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Finalement, le principal avantage des modèles thermodynamiques de spéciation de surface est

leur caractère générique (Goldberg et al. 2007). En effet, ces modèles, en définissant:

- l’effet de la charge aussi bien au niveau de l’ion adsorbé qu’au niveau de la surface

d’adsorption sur la réaction d’adsorption,

- une structure thermodynamique pour décrire les réactions d’adsorption des

contaminants,

- des constantes thermodynamiques d’adsorption incluses dans un réseau de réactions

décrivant un équilibre géochimique pouvant être couplé à des modèles de transport réactif,

permettent de définir un système réactionnel pour toute une gamme de conditions chimiques

(pH, pE, concentrations…) sans avoir à ajuster les paramètres du modèle. Enfin, cette

approche peut, dans certains cas, requérir moins de paramètres que l’approche empirique pour

rendre compte des hétérogénéités physiques et chimiques du milieu.

2. Modélisation de transport réactif de Ni

2.1 Essais de modélisation du transport réactif de Ni

La plupart des essais de modélisation du transport de nickel dans des résidus miniers concerne

surtout les mines de sulfate de nickel sujettes aux problématiques de drainage minier acide

(Runkel et Kimball 2002; da Silva et al. 2009; Marques et al. 2010; Tan et al. 2010). La

littérature concernant la modélisation du transport réactif de Ni - et plus généralement

d’éléments en traces métalliques - en milieu insaturé demeure cependant globalement assez

réduite. Ceci peut être relié à un manque d’outils informatiques susceptibles d’intégrer à la

fois des flux et des réactions géochimiques dans plusieurs phases différentes, mais aussi à la

difficulté d’obtention de jeux de données in situ ou expérimentaux pour comparer et valider

les résultats modélisés. C’est pourquoi la majorité des travaux les plus récents sur le

développement de modèles de transport réactif en conditions insaturées dans des résidus

miniers ont considéré des conditions aux limites et des propriétés thermo-hydrauliques

constantes en fonction du temps (Lefebvre et al. 2001) Les études ayant pris en compte la

variabilité des conditions aux limites ou des propriétés thermo hydrauliques ont considéré des

problèmes de transport réactif simplifiés en ne considérant, par exemple, qu’une espèce

minérale pour décrire le milieu poreux (da Silva et al. 2009). Si ces études ont pu mettre en

évidence l’intérêt de l’étude couplée des processus chimiques et physiques dans la prédiction

du transport de nickel elles on également fait ressortir les lacunes persistantes des modèles

actuels pour obtenir des données reflétant la dispersion sur site.

Brown et al. (1998) ont ainsi mis en évidence l’important travail restant à réaliser pour

pouvoir prendre en compte la cinétique des réactions dans les modèles de transport. Zhu et al.

(2001) ont démontré l’importance de la définition précise des phases minérales dans les

conditions initiales du modèle afin de pouvoir rendre compte de la réactivité d’un milieu. De

la même manière, les résultats de modélisation du transport de bore de Vaughan et al. (2004)

avec le logiciel UNSATCHEM sont restés insatisfaisants à cause d’un manque de données

concernant la variabilité spatiale de l’infiltration. Enfin, Nitzsche et al. (2000) ont travaillé sur

les incertitudes liées aux bases de données réactionnelles des modules de spéciation, mettant

en évidence une grande variabilité dans les échelles de temps de dispersion calculés selon les

bases de données utilisées.

Malgré la validation sur site de certaines de ces modélisations, les modèles de transport réactif

manquent encore d’application à des systèmes grandeur nature pour conclure sur leur

efficacité aussi bien au point de vue de l’impact des changements d’échelle que sur la

représentation des hétérogénéités chimiques et physiques que peuvent présenter les milieux

naturels. De plus, il a souvent été démontré que sans ajustement des paramètres des modèles,

les données observées et celles calculées par les modèles diffèrent considérablement.

2.2 Diversité des modèles de transport réactif

Les modèles de transport réactif peuvent être divisés en deux groupes majeurs : ceux

comportant leur chimie spécifique et les modèles plus généraux (Šimůnek et al. 2003).

