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2.6 Conclusion

3.1.1 Du mode A au mode T : le pilotage des réacteurs nucléaires en France

en France

3.1.1.1

Le mode A

Le mode A est le mode historique de pilotage. C’est également le plus simple. Il est utilisé en France sur les paliers CP0 de 900MW et N4. Dans le mode A, les barres de contrôle sont asservies à la régulation de la température moyenne. Le bore soluble est géré manuellement.

Deux effets s’opposent lors d’une baisse de puissance. D’une part l’insertion des barres de contrôle fait diminuer la température moyenne et l’axial offset de puissance. D’autre part l’évolution du profil axial de la température tend à redistribuer le flux vers le haut du cœur[26]. L’objectif est donc d’équilibrer ces effets en jouant sur la concentration en bore de manière à conserver l’axial offset constante. Lors d’une baisse de charge, les barres s’insèrent pour faire diminuer la température moyenne. L’opérateur affronte alors l’apparition d’un pic xénon. Ce pic doit être compensé par une dilution du bore afin de ne pas trop perturber l’axial offset en faisant bouger les barres.

Lors de la reprise de charge, une dilution est également nécessaire pour compenser la borication de la baisse de charge. La constante du temps de la variation de concentration en bore étant importante, on comprend que le mode A ne permet d’effectuer que des transitoires lents. En particulier, il n’est pas possible de remonter rapidement à la puissance nominale tout en maintenant un contrôle de l’AO et de la température moyenne. Les pentes pour ce mode de pilotage sont de l’ordre de 1 à 2 % PN par minute [26]. Par ailleurs, la capacité à réaliser des transitoires de puissance est très impactée en fin de cycle du fait de la perte d’efficacité croissante de la dilution sur le contrôle de la réactivité.

3.1.1.2

Le mode G

L’objectif du mode G est de permettre d’atteindre des pentes de variation de puissance bien plus importantes que sur le mode A (jusqu’à 5%PN/min). C’est le mode de pilotage utilisé sur les REP du palier 1300 MW et les réacteurs CP1 et CP2 de 900 MW.

Dans ce mode de pilotage, les barres sont séparées en deux groupes : — le Groupe de Compensation de Puissance (GCP),

Le Groupe de Compensation de Puissance Le GCP a pour but de compenser le défaut de puissance, c’est-à dire l’antiréactivité due à la variation de puissance. Le GCP est composé de 4 groupes de grappes (G1, G2, N1 et N2) qui se déplacent à recouvrement constant. Leur déplacement est calibré afin de compenser au plus près le défaut de puissance. Il est asservi en boucle ouverte à la puissance électrique appelée à la turbine. Ainsi, si le calibrage est parfait, la température moyenne dans le cœur devrait constamment être égale à la consigne (en l’absence d’empoisonnement xénon) sans aucune autre action de l’opérateur.

Figure 3.1 – Principe du déplacement des GCP. (Figure issue de [54].)

Les GCP se déplacent à recouvrements (ou overlaps) constants. Le principe est illustré sur la figure 3.1. La position du GCP est définie par un totalisateur, qui vaut 0 lorsque les barres sont totalement extraites. Le premier groupe de barres, G1, commence à s’insérer seul. Durant cette phase, un pas du totalisateur correspond à un déplacement d’un pas du groupe G1. Lorsque G1 atteint une certaine côte, le groupe G2 commence à s’insérer avec G1. Le recouvrement est défini comme étant le nombre de pas restants à la barre G1. Durant cette phase, un pas du totalisateur correspond alors à un pas de G1 et un pas de G2. Lorsque le groupe G2 atteint son recouvrement avec le groupe N1, le groupe N1 commence également à s’insérer. Lorsqu’un groupe atteint son insertion maximale, il s’arrête. La figure 3.2 donne la position de chaque groupe du GCP en fonction du totalisateur. On conçoit ainsi que l’efficacité du GCP en fonction du totalisateur dépend des recouvrements, et donc que la consigne d’insertion pour un niveau de puissance électrique donné est fonction des recouvrements.

