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LA CONQUÊTE DES CLIENTS : DES BOUTIQUES AUX CHAÎNES

2.2. Le développement des communications

Tout comme les personnes et les marchandises, les informations circulent mieux dès le

milieu du XIXe siècle. Ce phénomène est d’abord porté par la poste fédérale, en charge

du courrier dans toute la Suisse350. L’institution se révèle plus efficace que les

nombreuses entités autonomes auxquelles elle s’est substituée. Mieux organisée, elle bénéficie également de l’amélioration des transports. Elle parvient ainsi à diminuer les tarifs et à accélérer la distribution des envois, tout en se rendant plus accessible : les

bureaux postaux, au nombre de 1 500 en 1850, sont presque 4 000 en 1910351.

Les services proposés rencontrent un succès considérable auprès de la population et des entreprises. Les détaillants les utilisent pour se faire connaître auprès du public et pour vanter leur assortiment : leurs prospectus et catalogues, parfois accompagnés d’échantillons, contribuent à la hausse de l’expédition d’imprimés à l’intérieur du pays (Graphique 3). Ils incitent parfois les clients à acheter par correspondance, surtout à

partir de la fin du XIXe siècle, lorsque le volume des colis acheminés augmente de

348 WALTER, La Suisse urbaine. 1750-1950, op. cit., 1994, p. 205 sq. BALTHASAR, Zug um Zug, op. cit., 1993, pp. 40 -43.

349 WALTER, La Suisse urbaine. 1750-1950, op. cit., 1994, pp. 36 -37. 350 BONJOUR, Histoire des postes suisses, vol. 1, op. cit., 1949, p. 19.

manière significative. La transaction, le cas échéant, s’effectue aussi par l’intermédiaire de la poste. Le destinataire des articles remet la somme due au facteur ou au guichet. En

1906, l’introduction des chèques postaux permet de payer sans numéraire352.

Graphique 3. Le courrier postal (trafic interne, 1850-1910)

N.B. Le trafic interne, soit le courrier circulant exclusivement en Suisse, correspond relativement bien à l’usage que les détaillants ont de la poste. Ceux-ci, en effet, s’adressent pour la plupart à des clients et à des partenaires situés dans le pays. Seules les correspondances avec les fournisseurs étrangers auraient justifié de considérer le trafic total.

Sources. RESEARCH CENTER FOR SOCIAL AND ECONOMIC HISTORY, « N.21a. Trafic de la poste aux lettres (1850-1901) », « N.22. Trafic de la poste aux lettres (1901-1986) », « N.23. Trafic des colis postaux (1901-1986) », in: Historical Statistics of Switzerland Online, 2008. En ligne : <http://www.fsw.uzh.ch/histstat/main.php>, consulté le 15.12.2016. 352 Ibid., pp. 30 -31. 0 20 40 60 80 100 120 140 1850 1852 1854 1856 1858 1860 1862 1864 1866 1868 1870 1872 1874 1876 1878 1880 1882 1884 1886 1888 1890 1892 1894 1896 1898 1900 1902 1904 1906 1908 1910 P ièc es (en m ill ions )

Les détaillants recourent également aux lettres, dont le trafic explose, pour communiquer avec leurs fournisseurs et autres partenaires. Mais les jours qui s’écoulent entre l’envoi d’un message et la réception d’une réponse compliquent toujours la gestion des affaires sur de vastes espaces. C’est pourquoi les milieux économiques s’intéressent de près à la télégraphie électrique qui, après son apparition en Angleterre

en 1843 et aux États-Unis en 1844, se diffuse chez les voisins de la Suisse353. Inquiets

de voir leur pays prendre du retard sur le reste du monde industrialisé, ils attirent l’attention des autorités politiques sur cette invention capable de transmettre des

informations « d’un endroit à l’autre à la vitesse de l’éclair, sans égard à la distance »354.

