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LA CONQUÊTE DES CLIENTS : DES BOUTIQUES AUX CHAÎNES

2.1. La modernisation des transports

La modernisation des transports à partir du milieu du XIXe siècle est en bonne partie liée

aux chemins de fer. Leur développement, tardif mais rapide, permet d’augmenter

significativement la vitesse de déplacement des marchandises comme des personnes318.

2.1.1. La construction du réseau ferroviaire

En 1850, suite à l’ouverture trois ans plus tôt de la ligne Zurich-Baden, les 27 kilomètres de voies ferrées suisses font pâle figure en comparaison internationale. Au même moment, l’Italie en compte 400, l’Autriche-Hongrie 1 500, la France 3 100, l’Allemagne 6 000. Au Royaume-Uni, qui abrite le réseau le plus étendu d’Europe, le

chiffre atteint 10 700 ; il est de 14 500 aux États-Unis319.

Selon Paul Bairoch, le décalage helvétique s’explique par quatre facteurs320. Le premier

est d’ordre géographique : le relief impose des contraintes difficiles à dépasser pour les ingénieurs de l’époque. Le second est démographique : dans un pays exempt de grandes villes de plus de 100 000 habitants, l’impact du nouveau mode de transport est limité. En raison de la dispersion de la population, l’ouverture d’une ligne ne profite qu’à un nombre réduit d’usagers ; cette caractéristique pèse également sur la rentabilité d’une

telle entreprise321. Le troisième, énergétique, est lié à la rareté du charbon en Suisse,

facteur qui joue « à la fois dans l’alimentation des locomotives et dans l’absence de

besoins de transport de ce combustible en vue du ravitaillement des villes »322. Le

317 CHANDLER, La main visible, op. cit., 1988, p. 233 sq. 318 BALTHASAR, Zug um Zug, op. cit., 1993, p. 44.

319 BAIROCH Paul, « Les spécificités des chemins de fer suisses des origines à nos jours », Revue suisse

d’histoire 39 (1), 1989, p. 39.

320 Ibid., pp. 36 -38.

321 TISSOT Laurent, « Les chemins de fer en Suisse au XIXe siècle : état des lieux », Revue d’histoire des

chemins de fer (42 -43), 2012, p. 70.

quatrième est politique : dans le système institutionnel décentralisé de la première

moitié du XIXe siècle, les cantons souverains peinent à trouver des solutions valables à

l’échelle nationale.

Ces différents obstacles commencent à tomber aux alentours du milieu du siècle. La barrière politique, en particulier, est ébranlée par l’avènement de l’État fédéral en 1848. Si les cantons conservent d’importantes prérogatives, les nouvelles autorités prennent des dispositions visant à désenclaver le territoire : elles choisissent une monnaie unique (le franc), établissent un système commun de poids et mesures, suppriment les douanes intérieures, créent une administration postale centralisée et se penchent sur le problème

du sous-développement du rail323.

Certes, sur ce dernier point, l’interventionnisme fédéral est d’abord limité. Le secteur privé est chargé de concevoir et d’exploiter les futures lignes, sous le contrôle des

cantons324. Le jeune État central n’en a pas moins un rôle décisif dans le « démarrage

ferroviaire suisse », comme le souligne Laurent Tissot :

« L’équilibre du pouvoir, même s’il reste très incertain entre les parties prenantes du milieu du XIXe siècle (…), est tel qu’il autorise, sous le nouveau régime constitutionnel, des concessions mutuelles dont le chemin de fer, quoique tardivement, est un des grands bénéficiaires. »325

La situation politique, plus stable, rassure également les investisseurs326. L’argent afflue

pour financer les compagnies ferroviaires qui voient le jour au début de la décennie 1850. Leurs choix en matière de tracés sont un enjeu majeur pour les milieux économiques et les autorités locales, qui font pression pour que leurs régions respectives soient desservies.