Figure 3.2 – Position des groupes du GCP en pas insérés dans le cœur en fonction du totalisateur. La consigne de déplacement du GCP est établie à partir de la courbe de calibrage G3. Elle donne la position du GCP permettant de compenser le défaut de puissance pour une valeur de la puissance électrique. Cette courbe doit être mise à jour tous les 60 JEPP (jours équivalents pleine puissance) par des mesures sur site, afin de prendre en compte l’épuisement du combustible. La figure 3.3 donne un exemple de courbe de calibrage, avec les valeurs standard de recouvrements.

L’essai physique permettant l’actualisation de la courbe de calibrage du GCP est appelé EP-RGL4. L’essai consiste à faire une baisse de charge de 100%PN à 50%PN à vitesse constante (3%PN/min). La position du GRT et la concentration en bore sont maintenues constantes. Si le groupe G3 était bien calibré, l’insertion du GCP devrait compenser parfaitement le défaut de puissance et la température moyenne devrait être égale à la température de référence (en soustrayant l’effet du xénon).

En réalité il existe un décalibrage. On peut faire un bilan de réactivité dans le cœur [31] pendant la baisse de puissance :

∆ρ(t) = αiso(t) [(Tmoy(t)− Tref(t))− (Tmoy(0)− Tref(0))] + ∆ρXe(t) + ∆ρcalibrage(t) (3.1)

avec :

— ∆ρ(t) la réactivité globale à chaque instant, déduite des équations de la cinétique de Nordheim ; — ∆ρXe(t) la réactivité due à l’effet xénon ;

— ∆ρcalibrage(t) la réactivité due au défaut de calibrage du GCP ;

— Tmoy(t)− Tref(t) l’écart entre la température moyenne courante et la température de consigne à l’instant

t ;

— αiso(t) le coefficient température du modérateur.

La réactivité globale est déduite des équations de la cinétique, le coefficient température est estimé à partir de données théoriques, ainsi que l’effet du xénon. On peut alors, à partir de l’écart en température, calculer l’écart de réactivité dû au décalibrage et déduire la correction à apporter au totalisateur :

N (T ) = ∆ρcalibrage(t(T ))

ED(T ) (3.2)

oùED(T ) désigne l’efficacité différentielle du GCP au totalisateur T , et t(T ) désigne l’instant où le totalisateur du GCP vautT . N (T ) est ainsi le nombre de pas à ajouter à la courbe G3 pour le calibrage T .

Ces positions corrigées sont reliées à des valeurs de puissance thermique à partir du programme de tempé- ratures. La courbe est enfin légèrement décalibrée de manière à éviter une éventuelle surinsertion puisque la variation de position va entraîner une petite variation de puissance. Enfin, la courbe est convertie en puissance électrique à partir de la courbe de rendement de la tranche dans ses conditions d’exploitation. Enfin, la courbe est prolongée par le calcul pour les puissances inférieures à 50%PN.

Figure 3.3 – Courbe G3 du calibrage du GCP, pour différents niveaux d’épuisement du combustible.

Le Groupe de Régulation de Température et le bore soluble Le GRT, comme son nom l’indique, permet de réguler la température moyenne, qui n’est pas dans la pratique égale à la consigne grâce au seul déplacement du GCP, à cause des écarts entre le calibrage et la réalité. La Fig. 3.4 donne la consigne de déplacement du GRT en fonction de l’écart de température. La vitesse du GRT est fonction de l’écart en température, de façon à ramener la température dans une bande morte de±0.8◦C. En cas de température trop

élevée, le GRT s’insère, et inversement. La vitesse de déplacement est au minimum de 8 pas par minute, et au maximum de 72 pas par minute. Ainsi, le déplacement du GRT permet un asservissement en boucle fermée de la température, complétant l’asservissement en boucle ouverte du GCP. Le GRT fonctionne dans une bande de manœuvre limitée située dans le haut du cœur. Ainsi, lorsqu’il atteint la limite haute ou basse de cette bande de manœuvre, il n’est plus suffisant pour gérer la température et l’opérateur doit utiliser le bore soluble. Le milieu de la bande de manœuvre se décale au fur et à mesure de l’avancée dans le cycle d’exploitation afin de garantir que l’efficacité différentielle du GRT est toujours de 2.5 pcm/pas en haut de la bande de manœuvre.