Le Parlement fédéral finit par se saisir de la question : en décembre 1851, il soumet le

télégraphe à un monopole d’État, à la manière de la poste355. Pendant l’été 1852, les

premières lignes sont inaugurées. D’autres entrent en fonction par la suite : en 1870 déjà, 5 000 kilomètres de câbles couvrent la majeure partie du territoire. En 1900,

pratiquement chaque localité est raccordée356.

Les bureaux, qui se multiplient à mesure que le réseau se ramifie, jouissent d’une fréquentation importante après 1865. Le nombre de dépêches passe de six cent mille à trois millions dix ans plus tard. L’essor est principalement lié aux communications intérieures. Après une brève interruption, il reprend durant les années 1880, mais c’est désormais l’étranger qui en est la cause. Les messages nationaux se stabilisent à moins de deux millions d’unités par an, en raison des progrès continus du courrier postal et de

la concurrence croissante du téléphone357 (Graphique 4).

353 BALBI Gabriele, CALVO Spartaco, FARI Simone et al., « La voie suisse aux télécommunications. Politique, économie, technologie et société (1850-1915) », Revue suisse d’histoire 61 (4), 2011, pp. 436 -437. MESSERLI Jakob, Gleichmässig - pünktlich - schnell. Zeiteinteilung und Zeitgebrauch in

der Schweiz im 19. Jahrhundert, Zürich, Chronos, 1995, p. 70.

354 Directoire commercial de Saint-Gall, Lettre au Haut Conseil fédéral suisse, 22.4.1851, citée par SCHIESS Walter (éd.), Un siècle de télécommunications en Suisse, 1852-1952. Tome 1, Berne, Direction générale des PTT, 1952, p. 118.

355 BALBI et al., « La voie suisse aux télécommunications », art. cit., 2011, p. 437.

356 MESSERLI, Gleichmässig - pünktlich - schnell, op. cit., 1995, p. 74. GIACOMETTI Enrico, Die

Einführung des Telegraphen in der Schweiz. Mit besonderer Berücksichtigung von Graubünden, Chur,

Desertina, 2006 (Graubünden books), p. 42.

Graphique 4. Les télécommunications (1852-1910)

Sources. RESEARCH CENTER FOR SOCIAL AND ECONOMIC HISTORY, « N.21b. Trafic télégraphique (1852-1901) », « N.25. Trafic télégraphique (1901-1986) », « N.26. Trafic téléphonique (1881-1986) », in :

Historical Statistics of Switzerland Online, 2008. En ligne : <http://www.fsw.uzh.ch/histstat/main.php>, consulté le 15.12.2016.

Au cours des décennies suivant son introduction, la nouvelle technologie est presque exclusivement utilisée par des entreprises : elle leur permet de communiquer avec leurs partenaires suisses – les appels internationaux sont rares – de manière plus directe et fluide que par télégrammes. Cet usage professionnel est particulièrement répandu en

milieu urbain, dans le secteur tertiaire358. C’est en effet dans les villes que la

construction des lignes commence, sous la supervision de la Confédération. Testé en

358 STADELMANN Kurt et HENGARTNER Thomas, Le téléphone à l’écoute de son temps, Berne, Musée des PTT, 1994 (Cahiers du Musée des PTT suisses), p. 30.

0 10 20 30 40 50 60 1852 1854 1856 1858 1860 1862 1864 1866 1868 1870 1872 1874 1876 1878 1880 1882 1884 1886 1888 1890 1892 1894 1896 1898 1900 1902 1904 1906 1908 1910 C om m uni cat ions (en m ill ions )

Suisse fin 1877, une année après que Graham Bell l’a fait breveter aux États-Unis, le téléphone est en fonction à Zurich en 1880, à Bâle et à Berne en 1881, à Genève l’année

suivante359. Dix ans plus tard, les différents réseaux locaux, au nombre d’une centaine,

sont raccordés les uns aux autres. Seul le Tessin reste à l’écart jusqu’en 1900360. La

demande privée, quant à elle, ne décollera réellement que vers 1920361.

3. L’

EXPANSION DU COMMERCE PERMANENT

(1860-

DÉBUT