C’est dans ce climat de concurrence territoriale que, dès 1854, des lignes sont ouvertes

entre les principaux centres urbains et industriels327. L’expansion est rapide : en 1860, la

Suisse a déjà rattrapé son retard. Ses 1 100 kilomètres de voies, rapportés à sa superficie

323 BERGIER Jean-François, Histoire économique de la Suisse, Lausanne, Payot, 1984, p. 210.

324 PAQUIER Serge, « Options privée et publique dans le domaine des chemins de fer suisses des années 1850 à l’entre-deux-guerres », Revue suisse d’histoire 56 (1), 2006, pp. 22 -24.

325 TISSOT, « Les chemins de fer en Suisse », art. cit., 2012, p. 74.

326 HUMAIR Cédric, « Industrialisation, chemin de fer et État central. Retard et démarrage du réseau ferroviaire helvétique (1836-1852) », Traverse. Revue d’histoire 15 (1), 2008, p. 25.

et à sa population, la placent au troisième rang du continent, derrière la Belgique et le

Royaume-Uni328.

À partir des années 1870, le réseau s’étend sous la supervision croissante de la Confédération. Les ramifications se multiplient pour toucher les petites localités. Le tunnel du Gothard, mis en service en 1882, permet d’atteindre le Tessin. Au sein des villes, le tramway connaît un essor rapide après 1890. C’est ainsi qu’à l’aube du

XXe siècle, au moment de la nationalisation partielle du secteur, 4 000 kilomètres de

chemins de fer couvrent l’essentiel du pays (Figure 1)329. Il reste à déterminer comment

ces infrastructures, au fur et à mesure de leur déploiement, peuvent être mises à profit par les commerçants.

Figure 1. L’extension du réseau ferroviaire suisse (1860-1914)

Source. WALTER François, Histoire de la Suisse, tome 4. La création de la Suisse moderne

(1830-1930), Neuchâtel, Alphil-Presses universitaires suisses, 2010, p. 89.

328 BAIROCH, « Les spécificités des chemins de fer suisses », art. cit., 1989, pp. 38 -39, 41. 329 Ibid., pp. 39, 41. BALTHASAR, Zug um Zug, op. cit., 1993, pp. 42, 53. FRITZSCHE et al., Historischer

Strukturatlas der Schweiz, op. cit., 2001, p. 67. RESEARCH CENTER FOR SOCIAL AND ECONOMIC HISTORY, « N.4. Voies normales, voies étroites, voies à crémaillère, funiculaires et tramways : nombre d’entreprises de chemins de fer, longueurs réelles des lignes et sections électrifiées, de 1844 à 1945 », in: Historical

Statistics of Switzerland Online, 2008. En ligne: <http://www.fsw.uzh.ch/histstat/main.php>, consulté le

15.12.2016. WALTER François, Histoire de la Suisse, tome 4. La création de la Suisse moderne

2.1.2. L’usage des chemins de fer

Tous les détaillants ne voient pas d’un bon œil l’arrivée des chemins de fer, loin de là. Nombreux sont ceux qui, au même titre que les producteurs qui visent un marché de proximité, craignent l’irruption sur leur territoire d’entreprises auparavant trop

éloignées pour les menacer330. Car le nouveau mode de transport améliore

considérablement la circulation des biens grâce à sa rapidité et à sa capacité de

chargement sans précédent, ainsi qu’à des tarifs abordables331. Au fil de son

développement, il démultiplie les chances de succès de projets analogues à celui du Konsumverein, qui étaient encore voués à l’échec vers 1850 : approvisionner des points de vente sur de vastes espaces devient plus facile.

Malheureusement, le degré d’utilisation du train par ces commerçants désireux de

s’étendre n’est guère mesurable. Les données, parcellaires avant 1913332, ne permettent

pas de reconstituer précisément l’évolution du trafic de marchandises, encore moins d’isoler la part de la distribution de celle d’autres secteurs économiques. On sait cependant que les tonnages augmentent au cours du temps, malgré des reculs ponctuels comme celui provoqué par la grande dépression de 1875 (Graphique 1).

