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Le nouveau château Couhins de Catherine Hanappier

DU BOURDIEU DE LA GRAVETTE AU CHÂTEAU COUHINS

I.3.4. Le nouveau château Couhins de Catherine Hanappier

Catherine Angèle Sérès est à la tête de sa propriété entre 1902 et 1917206, l’année de son décès207. Dans le prolongement des travaux de son mari, elle assure au château

203 « Ventes de vins (15 juin-15 juillet) 1899. Nous ont été signalées, depuis notre dernier Bulletin, les ventes suivantes : 1897, Château Couhins, V. Hanappier, Villenave d’Ornon ». Syndicat du commerce en gros des vins et spiritueux de la Gironde, La Gironde vinicole : organe du Syndicat du commerce en gros des vins, Bordeaux, Imprimerie Nouvelle Demachy, Pech et Cie, 13e année, 15 juillet 1899, 16 p., p. 12.

204 L’Annuaire des châteaux et des villégiatures est édité entre 1887 et 1935 (Paris, La Fare). Il est le support de diffusion de « 40 000 noms & adresses de l’aristocratie, du high life, de la colonie étrangère, du monde politique, de la magistrature, de l’armée, du clergé, des sciences, lettres et beaux-arts, de tous les propriétaires des châteaux de France ». Dans la limite des numéros consultables, le château Couhins figure chaque année entre 1897 et 1900.

205 Édouard Féret (sous la direction de), Bordeaux, ses environs et ses vins classés par ordre de mérite, 7e édition, Bordeaux, Éditions Féret, 1898, 859 p., p. 286.

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Couhins un rendement constant pour ses vins rouges qui « ont du corps et de la finesse » et améliore même la production de ses vins blancs « secs, nerveux, bouquetés »208. Le château Couhins s’inscrit pleinement dans la renommée « des premières graves » qui, bien que très ancienne, « augmente, grandit tous les jours. La bonne tenue, le parfait développement [des] vins de Graves, leur finesse, leur sève abondante, leur bouquet, les classent parmi les meilleurs des grands vins de la Gironde. »209 Assurément, la propriétaire viticole est de celles que le Tout-Sud-Ouest compte au sein de ses « grandes familles et notabilités de Bordeaux » et de l’ensemble de la région210.

Le véritable coup de maître que Catherine Angèle Sérès réalise pour sa propriété réside davantage dans l’expansion qu’elle lui offre et ce, par le biais de deux acquisitions sur la commune de Cadaujac. Au cours de l’année 1910, Catherine Angèle Sérès achète auprès de « Brunet Raymond Jules et Brunet Gaston Louis » un corps d’immeuble consistant en « une maison, un jardin et des vignes »211. Sur toute son étendue, ce bien est mitoyen avec le « corps d’immeuble avec chambre basse et chai, jardin et vigne » apporté au domaine de la Gravette, en 1855, par Georges Antoine Lair. De toute évidence, l’acquisition de Catherine Angèle Sérès

207 Elle est toutefois secondée par Bernard Henri Hanappier « nommé par les parties comme administrateur provisoire, chargé de la gestion et de l’administration des biens dépendant des communautés et successions et tout particulièrement de la gestion des immeubles, l’encaissement des loyers et la vente des vins existant sur le domaine de Couhins, à Villenave d’Ornon ; le tout sans attribution de qualité. Cette nomination fut décidée lors de l’inventaire après décès Victor Constantin Hanappier. » AD33, 3 E 69393, Étude maître Peyrelongue, notaire à Bordeaux, inventaire après décès, 17/11/1902.

208 En 1908, « dans les Graves de Bordeaux, sur la commune de Villenave d’Ornon, château Couhins, de veuve Hanappier, produit 20 tonneaux vin rouge [et] 06 tonneaux vin blanc. » Édouard Féret (sous la direction de), Bordeaux, ses environs et ses vins classés par ordre de mérite, 8e édition, Bordeaux, Éditions Féret, 1908, 1116 p., p. 366.

