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Chapitre 4 : Rupture des composites eutectiques

4.2 Modes de propagation de fissures

La première étape de l’étude de la rupture des composites eutectiques in situ a consisté à créer des fissures au sein des microstructures afin d’observer leurs modes de propagation, et de détecter d’éventuels mécanismes renforçants (multi-fissuration, déviations de fissure, etc.). Les fissures ont donc été induites pendant des essais de flexion biaxiale, dont le protocole est décrit au paragraphe 2.4.1. Celui-ci, et plus particulièrement le pilotage de la translation, avait été prévu pour que les fissures induites dans les éprouvettes ne se propagent pas sur toute la surface du matériau. Le programme informatique qui pilote le moteur pas-à-pas a ainsi été conçu pour que l’avancée du poinçon soit stoppée, dès qu’une chute de charge (équivalente à 1 N) est détectée,

Malheureusement, malgré la rigidité notable de l’appareil expérimental (voir figure 2.4), la fragilité intrinsèque de ces matériaux n’a pas permis d’éviter la rupture totale des éprouvettes. Néanmoins, la symétrie axiale de l’essai engendre un état de contrainte constant et biaxial dans la partie centrale de l’éprouvette – voir équation (2.1). Ainsi, plusieurs fissures radiales peuvent être initiées dans cette zone, sans que toutes aient la possibilité de rejoindre le bord de l’éprouvette.

Les observations des fissures ont été réalisées sur la face inférieure des éprouvettes qui était soumise à une contrainte de traction biaxiale pendant l’essai de flexion. Les observations des chemins suivis par les fissures qui ne se sont pas propagées jusqu’au bord de l’éprouvette, ont permis de déceler d’éventuels mécanismes de renforcement (déviations de fissures, décohésion des interfaces, etc.).

4.2.1 Systèmes binaires

Des micrographies MEB, réalisées après les essais de flexion biaxiale, sont présentées en figures 4.1 à 4.6 (figures 4.1, 4.2 et 4.3 pour le composite in situ Al2O3 - YAG, figure 4.4 pour le système eutectique Al2O3 - ErAG, et figures 4.5 et 4.6 pour le système eutectique Al2O3 - GdAP).

Pour les trois systèmes eutectiques binaires étudiés, le mode de fissuration majoritairement présent est une fissuration transgranulaire, comme l’indiquent les figures 4.1 à 4.6. Toutefois, dans la majorité des éprouvettes analysées, la fissure principale, c'est-à-dire celle qui a conduit à la rupture du matériau, n’est pas complètement linéaire (elle est souvent déviée), et présente plusieurs ramifications. Une telle morphologie peut être induite par des changements de plan de clivage au sein d’une même phase, ce qui conduit à des déviations de la fissure. De plus, lorsque la fissure rencontre une interface, la déviation de cette fissure peut s’expliquer par des orientations différentes des plans de clivage les plus favorables dans chacune des deux phases eutectiques.

Rupture des composites eutectiques in situ

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En effet, les micrographies présentées en figures 4.1 à 4.6, montrent que les déviations de la fissure se produisent majoritairement via un mécanisme de décohésion des interfaces. De nombreux cas de fissuration le long des interfaces ont ainsi été observés entre les phases Al2O3 et YAG (voir les flèches bleues sur les figures 4.1, 4.2 et 4.3), Al2O3 et ErAG (flèches bleues sur la figure 4.4), mais également entre les phases eutectiques Al2O3 et GdAP (flèches bleues sur les figures 4.5 et 4.6).

De plus, quelques cas de multi-fissuration (ramification de la fissure) ont également été détectés dans le cas des eutectiques binaires. Celles-ci, visibles sur les figures 4.1 et 4.5 (voir les flèches orange) se situent au niveau des interfaces. Dans la plupart des cas observés, les fissures secondaires (qui sont par ailleurs très fines) issues de ces divisions, s’arrêtent quelques micromètres plus loin (voir figure 4.5) ou rejoignent la fissure principale (figure 4.1).

Un autre exemple de fissuration, dans le cas du système eutectique binaire Al2O3 - YAG est présenté en figure 4.7. La figure se lit de bas en haut, et de gauche à droite, c'est-à-dire en remontant la série de micrographies de la colonne de gauche, puis la série de droite (voir la flèche noire). Cette figure montre le suivi d’une fissure secondaire, qui se sépare de la fissure principale au niveau de la flèche orange (en bas à gauche de la figure), et qui se propage parallèlement à la fissure principale sur environ deux cent micromètres.

Tout au long de cette fissure, des déviations (identifiées par des flèches bleues), ainsi que deux nouvelles bifurcations (marquées par des flèches orange), sont détectées. Les deux fissures issues de ces bifurcations rejoignent la fissure principale (qui se propage sur la gauche des micrographies, mais est en grande partie masquée). Cette fissure secondaire subit également des changements de plan de clivage assez nets, qui sont mis en évidence au sein de la phase grenat par les flèches noires.

Dans les zones où elle est visible, il est remarquable que la fissure principale se propage selon un chemin peu linéaire, et qu’elle est déviée, via un mécanisme de décohésion, le long d’interfaces entre les phases Al2O3 et YAG (voir flèches blanches sur la figure 4.7).