Certes, ces estimations semblent basses, en regard de celles qui portent sur les autres pays industrialisés. En 1875, par exemple, la densité du trafic en Suisse représente moins de 25 000 tonnes-kilomètres, contre respectivement 265 000 et 420 000 en

Allemagne et en France333. Il ne faut pourtant pas en déduire une sous-exploitation du

réseau helvétique. La faiblesse des volumes est due à la prédominance des industries légères : les montres et le textile « pèsent » peu, dans les wagons comme dans les

statistiques334.

330 HUMAIR, « Industrialisation, chemin de fer et État central », art. cit., 2008, p. 19.

331 BALTHASAR, Zug um Zug, op. cit., 1993, pp. 25, 44. DUC Gérard, Les tarifs marchandises des chemins

de fer suisses (1850-1913). Stratégies des compagnies ferroviaires, nécessités de l’économie nationale et évolution du rôle régulateur de l’État, Bern, Peter Lang, 2010, p. 28.

332 BAIROCH, « Les spécificités des chemins de fer suisses », art. cit., 1989, p. 48. 333 DUC, Les tarifs marchandises, op. cit., 2010, pp. 187 -188.

Graphique 1. Le trafic de marchandises des chemins de fer (1868-1910)

Source. RESEARCH CENTER FOR SOCIAL AND ECONOMIC HISTORY, « N.7. Tous les chemins de fer (1868-1947) », in : Historical Statistics of Switzerland Online, 2008. En ligne : <http://www.fsw.uzh.ch/histstat/main.php>, consulté le 15.02.2016.

Les chemins de fer n’affectent pas seulement le commerce de détail en matière de fret. Ils ouvrent également des opportunités dans le domaine de la conquête des clients : ceux-ci, tout comme les marchandises, se déplacent plus aisément et ont donc potentiellement accès à plus de commerces. Certains entrepreneurs situés dans des quartiers bien desservis saisissent cette occasion, et parviennent à étendre leur zone de chalandise en attirant davantage d’habitants de leur localité et des alentours.

Le succès du tramway est révélateur de la mobilité croissante en milieu urbain. Entre 1890 et 1910, le nombre de passagers est multiplié par quinze, pour atteindre

123 millions335. L’usage du train est également très répandu (Graphique 2), même si cet

indicateur est grossier : son niveau élevé s’explique notamment par l’essor du

tourisme336. De plus, il ne permet pas de distinguer les courts trajets, liés aux courses et

aux autres activités de la vie quotidienne, des longs déplacements. On retiendra tout de même que la Suisse devance la plupart des pays européens en ce qui concerne le trafic

335 FRITZSCHE et al., Historischer Strukturatlas der Schweiz, op. cit., 2001, p. 67. 336 TISSOT, « Les chemins de fer en Suisse », art. cit., 2012, p. 75.

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 1868 1870 1872 1874 1876 1878 1880 1882 1884 1886 1888 1890 1892 1894 1896 1898 1900 1902 1904 1906 1908 1910 Tonnes (en m ill ions ) Marchandises transportées

des voyageurs à partir de la fin du XIXe siècle – elle acquerra même la première place

mondiale dans les années 1920337.

Graphique 2. Le trafic de voyageurs des chemins de fer (1880-1910)

Source. RESEARCH CENTER FOR SOCIAL AND ECONOMIC HISTORY, « N.5. Voies normales et voies étroites (1870-1947) », in : Historical Statistics of Switzerland Online, 2008. En ligne: <http://www.fsw.uzh.ch/histstat/main.php>, consulté le 12.02.2016.

Mais l’accélération des flux de personnes et de marchandises n’est pas uniquement liée aux chemins de fer. Elle repose aussi sur d’autres infrastructures et services : les historiens insistent depuis une dizaine d’années sur la nécessité d’adopter une approche

multimodale pour comprendre les évolutions de la mobilité338, que ce soit dans le

contexte suisse339 ou à l’étranger340. Le rail, la route, et dans une moindre mesure la

337 BAIROCH, « Les spécificités des chemins de fer suisses », art. cit., 1989, pp. 50, 56.

338 DUC Gérard, PERROUX Olivier et SCHIEDT Hans-Ulrich, « Introduction et présentation de l’ouvrage. Les multiples problématiques de la coordination de la mobilité », in: DUC Gérard, PERROUX Olivier, SCHIEDT Hans-Ulrich et al. (éds), Histoire des transports et de la mobilité. Entre concurrence modale et

coordination (de 1918 à nos jours), Neuchâtel, Alphil-Presses universitaires suisses, 2014 (Histoire des

transports, du tourisme et du voyage), pp. 10 -11.

