Chapitre 2 Méthodologie générale
3. Méthode de caractérisation de l’interphase solide / solution
La caractérisation minéralogique des solides nous a permis d’avoir une répartition des
éléments entre différentes phases porteuses. Une fois cette répartition obtenue nous nous
sommes intéressés à la réactivité des ETM et plus particulièrement du nickel, dans les
différentes phases porteuses identifiées. L’objectif de ces travaux étant de prédire la mobilité
du nickel dans le stérile, c'est-à-dire sa capacité à être mobilisé par la solution du sol (Brown
et al. 1998).
3.1 Charge de surface
La mobilité électrophorétique est une mesure du mouvement de particules chargées dans un
champ électrique, l’absence de mobilité indiquant une charge nette de surface de l’échantillon
nulle (point isoélectrique). Cette mesure est donc essentielle pour connaître la charge nette
globale de la surface des échantillons, charge qui va conditionner la réactivité de leur surface
(Zarzycki et Thomas 2006). La mesure de la mobilité électrophorétique des échantillons a été
réalisée grâce à un zetaphorémètre IV de la société CAD Instrumentations au LEM-CNRS
(Nancy, France). L’appareil consiste en un microscope optique muni d’un laser et surmonté
d’une caméra vidéo. La cellule de mesure dans laquelle est placée la suspension colloïdale est
située sur la platine du microscope et comporte à chacune de ses extrémités une électrode de
cuivre servant à l’application du champ électrique.
L’influence de la force ionique et du pH sur la mobilité électrophorétique ont été testés. Pour
cela, 3 solutions de NaCl de force ionique respectives 10
-1M, 10
-2M et 10
-3M ont été
préparées. Les échantillons ont été préalablement tamisés à 2 mm et 100 mg d’échantillon ont
été dispersés dans 300 ml de chaque solution de NaCl. Après une nuit d’agitation, 20 ml des
suspensions ont été prélevés et mis en suspension dans 300 ml des solutions de NaCl
(solide/solution final = 22,2 mg l
-1). Après passage aux ultrasons pendant dix minutes, dix
mesures de mobilité ont été réalisées pour chaque force ionique, les dix mesures
correspondant à dix valeurs de pH compris entre 2,0 et 12,0 (une mesure par unité de pH, les
différents pH étant ajustés dans la même suspension avant injection dans la cellule avec HCl
et NaOH). Les résultats ont été reportés dans des graphes de mobilité en fonction du pH.
3.2 Surface spécifique
La surface spécifique des échantillons de garniérite et limonite a été déterminée par
volumétrie d’adsorption d’azote, l’isotherme d’adsorption obtenue (volume de N
2adsorbé par
unité de masse d’échantillon) a ensuite été traitée par une méthode utilisant le modèle de
Brunauer, Emett et Teller (BET). Le modèle BET prend en compte seulement une partie des
points expérimentaux dans le domaine des basses pressions relatives 0,05 < P/P0 < 0,2 sur
lequel l’isotherme est supposée linéaire. Le calcul est automatiquement réalisé par le
programme de l’appareil Coulter SA 3100 qui donne une valeur moyenne de la surface
spécifique de l’échantillon en m² g
-1.
3.3 Spéciation de surface : spectroscopie photo électronique de rayons X (XPS)
La technique d’XPS est sensible à la composition de la surface des échantillons (50 Å de
profondeur pour une surface elliptique de 0,3 mm sur 0,7 mm) et nous a permis d’obtenir des
informations aussi bien au niveau de la composition atomique semi-quantitative de la surface
des échantillons que sur la spéciation des éléments composant cette surface. La surface des
échantillons de garniérite et limonite a été observée par XPS au LCPME-CNRS avec un
spectromètre KRATS Axis Ultra utilisant une source de rayons X de type Al Kα opérant à
150 W. Les espèces atomiques ont été identifiées par comparaison des énergies de liaison des
électrons avec des valeurs standard connues. Les spectres ont été tracés en énergies de liaisons
en fonction de l’intensité des pics qui représentent une mesure quantitative des ions adsorbés
présents. Les analyses XPS ont été réalisées sur des échantillons naturels secs et après un
traitement à pH = 3,0. Pour ce traitement, un gramme d’échantillon en poudre a été agité
pendant 24 h dans une solution d’HCl à pH = 3,0 ; la solution a ensuite été centrifugée et
lyophilisée.
3.4 Labilité des ETM dans les échantillons
Afin d’améliorer notre connaissance du compartiment correspondant aux éléments facilement
mobilisables par la solution du sol, des extractions ciblées sur différents compartiments
(Figure 2-4) ont été effectuées.
Biodisponibilité environnementale membrane interne Absorption Distribution Métabolisme excrétion Bioaccumulation Solution du sol Disponibilité environnementale
Sol – phase solide
Action toxique Effet sur la biodiversité Éléments séquestrés (D) Éléments totaux (E) Éléments (ad)sorbés (B) Éléments solubles (A) E ffets de M.O ., pH , … (C )
?? ?