209 « Les vins rouges se conservent longtemps et rivalisent avec les vins du Médoc [tandis que] les vins blancs les plus distingués [sont] capables de rivaliser avec les grands vins liquoreux de Sauternes. » Édouard Féret (sous la direction de),

Bordeaux, ses environs et ses vins classés par ordre de mérite, 8e édition, Bordeaux, Éditions Féret, 1908, 1116 p., p. 338.

210 Dans son Annuaire du Tout Sud-Ouest illustré, Édouard Féret recense les familles notables de Bordeaux mais aussi « des départements de la Gironde, de la Charente-Inférieure, de la Charente, de la Dordogne, du Lot-et-Garonne et des Landes ». Dans la limite des numéros consultables (entre 1904 et 1913), le château Couhins de Catherine Angèle Sérès figure très régulièrement entre 1906 et 1913. À titre d’exemple : « Hanappier (Mme Victor), née Sérès. 133 cours du Médoc à Bordeaux et Château Couhins, à Villenave d’Ornon. Enfants Henri, Georges et Berthe ». Édouard Féret, Annuaire du tout Sud-Ouest illustré comprenant les grandes familles et les notabilités de Bordeaux et des départements de la Gironde, de la Charente-Inférieure, de la Charente, de la Dordogne, du Lot-et-Garonne et des Landes, Bordeaux, Éditions Féret et Fils, 1909, 1139 p., p. 425.

« Brunet (Jules-Auguste-Romuald), médaillé 70-71 avec barrette d’engagé volontaire, chef d’escadron de chasseurs territoriaux, chemin de fer et étapes, publiciste, militaire et Mme née Leuba. 65 rue Demours à Paris et Château du Pont de Langon à Villenave d’Ornon et Cadaujac. Enfants, Raymond et Gaston. » Édouard Féret, Annuaire du tout Sud-Ouest illustré comprenant les grandes familles et les notabilités de Bordeaux et des départements de la Gironde, de la Charente-Inférieure, de la Charente, de la Dordogne, du Lot-et-Garonne et des Landes, Bordeaux, Éditions Féret et Fils, 1913, 1177 p., p. 186.

211 Aucun titre de propriété n’a pu être mis au jour concernant les mutations de ce bien. Seuls les plans cadastraux et les indications contenues dans les matrices cadastrales ont permis la reconstitution de ces éléments.

AD33, 3 P 080/35, Matrices cadastrales, matrices des propriétés bâties et non bâties, commune de Cadaujac, f°01-260, 1850-1914.

AD33, 3 P 080/36, Matrices cadastrales, matrices des propriétés bâties et non bâties, commune de Cadaujac, f°261-520, 1850-1914.

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n’est rien d’autre que l’ancienne « chambre basse avec place au-devant et au derrière et par côté de celle-ci, le tout d’un seul tenant [ainsi que de] deux pièces de vigne » dans l’ancien quartier de « la Gravete », du vieux village Philippe. De la sorte, ces deux chambres qui formaient un bien commun du temps de Michel Bourgouin au XVIIIe siècle, sont à nouveau réunies en 1910 par Catherine Angèle Sérès. Le regroupement est plus large encore, quand on sait que ces deux objets et celui, contigu, émanant du veux bourdieu Philippe, reconstituent sur les terres du château Couhins, les trois unités viti-vinicoles de l’ancien village Philipe, dans l’ancien quartier de « la Gravete »212. Le bien nouvellement acquis, contenant la maison avec son jardin et ses vignes, représente une surface totale de « 53 ares et 60 centiares »213.

L’année 1910, à nouveau, et intervient le second achat par Catherine Angèle Sérès de cinq parcelles ayant appartenu au milieu du XIXe siècle à « Duprat Sydney Louis » et propriété de Raymond et Gaston Brunet en 1910 214. Ces objets qui réunissent « des terres et des vignes » sont situés très exactement entre les terres du château Couhins à Cadaujac (les trois unités viti-vinicoles de l’ancien village Philipe précédemment décrites) et les terres du château Couhins à Villenave d’Ornon (constituant la partie principale de la propriété). Autrement dit, en faisant l’acquisition de ces cinq pièces, réunies d’un seul tenant, Catherine Angèle Sérès réalise au sein du château Couhins le rassemblement des terres de Cadaujac entre elles mais aussi, le rattachement des terres de Cadaujac à celles de Villenave d’Ornon. Par conséquent, elle accomplit la réunification totale de toutes les terres constituant la propriété en son entier et comble ainsi un vide laissé vacant depuis la création, en 1754, du domaine de la Gravette (composé initialement des deux bourdieux éloignés, Philippe et la Gravette). Dernier résultat de