339 PFISTER Christian, SCHIEDT Hans-Ulrich et MERKI Christoph M. (éds), Revue suisse d’histoire.

Numéro thématique « Histoire des transports » 56 (1), 2006. HUMAIR Cédric, MAZBOURI Malik, SCHIEDT

Hans-Ulrich et al. (éds), Traverse. Revue d’histoire. Numéro thématique « Transport et développement

économique » 15 (1), 2008. SCHIEDT Hans-Ulrich, TISSOT Laurent, MERKI Christoph M. et al. (éds),

Histoire des transports, Zürich, Chronos, 2010 (Société suisse d’histoire économique et sociale 25).

0 20 40 60 80 100 120 140 1880 1881 1882 1883 1884 1885 1886 1887 1888 1889 1890 1891 1892 1893 1894 1895 1896 1897 1898 1899 1900 1901 1902 1903 1904 1905 1906 1907 1908 1909 1910 V oy ageur s (en m ill ions ) Tramways Trains

navigation, se complètent et parfois se concurrencent au sein d’un véritable système de transport.

2.1.3. Le système de transport et l’accélération de la mobilité

La construction des chemins de fer influe sur les autres modes de transport. Pour le fret,

l’importance de la navigation diminue341. Il en va autrement sur les routes. Si le recours

aux chars attelés chute le long des voies, il augmente ailleurs, au sein des villes comme à la campagne, en raison de la croissance du volume des échanges provoquée par le train : les marchandises doivent être acheminées du lieu de départ à la gare, puis de la

gare jusqu’à la destination finale342.

L’offre pour les personnes, déjà conséquente durant la première moitié du XIXe siècle,

s’étoffe également. Après la reprise des postes par la Confédération en 1849, le service fédéral de diligences ouvre régulièrement des lignes supplémentaires. Le nombre

d’usagers passe de 500 000 à près d’1,9 million à son apogée en 1911343. Cette hausse

de la fréquentation est en partie due aux villes qui, contrairement à Zurich, Bâle ou Genève, ne disposent pas d’un réseau ferré très fourni. Elle s’observe aussi dans les régions rurales : en Suisse romande, le trafic est intense dans le Jura et à proximité

d’Yverdon, de Nyon et de Bulle344.

Les routes s’ouvrent aussi aux bicyclettes. À partir des années 1890, ces véhicules d’un nouveau genre se démocratisent. Devenus pratiques et fiables, après des décennies 340 Les recueils de l’association Transport, Traffic and Mobility, fondée en 2003, offrent un excellent état de la recherche : MOM Gijs, PIRIE Gordon et TISSOT Laurent (éds), Mobility in History. The State of the

Art in the History of Transport, Traffic and Mobility, Neuchâtel, Alphil-Presses universitaires suisses,

2009 (Histoire des transports, du tourisme et du voyage) ; MOM Gijs, NORTON Peter, CLARSEN Georgine

et al. (éds), Mobility in History. Themes in Transport, Neuchâtel, Alphil-Presses universitaires suisses,

2011 (Histoire des transports, du tourisme et du voyage) ; NORTON Peter, MOM Gijs, MILLWARD Liz et

al. (éds), Mobility in History. Reviews and Reflections, Neuchâtel, Alphil-Presses universitaires suisses,

2011 (Histoire des transports, du tourisme et du voyage). Cf. également FLONNEAU Mathieu et GUIGUENO

Vincent (éds), De l’histoire des transports à l’histoire de la mobilité ? État des lieux, enjeux et

perspectives de recherche, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009.