Les modèles comportant leur propre chimie sont généralement restreints à certains

systèmes chimiques (pour lesquels ils ont été créés) et par conséquent contraints à des

applications très spécifiques. De plus, ces modèles utilisent le plus souvent des coefficients de

partition solide-solution empiriques qui ne prennent pas en compte l’aspect thermodynamique

des réactions ayant lieu dans l’interphase solide – solution. Cependant ils sont souvent plus

faciles à utiliser et plus rapides que les modèles plus généraux et ont eu tendance à être

utilisés dans un grand nombre d’études. Les modèles qui simulent le transport d’ions majeurs

comme UNSATCHEM (Simunek et Suarez 1994; Šimůnek et al. 1996) ou LEACHM

(Wagenet 1989) sont typiquement des exemples de modèles avec chimie spécifique. Ces

modèles considèrent le plus souvent le transport d’ions majeurs et les réactions dans

lesquelles ils sont mutuellement impliqués comme la complexation, l’échange ionique et la

précipitation / dissolution.

Les modèles dits « généraux » laissent à l’utilisateur beaucoup plus de liberté sur le choix de

systèmes chimiques particuliers et permettent ainsi une plus large gamme d’applications. Les

utilisateurs peuvent soit sélectionner des espèces et des réactions à partir de bases de données

ou bien définir leurs propres espèces avec des propriétés et des réactions chimiques

particulières. Ces modèles impliquent généralement la résolution des problèmes de transport

et de chimie dans des étapes différentes et de manière itérative ou non. La plupart des codes

de géochimie généraux sont limités au transport de solutés et aux réactions biogéochimiques

alors que les flux d’eau doivent être calculés hors du code de transport réactif (e.g.,

PHREEQC (Parkhurst et Appelo 1999) ; CRUNCH (Steefel 2000) ; PHAST (Parkhurst et al.

2004)). Une minorité des modèles permettent le calcul du champ de vitesse de manière

interne.

Nous citons ici pour mémoire quelques-uns des codes les plus courants dans le domaine du

transfert géochimique, avant de présenter ceux que nous avons choisis pour cette étude,

HYDRUS et PHREEQC.

Le code de calcul IMPACT (Jauzein et al. 1989) couple un modèle de transport et des

réactions d'équilibres chimiques. Il a notamment été plusieurs fois utilisé dans des

investigations sur la complexation de surface (Papini et al. 1999). Il permet de prendre en

compte l'existence d'un ou plusieurs sites réactifs de surface.

Le programme HYDROGEOCHEM (Yeh et Tripathi 1990) résout de façon itérative les

équations en trois dimensions du flux de fluide, du transfert de chaleur et des réactions

chimiques.

FITEQL est un programme conçu pour déterminer les valeurs optimales de constantes

d’équilibre ou les concentrations totales en composants à partir de données expérimentales

(Fish et al. 1986).

CHESS (« Chemical Equilibrium of Species and Surfaces » ; Van der Lee, 1993) est un

modèle de spéciation spécifiquement développé pour la simulation de l'état d'équilibre de

systèmes aqueux complexes. Il est complété par une interface graphique JCHESS. Il est

orienté vers la composition de la solution que vers les espèces formées en surface.

Le modèle de transport réactif ou « hydrochimique » KIRMAT, a été développé à partir du

modèle géochimique thermodynamique et cinétique KINDIS, en intégrant les principaux

mécanismes de transport de masse: la convection, la dispersion hydrodynamique et la

diffusion moléculaire (Gérard et al. 1998). KIRMAT permet de quantifier le transport réactif

à partir d'une représentation en « double porosité ».

2.3 Choix de modélisation

Dans le cadre de cette thèse, nous avons adopté le formalisme des modèles à 2 pK qui

prennent en compte une couche de diffusion (MCD). Dans cette optique, le code de calcul

PHREEQC a été choisi pour prendre en compte les réactions de spéciation des éléments en

solution et à l’interphase et plus particulièrement la base de données MINTEQ-v4 (Allison et

al. 1990).

PHREEQC2 est un code géochimique permettant de modéliser le transport réactif de

contaminants en une dimension en régime saturé. Depuis sa conception, ce modèle a été

appliqué avec succès à la simulation de la migration de contaminants métalliques dans de

nombreux systèmes (Brown et al. 1998; Postma et Appelo 2000; Zhu et Burden 2001; Zhu et

al. 2003; Hanna et al. 2009).

Récemment, le logiciel HYDRUS 1D a été couplé au code géochimique PHREEQC2 pour

créer un nouvel outil de simulation : HP1 (Šimůnek et al. 2006; Šimůnek 2007; Jacques et al.

2008). Ce nouveau code contient les modules permettant la simulation d’un flux hydrique

dans des milieux variablement saturés, le transport de nombreux composés, la prise en compte

de réactions biogéochimiques et de leur cinétique éventuelle et le transport de chaleur. HP1

constitue une extension significative des programmes individuels HYDRUS 1D et PHREEQC

puisqu’il conserve leurs caractéristiques et capacités respectives originales.

