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Chapitre 6 : Interprétation du comportement en fluage des

6.3 Analyse de la déformation des systèmes eutectiques binaires

6.3.2.1 Approche macroscopique

a - Comportement du système eutectique Al2O3 - YAG vis-à-vis des phases monocristallines

Il est intéressant d’analyser le comportement de ce système eutectique par rapport à celui des phases eutectiques qui le composent, notamment l’alumine, considérée comme un matériau référence, et dont la déformation plastique a été particulièrement étudiée [Cannon, 1980 ; Heuer, 1980 ; Kotchick, 1980 ; Kotchick, 1982 ; Lagerlöf, 1994 ; Castaing, 1997].

L’orientation des phases eutectiques favorise en principe la déformation de la phase

α-Al2O3 selon son système de glissement prismatique. En effet, le plan basal contient la direction de sollicitation (voir figure 6.1), ce qui implique, d’après la relation (6.2), que la contrainte de cisaillement résolue est nulle dans ce plan :

τ = σappliquée⋅cos

( )

χ ⋅cos

( )

λ (6.2) où τ est la contrainte de cisaillement résolue dans le plan de glissement considéré, χ l’angle entre la direction de sollicitation et la normale au plan de glissement, et λ l’angle entre la direction de glissement et le vecteur de Burgers du système de glissement considéré.

Ainsi, dans les conditions cristallographiques définies pour nos éprouvettes, pour lesquelles la direction de sollicitation appartient au plan basal, la contrainte résolue dans ce type de plan est forcément nulle.

Cependant, une température élevée peut permettre le glissement basal si la direction de la contrainte appliquée n'est pas strictement contenue dans le plan basal, ou si la contrainte résolue dans le plan basal de la phase alumine est suffisante, dans le cas d'une redistribution des contraintes dans le composite. Par exemple, pour une contrainte appliquée de 70 MPa et une température de 1 500°C, il suffit d’une désorientation 7° pour que le glissement basal soit activé (en considérant une contrainte de cisaillement critique résolue dans le plan basal de 9 MPa [Castillo Rodríguez, 2008]).

Par conséquent, les vitesses de déformation de l’alumine selon les deux systèmes de glissement basal et prismatique ont donc été prises en compte.

Le comportement en fluage de la phase YAG a également fait l’objet de plusieurs études [Rabier, 1976 ; Rabier, 1979 ; Corman, 1993 ; Blumenthal, 1996].

La vitesse de déformation du YAG, sollicité selon son axe [110], s’exprime par la relation [Corman, 1993] :

( )

( )

     − ⋅       σ ⋅ ⋅ = ε RT Q exp T G T T G ' A n & (6.3)

où G(T), le module de cisaillement (exprimé en GPa), a pour expression, en fonction de la température (exprimée en K) :

G T

( )

=119,5−7,2⋅10−3

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Il apparait deux régimes de déformation, dont le plus rapide impose sa vitesse, selon la température d’essai. Les paramètres, valables pour une gamme de contraintes comprises entre 50 et 280 MPa, et une température variant de 1 650 à 1 850°C, correspondant à ces deux régimes sont rassemblés dans le tableau 6.5.

Paramètre Régime « basse température » (T < 1 700°C)

Régime « haute température » (T > 1 700°C)

A’ (K.Pa-1.s-1) 6,77 1019 2,71 1082

n 6,2 12,5

Q (kJ.mol-1) 650 2 390

Tableau 6.5Paramètres relatifs à la déformation plastique du YAG, sollicité selon [110] [Corman, 1993].

Il est également à noter que, même si les résultats présentés ne concernent que la direction [110], l’isotropie du comportement en fluage du YAG a aussi été mise en évidence.

Les comportements de ces phases monocristallines, fondés sur les résultats de Cadoz [Cadoz, 1978] et Corman [Corman, 1991 ; Corman, 1993], sont comparés à celui des composites eutectiques in situ sur les figures 6.19 et 6.20.

Figure 6.19Evolution, en fonction de l’inverse de la température, sous une charge de 70 MPa, de la

vitesse de déformation du YAG et du saphir, comparée à celle des systèmes Al2O3 - YAG et

Al2O3 - ErAG.

Figure 6.20Evolution, en fonction de l’inverse de la température, sous une charge de 200 MPa, de la

vitesse de déformation du YAG et du saphir, comparée à celle des systèmes Al2O3 - YAG et

Les systèmes eutectiques à base de grenat Al2O3 - YAG et Al2O3 - ErAG présentent des vitesses de déformation intermédiaires entre celles des phases YAG et α-Al2O3. L’association d’une phase de type grenat à l’alumine conduit à des vitesses de déformation du système eutectique inférieures d’au moins un ordre de grandeur à celles du saphir.

La différence de comportement observée entre les phases monocristallines, ainsi que les micrographies MET post mortem, suggèrent que la déformation plastique est gouvernée par l’alumine, et que la phase YAG accommode la déformation. L’écart entre les vitesses de déformation du YAG monocristallin et du saphir, de près de six ordres de grandeur, observé sur les figures 6.12 et 6.13 est un élément qui appuie cette hypothèse. En effet, la densité de dislocations observée (voir paragraphe 6.3.2.1) dans les domaines de phase alumine est beaucoup plus importante que celle mise en évidence dans les domaines de phase YAG.