B
H2OC
D
A
E
Organisme vivant
Figure 2-4 : Compartimentation des ETM dans les stériles miniers et notion de disponibilité (Adapté
de Peijnenburg et Jager (2003), Lanno et al. (2004) et Becquer et al. (2005)
3.4.1 Dosage des solutions d’extraction
- Dosage des éléments totaux en solution par spectroscopie d’émission à plasma induit
(ICP-AES, Liberty II, Varian).
Les concentrations en éléments des solutions d’extraction (aluminium, cobalt, cuivre, fer,
magnésium, manganèse, nickel, silicium et chrome) ont été mesurées par spectroscopie
d’émission optique après acidification (1 % HNO
3). La limite de quantification lors des
dosages était de 0,001 mg l
-1pour tous les éléments. Afin d’assurer la validité des
concentrations mesurées, une solution d’eaux usées à été utilisée comme témoin à chaque
début d’analyse (eau usée EU-H-2 CRM Plasmacal SCP science), un échantillon d’eau
distillée acidifiée à 1 % a été dosé tous les dix échantillons et un étalonnage a été réalisé tous
les 40 échantillons.
- Dosage des anions : chromatographie ionique en phase liquide (Dionex)
La détermination des concentrations en ions nitrate, sulfate et chlorure a été réalisée par
chromatographie ionique en phase liquide (modèle DIONEX IC25 en utilisant KOH comme
éluant (générateur d’éluent EG40)). Les échantillons ont préalablement été filtrés à 0,22 µm.
- Dosage du chrome hexavalent par spectrocolorimétrie
La mesure des teneurs du chrome VI dans les échantillons a été réalisée par
spectrocolorimétrie du complexe qu’il forme avec le diphényl-carbazide (Bartlett et James
1996). La solution de diphenyl-carbazide (0,5 % P/V) est obtenue par mélange de 250 mg de
1,5-diphénylcarbazide avec 50 ml d’acétone. Pour chaque dosage, 5,0 ml d’échantillon sont
mélangés à 4,0 ml d’acide sulfurique 2,0 M, 0,2 ml de solution de diphenylcarbazyde et 0,8
ml d’eau distillée. Le complexe Cr(VI) forme un complexe variant de rose à violet avec le
diphenylcarbazide, complexe qui absorbe à la longueur d’onde de 540 nm. La concentration
en CrVI est obtenue à partir de la mesure de l’absorbance donnée par un spectrophotomètre
qui mesure la densité optique des solutions.
3.4.2 Compartiments labiles
- Hydrosoluble (Figure 2-4 A)
Afin de déterminer la fraction d’ETM soluble, des extractions à l’eau ont été réalisées. Pour
cela une prise d’essai d’un gramme d’échantillon solide a été mise en suspension dans 10 ml
d’eau ultrapure. Le mélange solide-solution a été agité pendant 30 mn à 20°C puis centrifugé
et filtré à 0,22 µm (Rotilabo®-Spritzenfilter). Les échantillons ont été conservés à 6°C avant
analyse des cations et anions.
- Cations échangeables (Figure 2-4 A et B)
La détermination de la capacité d’échange cationique (Bertin et al.) des matériaux d’intérêt a
été réalisée au Laboratoire d’Analyse des Sols de l’INRA à Arras en novembre 2009 par une
extraction au chlorure de cobaltihexamine. 5,0 g d’échantillon ont été pesés et mélangés à 100
ml de solution de chlorure de cobaltihexamine à 5,0 cmol l
-1, le mélange a ensuite été agité à
20°C pendant une heure puis centrifugé et filtré. L'ion cobaltihexamine absorbe une radiation
de 475 nm de longueur d'onde et sa concentration résiduelle en solution se détermine par
spectrocolorimétrie, la fraction adsorbée étant déterminée par différence. La technique utilisée
et décrite dans la norme NF X 31-130.
- Chromate (Figure 2-4 B)
Les teneurs en chrome étant relativement importantes dans les sols latéritiques ultramafiques
et le chrome pouvant se trouver en solution sous forme cationique et anionique (Becquer et al.
2006; Garnier et al. 2006), il a semblé nécessaire de s’intéresser aux teneurs en chromate
extractibles des solides étudiés. Ces teneurs ont été évaluées par agitation d’un gramme de sol
avec 25 ml d’une solution de KH
2PO
40,1 M, pendant une heure à 20°C (Bartlett et James
1996). Après centrifugation, le surnageant est prélevé, filtré (0.45 µm), et stocké à 6°C avant
analyse (voir paragraphe 3.3 a.). Le fort pouvoir complexant de l’ion PO
43-pour le Cr(Baes Iii
et Sharp) comparé à celui du Cr(VI) devrait mettre également en solution le Cr(Baes Iii et
Sharp) disponible, mais la majorité du Cr(Baes Iii et Sharp)PO
4solubilisé ne reste
certainement pas en solution, puisque son produit de solubilité est très faible (Ks = 2,4 x 10
-23