341 SCHIEDT Hans-Ulrich, « Binnenseen als Verkehrsräume im Zeitraum zwischen dem 18. und dem 20. Jahrhundert », Siedlungsforschung. Archäologie – Geschichte – Geographie (27), 2009, pp. 168 -169. 342 SCHIVELBUSCH Wolfgang, Histoire des voyages en train, 1e éd. allemande 1977, Paris, Le Promeneur, 1990, pp. 183 -184. VON CRANACH Philipp, « Transports », in: DHS, 25.02.2014. En ligne: <http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F13898.php>, consulté le 19.09.2014.

343 FREY Thomas, « Eine funktionale Bestandsaufnahme der Pferdepost, 1850-1920 », Traverse. Revue

d’histoire 6 (2), 1999, pp. 91 -94.

d’expérimentations techniques, ils constituent une alternative aux transports publics345. Sur les lacs, nombreux sont les voyageurs qui empruntent le bateau, même si le succès de la navigation est moins lié aux besoins de la population résidente qu’aux

déplacements des touristes346.

C’est donc en corrélation avec la circulation routière et lacustre que les chemins de fer déploient leurs effets. Quel est l’impact de ce système et de son évolution sur la mobilité ? Thomas Frey propose des éléments de réponse, en se concentrant sur les transports publics de voyageurs (tramways exceptés) entre 1850 et 1910. Cet auteur se base sur trois échantillons de communes, dont il analyse les liaisons : les villes de plus de 10 000 habitants, les chefs-lieux des cantons, et les soixante-trois localités qui se trouvent dans un rayon de cinquante kilomètres autour de Zurich.

L’étude révèle que pour aller d’une localité donnée vers toutes les autres de sa catégorie, les temps de parcours sont en moyenne divisés par cinq sur l’ensemble de la période, et ce tant pour les trajets interurbains (échantillons 1 et 2) que régionaux (échantillon 3). Ces durées, mises en relation avec les distances, donnent les vitesses moyennes maximales à laquelle les passagers se déplacent. Celles-ci atteignent des sommets entre les villes et entre les chefs-lieux, qui bénéficient des lignes ferroviaires les plus performantes (Tableau 1). Elles sont plus basses aux alentours de Zurich. L’accélération n’y est pas moins spectaculaire, avec à peine 6 km/h au milieu du

XIXe siècle et plus de 28 km/h soixante ans plus tard. Elle serait encore supérieure si les

tramways avaient été pris en compte347.

Tableau 1. L’accélération de la vitesse moyenne de déplacement (en km/h, 1850-1910)

Localités (échantillons) 1850 1870 1888 1910

Villes 8,1 20,2 29,3 42,1

Chefs-lieux 7,9 20,4 28,7 40,3

Région de Zurich 5,7 15,2 20,1 28,1

Source. FREY Thomas, « Die Beschleunigung des Schweizer Verkehrssystems 1850-1910 », Revue

suisse d’histoire 56 (1), 2006, p. 41.

345 CORTAT Alain, Condor. Cycles, motocycles et construction mécanique 1890-1980. Innovation,

diversification et profits, Delémont, Alphil, 1998 (Histoire, économie et société), pp. 65 -68. 346 SCHIEDT, « Binnenseen als Verkehrsräume », art. cit., 2009, p. 168.

347 FREY Thomas, « Die Beschleunigung des Schweizer Verkehrssystems 1850-1910 », Revue suisse

L’amélioration de la mobilité « régionale » des personnes, mise en évidence par le cas zurichois, touche les détaillants à double titre. Premièrement, on l’a vu, certains en profitent pour attirer des clients de plus en plus éloignés de leur point de vente. Deuxièmement – cet impact est indirect –, les communes aux réseaux de transport

développés gagnent en puissance d’attraction348 : les villes s’agrandissent et se

multiplient, concentrant dans un même espace une population nombreuse qui consomme et est donc susceptible d’être conquise.

De fait, ce phénomène d’urbanisation, limité avant le milieu du XIXe siècle par rapport

aux autres pays industrialisés, se renforce durant les décennies suivantes. Il est particulièrement marqué entre 1888 et 1910, année qui voit un quart des Suisses vivre dans une ville de plus de 10 000 personnes – ils étaient seulement 6 % en 1850. C’est aussi à ce moment que Zurich, Bâle et Genève franchissent le seuil de 100 000

habitants349.