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Mod´elisation de la r´etine

2.2.1 Introduction

Les connaissances en physiologie sur la r´etine ont fourni les fondements pour

mod´eliser son fonctionnement. Parmi les ´etudes sur la mod´elisation du traitement

r´etinien, nous pouvons citer les travaux effectu´es par Mead et son ´equipe [Mead and

Mahowald, 1988; Mead, 1989; Mahowald and Mead, 1991] aux Etats-Unis `a la fin des

ann´ees 1980. Dans ces travaux, le fonctionnement de la r´etine est mod´elis´e par un

circuit ´electrique avec des composants passifs (r´esistance, capacit´e). D’une part, le

mod`ele de Mead a ´et´e le pr´ecurseur de nombreux travaux sur les r´etines artificielles

impl´ementables sur silicium par des circuits VLSI (“Very-large-scale integration”).

D’autre part, cela a montr´e tout l’avantage de formaliser les traitements r´etiniens

en utilisant les outils du traitement du signal. Ce mod`ele a inspir´e plusieurs autres

parmi lesquels figure celui de Beaudot [Beaudot et al., 1993; Beaudot, 1994; H´erault,

2001]. Dans son travail, Beaudot a mod´elis´e en d´etails la r´etine selon sa structure en

couches. Le fonctionnement des cellules essentielles de la r´etine a ´et´e mod´elis´e par

des filtrages spatio-temporels `a l’aide de la transform´ee de Fourier pour la dimension

temporelle continue et de la transform´ee en Z pour la dimension spatiale discr`ete dˆu

`a l’´echantillonnage des photor´ecepteurs. L’avantage de ce mod`ele est de fournir pour

la premi`ere fois une mod´elisation fonctionnelle assez compl`ete de la r´etine. Dans ses

premiers travaux, seule la voie luminance a ´et´e mod´elis´ee. Ce mod`ele est compl´et´e

avec les travaux de David Alleysson sur les voies chromatiques [Alleysson, 1999].

Dans ce chapitre, nous reprenons le mod`ele r´etinien propos´e par Beaudot. Dans

un premier temps, puisque nous nous int´eressons uniquement aux sc`enes statiques,

nous nous focalisons uniquement sur la mod´elisation du filtrage spatial r´ealis´e par

la r´etine. N´eanmoins, dans un deuxi`eme temps (cf. chapitre 6) nous utiliserons le

mod`ele complet, spatio-temporel, pour ´etudier la dynamique temporelle des

mou-vements oculaires. Nous avons compl´et´e le mod`ele initial de Beaudot en ajoutant

la mod´elisation de l’´echantillonnage spatialement variant des photor´ecepteurs. Nous

utilisons pour cela un filtrage passe-bas spatialement variant [Curcio et al., 1990;

Goodchild et al., 1996]. A partir des travaux de David Alleysson [Alleysson, 1999],

nous ajoutons ´egalement le traitement des voies chromatiques, mais dans une version

simplifi´ee.

2.2.2 Codage de l’information en luminance et chrominance

Dans notre mod`ele, une image en couleur d´efinie suivant les plans couleur rouge

(R), vert (G) et bleu (B) est d´ecompos´ee en une image de luminance et deux images

de chrominance (Fig. 2.1). La luminance (L), repr´esent´ee dans l’espace de couleur

NTSC pour ˆetre adapt´ee au affichage, est calcul´ee `a partir des trois plans couleur

R,G,B. Pour les voies chromatiques, leur codage dans le syst`eme visuel humain est

simplifi´e en utilisant les oppositions de couleurs avec une voie Rouge - Vert (RG) et

une voie Bleu - Jaune (BY) [Dacey, 1996; Dacey and Packer, 2003; Chatterjee and

Callaway, 2003]. Ce codage est r´esum´e par les ´equations suivantes :

L = 0.2989R+ 0.5870G+ 0.1140B

RG = R−G

BY = B−R+G

2

(2.1)