212 Pour rappel et mise en perspective : l’ancien bourdieu Philippe, propriété de Jean-Baptiste Banchereau à partir de 1754, est antérieurement celle de la famille Gueyraud. Les deux corps d’immeubles dans l’ancien quartier de « la Gravete » semblent être historiquement "le fief" de la famille Bourgouin. En 1855, le premier de ces deux corps est cédé par des héritiers Bourgouin à Georges Antoine Lair tandis que le second est vendu par d’autres héritiers Bourgouin, en 1874, à Modesto Lorenzo de Valle y de Iznaga, propriétaire du domaine mitoyen, le domaine de Pont de Langon ; domaine devenu ensuite la propriété de la famille Brunet. Cet aspect sera développé dans la seconde partie de cette étude, consacrée au domaine de Pont de Langon.

213 Dans le plan cadastral de 1847, de la commune de Cadaujac, ce corps d’immeuble est porté sous les numéros 11, 12 et 13 (maison, jardin et vigne). AD33,3P080/20,Plan cadastral, section A, feuille 01 Sarlat, commune de Cadaujac, 1847. La nature de ces parcelles n’a pas été modifiée au cours du temps.

214 À nouveau, aucun titre de propriété n’a pu être mis au jour concernant les mutations de ce bien. Seuls les plans cadastraux et les indications contenues dans les matrices cadastrales ont permis la reconstitution de certains éléments. Cependant, les informations (de contenances et de désignations en particulier) fournies dans les mutations postérieures permettent de certifier que ces terres sont restées attachées au domaine de Pont de Langon jusqu’en 1910. Ce point sera abordé plus en détails dans la seconde partie de cette étude, consacrée au domaine de Pont de Langon.

AD33, 3 P 080/35, Matrices cadastrales, matrices des propriétés bâties et non bâties, commune de Cadaujac, f°01-260, 1850-1914.

AD33, 3 P 080/36, Matrices cadastrales, matrices des propriétés bâties et non bâties, commune de Cadaujac, f°261-520, 1850-1914.

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ces nombreuses modifications : en 1910, la partie sud du château Couhins, établie sur la commune de Cadaujac, trouve sa forme définitive et d’un seul tenant.

Cette nouvelle possession, d’une contenance totale de « 07 hectares, 86 ares et 60 centiares »215, agrandit considérablement la superficie du domaine. Dès lors, en insérant l’achat du corps d’immeuble en cette même année, le château Couhins s’étend sur vingt-trois hectares, quatre-vingt-quatorze ares et trois centiares216 (en 1754, le domaine de la Gravette comptait « 9 hectares, 73 ares et 79 centiares »). La partie de la propriété sur Villenave d’Ornon conserve ses « 12 hectares, 24 ares et 78 centiares » tandis que celle sur Cadaujac atteint dorénavant « 11 hectares, 69 ares et 25 centiares ». Longtemps en minorité, les terres de Cadaujac qui s’inscrivent nettement sur l’ensemble du domaine en 1910, apportent aussi à Couhins ses parcelles de vigne les plus importantes. La surface du vignoble sur les terres de château Couhins est de « 07 hectares, 61 ares et 18 centiares »217. La superficie du vignoble de Villenave d’Ornon (avec la pièce La Cave) est maintenue à « 01 hectare, 28 ares et 78 centiares »218 quand les vignes de Cadaujac couvrent « 06 hectares, 32 ares et 40 centiares »219. À grand renfort de terres et de vignes pertinemment sélectionnées, Catherine Angèle Sérès transforme profondément son domaine pour en faire une vaste propriété unifiée ; de même, elle offre au château Couhins la confirmation irrévocable de sa vocation viticole initiale.