis 1844447. C’est leur fille, Marie Bourgouin, épouse veuve d’Antoine Larrieu qui, recevant ces biens en 1858 au décès de sa mère, vend à Modesto Lorenzo del Valle « échoppe, chai, jardin et vigne », anciennement "chambre basse avec place".

444 AD33, 3 E 34537, Étude maître Caboy, notaire à Bordeaux, acte d’achat, 18/05/1874.

445 Pour rappel, Jean Bourgouin aîné (habitant de Cadaujac), Jean Bourgouin le jeune (habitant de Bègles) et Jean Bourgouin cadet (habitant de Villenave) sont les fils de Michel Bourgouin et de Marie Chataîgnet. Ils sont tous trois vignerons.

446 Pour rappel, aux termes d’un acte de partage, « une chambre basse avec un petit chai sur le derrière, petit jardin et parcelle de vigne », reviennent à Jean Bourgouin aîné ; « une [autre] chambre basse avec place au devant et au derrière et par côté de celle-ci, et une pièce de vigne », sont attribuées à Jean Bourgouin le jeune ; le lot contenant « une pièce de vigne » est destiné à Jean Bourgouin cadet. AD33, 3 E 63894, Étude maître Marsaudon, notaire à Bordeaux, acte de partage, 27/12/1803 (05 nivôse an XII).

Puis, de Jean Bourgouin jeune, Jean Bourgouin cadet acquiert la pièce de vigne et Jean Bourgouin aîné, la chambre basse avec place. AD33, 3 E 30065, Étude maître Giron, notaire à Cadaujac, acte d’achat, 03/06/1805 (14 prairial an XIII). De ces deux mutations sont donc issus le corps d’immeuble constitué par Jean Bourgouin aîné en 1805, qui devient la possession de Georges Antoine Lair cinquante ans plus tard (pour le domaine de la Gravette) et celui de Modesto Lorenzo del Valle, en 1874.

447 Jeanne Boutin acquiert une première partie de l’ensemble du bien, par achat. AD33, 3 E 41095, Étude maître Thierrée, notaire à Bordeaux, acte d’achat, 28/08/1842.

Cette acquisition est réalisée « à titre de dation, en paiement par Jean Bourgoin fils à Jeanne Boutin, d’un immeuble appartenant à Jean Bourgoin fils pour se libérer envers son épouse de la somme de 700 F qu’il a reçue, par elle, de Barthélémy Ducourneau pour prix de vente qu’elle a faite à ce dernier, de l’ensemble d’une chambre, d’un chai et d’un jardin situé au lieu de la Gamarde, commune de Villenave d’Ornon », par contrat de vente passé, devant maître Thierrée, notaire à Bordeaux, ce même 28 août 1842.

En février 1844, au décès de son mari, Jeanne Boutin recueille la seconde partie de l’ensemble du bien, dans la succession de Jean Bourgoin fils, selon les termes de leur contrat de mariage, passé devant maître Campagne, notaire à Léognan, le 02 février 1819.

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D’une superficie « d’environ 53 ares et 60 centiares »448, l’apport de ce corps d’immeuble réside moins dans l’étendue de ses terres que dans la position géographique – voire "stratégique" – de celles-ci : au croisement entre les parcelles mitoyennes de Pont de Langon et celles contiguës du quartier de la Gravette. Comme l’avait fait en 1855, Georges Antoine Lair pour son domaine de la Gravette, Modesto Lorenzo del Valle – pour celui de Pont de Langon – marque de sa présence le territoire de Cadaujac, au sein du quartier de la Gravette, cœur de l’ancien fief de la famille Bourgouin. Au final, la victoire de Modesto Lorenzo del Valle n’en est que plus éclatante : entre 1871 et 1874, en déployant Pont de Langon jusqu’au domaine de la Gamarde et au « petit domaine en surplus au village Philippe », le voici aux commandes de « 71 hectares, 20 ares et 85 centiares » de terres à cultiver et valoriser.

À cet égard, tout laisse à supposer que le brillant homme militaire réunit aussi toutes les qualités prévalant chez un propriétaire viticole accompli. En 1874, Édouard Féret constate les « 40 tonneaux vin rouge en Graves »449 que produit le domaine de Pont de Langon mais en 1880, son estimation en dénombre une soixantaine450. Ce volume important est constant jusqu’à la fin du XIXe siècle malgré le mildiou et le black-rot, ces deux champignons qui sévissent dans le vignoble du Bordelais à partir de 1878, pour le premier, et en 1885, pour le second. Loin même de ces préoccupations, le vin de Modesto Lorenzo del Valle est couronné de récompenses officielles : il reçoit, en 1882, la médaille de bronze et, en 1885, celle de vermeil, de la Société philomathique de Bordeaux451.

Par ailleurs, remarquons qu’en 1886, la cinquième édition de Bordeaux et ses vins situe