2.2.3 Filtrage et “traitement r´etinien”

Dans le mod`ele de la r´etine que nous proposons, le filtrage qui est appliqu´e `a

l’information de luminance et de chrominance est diff´erent. En effet, il a ´et´e montr´e

que les fonctions de sensibilit´e au contraste en fonction des fr´equences spatiales

diff`erent pour l’information de luminance et l’information de chrominance :

opposi-tion Rouge-Vert et Bleu-Jaune (Fig. 2.4). Ainsi pour les deux images de chrominance

(a) Chrominance (b) Luminance

Fig. 2.4 – Fonction normalis´ee de sensibilit´e au contraste : (a) pour les voies

chro-matiques [Le Callet, 2001] et (b) pour la luminance [Mannos and Sakrison, 1974].

le “traitement r´etinien” consiste simplement en un filtrage passe-bas dont la

fonc-tion de transfert reproduit les courbes de sensibilit´e au contraste `a la figure 2.4a1. La

fr´equence de coupure de ce filtre pour l’image Rouge - Vert est un peu plus grande

que celle utilis´ee pour filtrer l’image Bleu - Jaune (respectivement 5.5 et 4.1 cycles

par degr´e).

Pour l’image de luminance, le “traitement r´etinien” mod´elis´e est plus complexe.

La courbe de sensibilit´e au contraste (Fig. 2.4b) illustre le comportement fr´equentiel

global de la luminance. Dans notre mod`ele, ce comportement sera obtenu sur les

sor-ties par mod´elisation successive des diff´erentes ´etapes de cellules de la r´etine. Il va

concerner la mod´elisation des deux sorties principales : la sortie correspondant aux

cellules parvocellulaires et la sortie correspondant aux cellules magnocellulaires. La

plus grande majorit´e de la mod´elisation concerne la sortie parvocellulaire. La

sor-tie magnocellulaire correspond `a un simple filtrage passe-bas de l’image d’entr´ee

(proche de la mod´elisation des cellules horizontales). La figure 2.5 sch´ematise les

diff´erentes ´etapes du “traitement r´etinien” r´ealis´e sur l’image de luminance pour

former la sortie parvocellulaire de la r´etine.

Filtrage passe-bas spatialement variant

Comme nous l’avons vu, la densit´e des cˆones sur la r´etine n’est pas uniforme mais

varie en fonction de l’excentricit´e (Fig. 2.3). Ainsi, au centre de la r´etine (fov´ea) le

nombre de cˆones est maximum et ce nombre diminue fortement en p´eriph´erie

[Os-terberg, 1935]. Un ph´enom`ene similaire est observ´e avec la densit´e des cellules

gan-glionnaires alors que le rapport entre les cˆones et les cellules gangan-glionnaires augmente

avec l’excentricit´e [Goodchild et al., 1996]. En cons´equence, la zone de l’image

cor-respondant au point de vue (point de fixation ou l’endroit o`u se porte l’œil) est

trait´ee en haute r´esolution et, plus on s’´eloigne du point de vue, plus la r´esolution

1C’est une approximation car dans cette figure, les courbes de sensibilit´e au contraste ont ´et´e

contruites pour les voies chromatiques qui sont cod´ees de mani`ere diff´erente de notre codage, mais

restent toujours en opposition de couleurs Rouge-Vert et Bleu-Jaune.

Fig. 2.5 – Mod`ele de traitement r´etinien pour la luminance avec la sortie

parvocel-lulaire.

est faible. Nous utilisons un filtre passe-bas spatialement variant afin de mod´eliser

ces observations.

Au niveau des photor´ecepteurs, ce filtrage passe-bas spatialement variant

corres-pond `a un filtrage de type passe-bas dont la fr´equence de coupure diminue au fur et `a

mesure que l’excentricit´e par rapport au point de vue augmente. Ce filtrage peut ˆetre

impl´ement´e de deux mani`eres. Pour la premi`ere, l’image subit une d´ecomposition

pyramidale passe-bas `a partir de laquelle la sortie du filtrage passe-bas

spatiale-ment variant s’obtient en interpolant les diff´erents plans de la pyramide [Geisler and

Perry, 1998; Perry and Geisler, 2002]. Pour la deuxi`eme m´ethode, le filtrage

passe-bas spatialement variant s’effectue par un filtrage r´ecursif dont les param`etres sont

variables avec l’excentricit´e. C’est cette impl´ementation que nous avons choisie. Une

explication d´etaill´ee sera donn´ee au chapitre 5. Le traitement `a ce niveau-l`a peut

ˆetre r´esum´e par l’´equation :

LSV =FSV{L} (2.2)

o`u L est la luminance de l’image en entr´ee, LSV la luminance de l’image apr`es le

filtrage passe-bas spatialement variant etFSV le filtre passe-bas spatialement variant.