Les composites eutectiques binaires présentent un mode de rupture majoritairement transgranulaire, c'est-à-dire que la fissure se propage principalement au sein des domaines de phase. Néanmoins, ponctuellement, comme l’indiquent les figures 4.1 à 4.7, des modes de propagation supplémentaires interviennent pour les trois systèmes binaires Al2O3 - YAG, Al2O3 - ErAG et Al2O3 - GdAP. Des déviations de fissure aux interfaces, ainsi que quelques cas de multi-fissuration ont ainsi été mis en évidence.

Figure 4.1Système Al2O3 - YAG : exemple de fissuration.

Figure 4.2Système Al2O3 - YAG : propagation de fissure au sein de la microstructure.

Figure 4.3Système Al2O3 - YAG : propagation de fissure au sein de la microstructure.

Figure 4.4Système Al2O3 - ErAG : exemple de fissuration.

Figure 4.5Système Al2O3 - GdAP : exemple de fissuration.

Figure 4.6Système Al2O3 - GdAP : propagation de fissure au sein de la microstructure.

5 µm 2 µm

20 µm 2 µm

Rupture des composites eutectiques in situ

115 Figure 4.7Système Al2O3 - YAG : propagation de fissure au sein de la microstructure.

La détection de tels phénomènes renforçants permet de penser qu’une quantité d’énergie supplémentaire, par rapport à une rupture purement transgranulaire, est dissipée au cours de la rupture. Ces observations, réalisées à l’issue des essais de flexion biaxiale, sur les systèmes eutectiques binaires, sont en bon accord avec les valeurs de ténacité récemment rapportées pour le système eutectique Al2O3 - YAG, comprises entre 3,6 et 5,2 MPa.m1/2 [Piquet, 2006 ; Mazerolles, 2008b ; Su, 2008b]. Ces valeurs de ténacité sont supérieures à celles du saphir et du YAG pris séparément (voir chapitre 1). Ainsi, les mécanismes de fissuration détectés confirment cette légère augmentation de ténacité des composites eutectiques in situ binaires par rapport à chacun des composants monophasés.

4.2.2 Systèmes ternaires

Trois micrographies, concernant le système ternaire Al2O3 - YAG - ZrO2 et réalisées après les essais de flexion biaxiale sont présentées figures 4.8, 4.9 et 4.10. Les figures 4.11 et 4.12 sont relatives au système eutectique Al2O3 - ErAG - ZrO2., et la figure 4.13 se rapporte au composite in situ Al2O3 - GdAP - ZrO2 (les limites des domaines de phase ZrO2 ont été surlignées par des traits en pointillés). Les observations réalisées sur les composites eutectiques in situ ternaires ont également permis de déceler quelques cas de multi-fissuration (voir flèches orange sur les figures 4.8, 4.9 et 4.13). Les divisions de fissure interviennent soit au niveau des interfaces (voir figure 4.13), soit au sein de domaines de phase (essentiellement des domaines de phase zircone), comme l’indiquent les figures 4.8 et 4.9.

Les décohésions aux interfaces sont plus fréquentes dans le cas des systèmes eutectiques ternaires qu’elles ne l’étaient dans le cas des composites eutectiques in situ

binaires. Ainsi, des déviations de fissure aux interfaces entre les phases Al2O3 et YAG, ErAG ou GdAP ont été mises en évidence (flèches bleues), mais également entre les phases Al2O3 et ZrO2 (flèches vertes), et entre les phases ZrO2 et YAG, ErAG ou GdAP (flèches rouges).

Par rapport aux systèmes eutectiques binaires, l’ajout d’une phase zircone permet donc d’améliorer, la ténacité des systèmes eutectiques qui atteint, pour le système ternaire Al2O3 - YAG - ZrO2, des valeurs proches de 9 MPa.m1/2 [Calderon-Moreno, 2005 ; Piquet, 2006 ; Mazerolles, 2008b]. La détection de nombreuses décohésions aux interfaces ZrO2/Al2O3, ZrO2/LnAG et ZrO2/GdAP permet d’expliquer cet accroissement de ténacité.

Rupture des composites eutectiques in situ

117 Figure 4.8Système Al2O3 - YAG - ZrO2 :

propagation de fissure au sein de la microstructure.

Figure 4.9Système Al2O3 - YAG - ZrO2 : exemple de fissuration.

Figure 4.10Système Al2O3 - YAG - ZrO2 : exemple de fissuration.

Figure 4.11Système Al2O3 - ErAG - ZrO2 : propagation de fissure au sein de la microstructure.

Figure 4.12Système Al2O3 - ErAP - ZrO2 : propagation de fissure au sein de la microstructure.

Figure 4.13Système Al2O3 - GdAP - ZrO2 : exemple de fissuration. 1 µm 1 µm 1 µm 2 µm 2 µm 2 µm ZrO2 ZrO2 ZrO2 ZrO2 ZrO2 ZrO2 ZrO2 GdAP GdAP Al2O3