ΔT (°C) Vitesse (pas/min) 8 - 8 0,8 - 0,8 1,7 - 1,7 2,8 - 2,8 - 72 72

Retrait

Insertion

Figure 3.4 – Programme de déplacement du GRT (∆T = Tref− T ). (Figure issue de [54].)

La gestion de la concentration en bore est manuelle. Le bore est utilisé par l’opérateur pour maintenir le GRT dans sa bande de manœuvre (notamment en cas de variation importante de xénon), et pour contrôler l’axial offset indirectement. Supposons que l’axial offset soit trop faible : l’opérateur va effectuer une borication afin de diminuer la température dans le cœur, ce qui va entraîner une remontée du GRT et donc une augmentation de l’axial offset. Dans cette stratégie de contrôle de l’axial offset, seuls le bore soluble et le GRT sont utilisés, le GCP reste fixe, si bien qu’on dispose à tout moment de la réserve de réactivité nécessaire au retour à puissance nominale.

Le mode G, contrairement au mode A, impose d’avoir des barres très insérées dans le cœur pendant de longues périodes. Ces longues périodes d’insertion posent des questions de sûreté notamment par rapport au risque IPG pour les fonctionnements prolongés à faible puissance. Cette particularité du mode G permet cependant un retour instantané à puissance maximale à tout moment grâce à la réserve de réactivité que constitue le GCP. Au cours du transitoire, l’opérateur est autorisé par les STE à sortir temporairement de la bande de manœuvre du GRT ou à extraire les GCP par rapport à la courbe G3, ce qui donne une petite marge de manœuvre à l’opérateur face à des situations plus difficiles à gérer, notamment en fin de cycle lorsque les opérations de dilution et de borication sont très lentes.

3.1.1.3

Le mode T

Le mode T est le mode automatique conçu pour l’EPR. Il permet un suivi de charge optimisé pour réduire le volume d’effluents tout en augmentant la manœuvrabilité du réacteur. D’autres modes automatiques existent, comme le mode X du palier N4, qui permet un contrôle automatique de l’axial offset. Cependant, les 4 centrales du palier N4 sont pilotées en mode A à cause du risque IPG lié à la présence d’un groupe fortement inséré dans le mode X. On se contentera ici de présenter le mode T [58].

Le mode T se fixe pour objectif de contrôler à la fois la température moyenne, l’axial offset, et la capacité de retour en puissancePmax. Les barres de contrôle et le bore sont gérés de manière automatique.

Les cinq sous-groupes de grappes, P1 à P5, sont répartis en deux groupes : — Pbank est asservi à la régulation de la température moyenne,

— Hbank est asservi au contrôle de l’axial offset.

La répartition des sous-groupes dans ces deux groupes dépend du niveau de puissance. À haute puissance, P1 est suffisant pour réguler la température, puis progressivement quand la puissance descend P2 passe dans

Pbank, et ainsi de suite. Les barres du groupePbank sont assez insérées dans le cœur. Même à 100% PN, P1 est

un peu plus inséré que les autres groupes.

Les barres du groupe Hbank restent proches du haut du cœur afin d’avoir un impact maximal sur l’axial

offset. Le réglage de l’axial offset se fait par mouvements compensés de Pbank et Hbank. On utilise d’abord

les barres de Hbank pour régler l’axial offset parce qu’elles ont un effet très important sur la distribution du

flux, puis on compense l’insertion/extraction de réactivité par un mouvement contraire dePbank, qui ne va pas

beaucoup modifier la distribution de puissance étant donné que les barres sont très insérées.

Le bore sert à contrôler Pmax. En effet, avec les deux mécanismes présentés au-dessus, rien n’assure que

l’extraction des barres puisse permettre de ramener le cœur à sa puissance nominale. Comme sur le mode G, une courbe de calibrage donnant la position de Pbank permettant d’assurer la compensation du défaut de

puissance est générée. Le bore est utilisé pour réguler la position dePbank autour de cette consigne. L’avantage

par rapport au mode G est que la valeur de Pmax est réglable. Ainsi, si l’opérateur sait qu’il va effectuer un

transitoire et qu’il n’aura pas besoin de remonter à 100% PN, il peut décider de sacrifier laPmax de façon à

réduire le volume d’effluents. C’est alorsPbank qui va compenser l’empoisonnement xénon.