Adaptation `a la luminance

Les photor´ecepteurs de la r´etine s’adaptent `a une tr`es grande dynamique de

lu-minance. Cela nous permet de distinguer des objets dans des zones sombres en

renfor¸cant les faibles luminances sans saturer les zones de forte luminance. Ce

ph´enom`ene, repr´esent´e par l’´etape “Adaptation” du mod`ele de traitement r´etinien `a

la figure 2.5, se mod´elise usuellement par une ´equation de type Naka-Rushton [Naka

and Rushton, 1966] :

C = (Lmax+L0) LSV

LSV +L0

(2.3)

avecLmax la luminance maximale etL0 la luminance moyenne locale2.C repr´esente

2Dans la simulation, nous avons choisiLmax= 255 etL0= 0.1+410 G

G+105avecG=FP B{LSV}.

G est la sortie d’un filtre passe-bas (FP B) de LSV; les constantes 0.1, 410 et 105 sont choisies

empiriquement sur des images naturelles [Chauvin, 2003]. La valeur de 0.1 dans l’expression deL0

a pour but d’´eviter un d´enominateur nul dans l’expression deC par exemple pour une zone noire

(i.e.LSV = 0).

la luminance en sortie des photor´ecepteurs.

Fig. 2.6 – Fonction d’adaptation des photor´ecepteurs d´ecrite `a l’´equation 2.3 pour

diff´erentes valeurs de la luminance moyenne locale L0. La luminance en sortie des

photor´ecepteursC varie en fonction de la luminance LSV apr`es le filtrage passe-bas

spatialement variant. Les dynamiques deC etLSV correspondent `a des dynamiques

de luminance d’image (entre 0 et 255).

L’´evolution de la sortie des photor´ecepteurs C est illustr´ee `a la figure 2.6 pour

diff´erentes valeurs de L0. L’adaptation `a la luminance d´epend de la moyenne locale

L0; plusL0est faible, plus la pente de courbe est importante. Cela permet d’´eclaircir

les zones sombres. Au contraire, pour une forte valeur deL0, la dynamique de sortie

des zones claires ou surexpos´ees sera r´eduite. Nous remarquons ´egalement que la

courbe de l’´equation 2.3 a une forme approch´ee logarithmique par l’effet de

satura-tion, mais restant born´ee. Cette fonction d’adaptation `a la luminance est souvent

appel´ee “fonction de compression”. Un exemple de l’adaptation des photor´ecepteurs

est pr´esent´e `a la figure 2.8.b. Elle se voit plus particuli`erement au niveau du chapeau

de L´ena.

R´ehaussement de contraste3

Les cellules horizontales (H) lissent l’information transmise par les

photor´ecep-teurs, elles sont ainsi mod´elis´ees par un filtrage passe-bas de la sortie C des

pho-tor´ecepteurs.

Les photor´ecepteurs et les cellules horizontales fournissent les signaux d’entr´ee

des cellules bipolaires. Les photor´ecepteurs repr´esentent l’excitation au centre du

champ r´ecepteur d’une cellule bipolaire et les cellules horizontales, l’inhibition `a

la p´eriph´erie. Le fonctionnement des cellules bipolaires est donc mod´elis´e par la

3Nous consid´erons ici le contraste comme simplement la valeur de diff´erence entre des niveaux

spatialement voisins.

diff´erence entre la sortie des photor´ecepteurs et la sortie des cellules horizontales ;

ce qui correspond `a un filtrage passe-bande (Fig. 2.7). Suivant ce m´ecanisme, les

cellules bipolaires sont responsables du r´ehaussement de contraste des stimuli.