Ce mécanisme de déformation a été confirmé par Ochiai et al., dont les simulations au moyen de calculs par éléments finis montrent que, lors des premiers pourcents de déformation plastique, l’alumine supporte la déformation plastique, alors que la phase YAG accommode la déformation de l’alumine par une réponse élastique [Ochiai, 2007].

b - Proposition d’une loi de comportement

Les essais de fluage réalisés sur les systèmes eutectiques binaires à base de grenat révèlent un changement de régime de déformation en fonction de la température et de la contrainte qui leur sont imposées. Cette transition est confirmée à l’échelle locale par les observations MET (voir paragraphe précédent). Les essais par sauts de contrainte ont mis en évidence deux domaines de contrainte correspondant à des valeurs différentes d’exposants de sensibilité à la contrainte : à 1450°C, n est proche de 1 aux basses contraintes (typiquement σ

< 100 MPa), et voisin de 3 pour des valeurs élevées de la contrainte (σ > 100 MPa). Ces résultats peuvent être a priori analysés de deux manières différentes :

− par la présence d’une contrainte seuil σseuil, dont l’effet serait d’accroître la valeur mesurée de l’exposant de sensibilité à la contrainte quand la contrainte appliquée se rapproche de σseuil. Dans cette configuration, le processus de déformation serait celui opérant à haute contrainte, et il devrait exister une valeur de σseuil qui linéarise les courbes ln

( )

ε& =f

(

ln

( )

σ

)

,

− par l’existence de deux mécanismes de déformation.

Ces deux possibilités ont été envisagées pour le système eutectique Al2O3 - YAG, et sont décrites au cours de ce paragraphe.

La prise en compte d’une contrainte seuil, σseuil, pour décrire le comportement en fluage du système Al2O3 - YAG revient à interpréter la vitesse de déformation par la loi suivante :

(

seuil

)

n appliquée ' A⋅σ −σ = ε & (6.5)

En supposant que les interfaces sont infranchissables ou impénétrables du point de vue des dislocations, ces dernières doivent se déplacer au sein d’un domaine de phase. En effet,

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même si les systèmes de glissement les plus favorables des deux phases eutectiques étaient alignés de part et d’autre d’une interface, la différence de norme des vecteurs de Burgers rendrait impossible la transmission d’une dislocation d’une phase vers une autre [Martinez-Fernandez, 2001]. Cela n’empêche pas l’accommodation de la déformation aux interfaces : par exemple, des dislocations peuvent s’empiler contre une interface jusqu’à ce que la concentration de contrainte permette l’émission de dislocations dans l’autre phase. Cela suppose par contre qu’au niveau d’un domaine de phase, la déformation plastique soit limitée à ce domaine. Ainsi, pour qu’une dislocation, ancrée sur deux interfaces, puisse se déplacer à l’intérieur d’une phase, celle-ci doit être soumise à une contrainte de cisaillement σseuil

égale à :

σseuil =G⋅b

λ (6.6)

où G est le module de cisaillement de la phase considérée, b la longueur du vecteur de Burgers et λ l’espacement eutectique (ou la dimension de la phase). Dans le cas du composite Al2O3 - YAG, λ est voisin de 10 à 15 µm, alors que pour Al2O3 - ErAG, λ est plutôt de l’ordre de 3 à 4 µm.

Pour l’alumine, les observations MET ont montré l’activation du glissement basal (voir paragraphe précédent). On peut ainsi légitimement supposer que la déformation est assurée par le système de glissement basal qui est le système de glissement le plus favorable à cette température [Castillo Rodríguez, 2008]. On considère alors un vecteur de burgers, b, de longueur 0,476 nm (soit r b =1 3 12 10 ). Le module de cisaillement, G, peut être pris, à 1 500°C, à une valeur de 133 GPa [Corman, 1991].

Ainsi, la contrainte nécessaire au déplacement des dislocations, dans la phase alumine, serait proche de 5 MPa pour le système Al2O3 - YAG, et de l’ordre de 20 MPa pour Al2O3 - ErAG (voir tableau 6.6).

Pour la phase grenat, le système de glissement le plus favorable à haute température est 1 1 0

{ }

111 [Blumenthal, 1996]. Le vecteur de Burgers associé à ce système de glissement possède une norme de 1,04 nm ( b r =1 2 111 ). Le module de cisaillement, G, est légèrement plus faible que celui de la phase alumine, à 1 500°C : 107 GPa [Corman, 1993].

Par conséquent, les valeurs de contrainte seuil sont légèrement plus élevées dans la phase LnAG : environ 10 MPa pour le système Al2O3 - YAG, et supérieure à 20 MPa pour Al2O3 - ErAG (voir tableau 6.6). A titre de comparaison, la contrainte de cisaillement critique nécessaire à l’activation du système de glissement basal dans l’alumine à 1 500°C est légèrement inférieure 10 MPa [Castillo Rodríguez, 2008].

Les valeurs de contraintes seuil calculées selon l’équation (6.6) sont plus élevées dans le cas d’une microstructure fine, ce qui concorde avec les résultats de Ramirez-Rico et al., qui considèrent que la diffusion devient prépondérante pour les microstructures les plus fines [Ramirez-Rico, 2006].