Le code utilise en effet l’équation de Richards pour simuler des flux hydriques en milieux

poreux variablement saturés et les équations d’advection dispersion pour le transport de

solutés et de chaleur. Le programme HP1 peut maintenant également simuler une large

gamme de réactions biogéochimiques dans l’eau à basse température incluant des interactions

avec des phases minérales, des gaz, des surfaces d’adsorption basées sur des équilibres

thermodynamiques. La version actuelle d’HP1 est limitée à une version 1D et ne considère

pas les réactions d’oxydoréduction, de complexation de surface et de diffusion des

composants dans la phase gazeuse. Ces réactions devraient être prises en compte dans les

versions en cours de finalisation. Jacques et al. (2005) et Šimůnek et al. (2006) ont démontré

la versatilité de HP1 sur plusieurs exemples comme le transport de métaux lourds (Zn

2+

, Pb

2+

,

and Cd

2+

) sujets à diverses réactions d’échanges cationique ; le transport de métaux lourds

dans un milieu présentant un complexe d’échange cationique dépendant du pH, l’infiltration

d’une solution hyperalcaline dans un échantillon argileux ou encore le transport insaturé à

long terme de cations majeurs (Na

+

, K

+

, Ca

2+

, and Mg

2+

) et de métaux lourds (Cd

2+

, Zn

2+

, and

Pb

2+

) dans un profil de sol.

HYDRUS étant un logiciel susceptible de modéliser du transport en 3D, on peut supposer que

le couplage avec PHREEQC (modèle HP1) pourra également être réalisé sur les versions 2D

et 3D d’HYDRUS.

Ainsi, malgré une utilisation répandue dans les études de risques environnementaux, de

nombreuses études ont montré la difficulté des modèles empiriques à refléter le

fonctionnement de systèmes naturels. Même si des obstacles significatifs persistent pour

pouvoir la considérer comme une discipline mûre, la modélisation mécaniste du transport

réactif est un moyen actuel utilisé par les scientifiques pour comprendre des systèmes globaux

à partir de données spécifiques. Beaucoup de scientifiques considèrent encore cette discipline

comme un outil d’ingénierie et ne reconnaissent pas le potentiel qu’offre ce type de discipline

à intégrer la science fondamentale dans la compréhension des systèmes naturels complexes.

Nous avons pu mettre en évidence dans cette partie l’impact qu’a pu avoir la modélisation du

transport réactif sur la compréhension de la rétention de polluants métalliques en surface.

Cette discipline continue à évoluer notamment dans la modélisation de la structure des pores

du sol ou pour comprendre l’effet de l’échelle dans le couplage des processus géochimiques,

biologiques et de transport. De plus, des verrous à l’application de ce type de modélisation

restent encore à lever comme la non-conformité souvent citée entre les vitesses réactionnelles

mises en évidence en laboratoire et sur le terrain ou la variabilité des bases de données des

modules de spéciation. Finalement le réel rôle de la modélisation du transport réactif vient de

sa capacité à intégrer les résultats de recherche fondamentale pour fournir un outil qui lie

ensemble les processus se déroulant dans des environnements naturels complexes.

Le modèle HP1 a été choisi pour modéliser le transport réactif du nickel dans les stériles

miniers ultramafiques car :

- il permet d’intégrer une approche thermodynamique de la spéciation à la

surface des solides grâce à l’utilisation du code de calcul PHREEQC,

- le code de calcul PHREEQC est largement utilisé dans la communauté scientifique

- il permet d’envisager la modélisation en conditions insaturées grâce au couplage du

code de calcul PHREEQC avec le module HYDRUS (HP1),

- il permet d’envisager à long terme de modéliser le transport réactif de nickel dans les

stériles miniers ultramafiques en 2 et 3 dimensions (Šimůnek et al. 2008).

IV Spéciation du nickel en solution et à l’interphase solide-solution

La fraction de nickel hydrosoluble est déterminante dans l’étude des risques éco

toxicologiques car elle correspond à la quantité de Ni mobile, rapidement disponible pour

l’ensemble des organismes vivants. Dans les sols non contaminés, la gamme de

concentrations en Ni dans la solution varie de quelques µg l

-1

à une centaine de µg l

-1

. Dans

les sols à forte teneur en Ni (sols ultramafiques ou pollués), les teneurs en Ni peuvent être

environ 100 fois supérieures aux concentrations rencontrées dans les sols naturels non

ultramafiques et peuvent alors atteindre jusqu’à 3 mg l

-1

(Anderson 1973).