Fig. 2.7 – La fonction de transfert 1D des cellules bipolaires correspond `a un filtre

passe-bande. Il correspond `a la diff´erence de deux filtres passe-bas : celui des

pho-tor´ecepteurs et celui des cellules horizontales. L’axe des abscisses correspond aux

fr´equences spatiales r´eduites.

Les deux types de cellules bipolaires sont mod´elis´es (Fig. 2.5). Les cellules

bi-polaires “centre-ON” (BON) donne une r´eponse positive si le signal au centre est

sup´erieur `a celui en p´eriph´erie. En revanche, les cellules bipolaires “centre-OFF”

(BOF F) r´epondent quand le signal `a la p´eriph´erie est sup´erieur au signal au centre

(Eq. 2.4). D’ailleurs, les cellules bipolaires ne r´epondent pas si le stimulus est

constant dans tout le champ r´ecepteur (i.e. r´egion uniforme : fr´equence spatiale

nulle). Le mod`ele se d´ecrit alors par les ´equations suivantes :

BON =|C−H|+

BOF F =|H−C|+

(2.4)

avec

|x|+ =

x si x≥0

0 sinon .

Les cellules r´etiniennes suivantes, les cellules amacrines, jouent un rˆole essentiel

pour le traitement du mouvement. Pour notre part, en consid´erant dans ce chapitre

uniquement les sc`enes statiques, la mod´elisation de ces cellules ne sera pas int´egr´ee.

Mais, nous reviendrons sur cette mod´elisation au chapitre 6 dans l’impl´ementation

d’un mod`ele spatio-temporel de la r´etine.

L’´etage de sortie de la r´etine est form´e par les cellules ganglionnaires :

par-vocellulaires et magnocellulaires. Alors que les cellules parpar-vocellulaires sont

sen-sibles aux basses fr´equences temporelles et aux hautes fr´equences spatiales, elles

sont mod´elis´ees par la diff´erence entre les cellules bipolaires ON et OFF :

P =BON −BOF F. (2.5)

Dans le mod`ele complet (Fig.2.5), il y a ´egalement une ´etape d’adaptation non

lin´eaire au niveau des cellules ganglionnaires. Elle est identique `a celle impl´ement´ee

au niveau des photor´ecepteurs (Eq. 2.3). Dans le cas de notre ´etude, cette deuxi`eme

non-lin´earit´e n’a pas ´et´e impl´ement´ee car les r´esultats sur les simulations num´eriques

ne montraient pas d’effets significatifs et permettaient de simplifier la mod´elisation

de la voie parvocellulaire :

P =C−H (2.6)

Ainsi, sans non-lin´earit´e, cette ´equation r´esulte de l’´equation 2.5 et de la

forma-tion de la voie parvocellulaire comme P =BON −BOF F (Fig.2.5).

Quant aux cellules magnocellulaires, elles r´epondent aux hautes fr´equences

tem-porelles et aux basses fr´equences spatiales. Ainsi, pour un stimulus statique, la voie

magnocellulaire repr´esente uniquement ses basses fr´equences spatiales. Ces cellules

sont ici mod´elis´ees comme les cellules horizontales par un filtrage passe-bas.

La figure 2.8 illustre les sorties des diff´erentes cellules r´etiniennes pour la

lumi-nance et les sorties des voies chromatiques.

(a) Stimuli (b) Photor´ecepteurs (c) Horizontales (d) Bipolaires ON

(e) Bipolaires OFF (f) Parvocellulaires (g) RG (h) BY

Fig.2.8 – Les sorties des diff´erentes cellules r´etiniennes pour la voie de luminance et

les sorties des voies de chrominance. (a) Stimuli ; (b) Photor´ecepteurs ; (c) Cellules

horizontales ; (d) Cellules bipolaires ON ; (e) Cellules bipolaires OFF ; (f) Cellules

parvocellulaires ; (g) Opposition de couleurs Rouge-Vert ; (h) Opposition de couleurs

Bleu-Jaune.