Afin de comprendre les mécanismes physiopathologiques au niveau de l’organisme et aux niveaux cellulaire et moléculaire, mais également pour la réalisation d’études pré-‐cliniques, des modèles animaux ont été créés. Il en existe certains qui se basent sur les mutations identifiées dans la SLA, et d’autres qui sont des modèles lésionnels. Dans ce chapitre, nous en aborderons plus spécifiquement deux : les modèles mSOD1 et la compression nerveuse. Toutefois, il est important de noter qu’il existe actuellement un fort développement des modèles génétiques. Ces dernières années, de nombreux nouveaux modèles ont été créés. Il existe plusieurs souris transgéniques basées sur le gène TDP-‐43. On trouve un modèle de délétion totale et des modèles de surexpression des gènes TDP-‐43 murin ou humain (Wegorzewska et al., 2009; Chiang et al., 2010). Il existe également différents modèles FUS qui ont été générés soit en supprimant le gène FUS, soit en introduisant une forme tronquée de ce gène (Scekic-‐Zahirovic et al., 2016). Enfin, concernant le gène C9ORF72, on dénombre deux modèles existants basés sur une perte de fonction et un gain de fonction (Koppers et al., 2015). Malgré ce développement considérable, ces nouveaux modèles animaux restent difficiles à utiliser car, d’une part, la surexpression des gènes sauvages en elle-‐même, est déjà toxique pour les animaux, mais d’autre part, la caractérisation du phénotype de ces souris est encore peu connue.
1. Le modèle transgénique mSOD1
Les premiers en date à avoir été produits sont les modèles basés sur les mutations SOD1. En 1993, Rosen et collaborateurs (Rosen et al., 1993) ont découvert que certains patients atteints de la forme familiale de SLA présentent des mutations dans le gène codant pour la sod1. A la suite de cette découverte, un modèle animal a été créé par introduction d’une mutation substitutive de l’arginine par la glycine en position 86 dans le gène murin codant pour la sod1 (Ripps et al., 1995). Cette mutation correspond à un des changements retrouvés dans les cas familiaux de SLA, la mutation G85R.
Il existe d’autres modèles murins basés sur des mutations de la SOD1. Créée en 1994 par Gurney et collaborateurs (Gurney et al., 1994), la souris mSOD1G93A possède plusieurs copies
l’alanine. Le modèle SOD1G37R (Wong et al., 1995) repose également sur la surexpression de la SOD1 humaine, mutée en position 37. Enfin, créé en 1997 par Bruijn et collaborateurs (Bruijn et al., 1997), la souris SOD1G85R possède une SOD humaine inactive. De tous ces modèles, la souris SOD1G93A a été la plus utilisée pour la compréhension des mécanismes physiopathologiques de la SLA depuis ces 20 dernières années. Il faut néanmoins noter que le transgène humain SOD1G93A conserve son activité dismutase et cela nécessite l’utilisation de souris surexprimant la forme sauvage de la SOD1 humaine comme contrôle (Hayward et al., 2002). En revanche, au sein de notre laboratoire, le modèle que l’on utilise est la lignée SOD1G86R car elle présente certains avantages. Tout d’abord, la mutation G86R se trouve dans le gène sod1 murin ce qui permet d’éviter d’éventuels dysfonctionnements de l’activité transcriptionnelles liées à des différences inter-‐espèces. Deuxièmement, le transgène SOD1G86R ne possède plus d’activité dismutase. Cela présente alors l’avantage d’utiliser des souris sauvages comme contrôles.
D’un point de vue phénotypique, la souris SOD1G86R est asymptomatique jusqu’à l’âge de deux mois et demi environ. Ensuite, elle va commencer à manifester, au niveau musculaire, des activités électriques spontanées anormales, visibles par EMG et témoins de la dénervation, sans toutefois présenter des signes de paralysie. On observe également une diminution de l’amplitude du potentiel musculaire composé ainsi qu’une augmentation de l’expression de l’ARN messager du récepteur cholinergique α, reflet de la dénervation (Figure 3). Puis, vers approximativement l’âge de 3 mois, la pathologie s’installe et on voit apparaitre des symptômes moteurs entrainant une altération des réflexes d’extension des pattes postérieures. Ce phénomène évolue progressivement jusqu’à une paralysie totale et au décès de l’animal.
D’un point de vue histopathologique, la souris SOD1G86R présente, dès l’âge de 2 mois et demi, une diminution du nombre de motoneurones dans la moelle épinière, une dégénérescence des fibres myélinisées dans le nerf sciatique ainsi une atrophie musculaire (Figure 4).
Figure 3 : caractéristiques de dénervation de la souris SOD1G86R (tiré de Halter et al., 2010)
Figure 4 : caractéristiques histopathologiques de la souris SOD1G86R (tiré de Dupuis et al., 2000).
2. Modèle de dénervation
En parallèle des modèles génétiques qui tente de reproduire la SLA dans sa globalité, on peut mimer seulement certains aspects de la SLA. C’est le cas soit par compression nerveuse, soit par la section du nerf ou axotomie (Wood et al., 2011). Dans ce chapitre sera présenté le modèle de compression nerveuse car c’est ce modèle qui a été utilisé au cours de mes travaux.
La compression du nerf sciatique est un modèle de dénervation périphérique couramment utilisé. Une lésion du nerf sciatique entraine des dommages au niveau des axones moteurs et sensoriels, et permet d’évaluer le potentiel de régénération du système nerveux périphérique, puisque les axones doivent repousser jusqu’à leurs cibles musculaires. Ce modèle présente l’avantage de pouvoir se focaliser sur les phénomènes de dénervation et réinnervation, qui sont aussi retrouvés au cours de la SLA. En effet, il a été observé dans les muscles des patients, des jonctions réinnervées présentant un appareil post-‐synaptique aplati et fragmenté, témoignant de l’existence d’un phénomène de réinnervation compensatoire dans la SLA (Bruneteau et al., 2015).
IV. Hypothèses physiopathologiques de la SLA
Pendant de nombreuses années, la SLA a été considérée comme une pathologie affectant le motoneurone de façon restreinte. En effet, la toxicité due à la protéine SOD1 mutée était vue comme un phénomène autonome du motoneurone et sans implication dans d’autres types cellulaires. Mais les études de ces dernières années ont laissé place à une nouvelle vision des choses. De nombreuses données ont mis en évidence que d’autres types cellulaires avaient un rôle tout aussi important dans le processus pathologique. Dans cette section, nous allons décrire brièvement l’implication de différents types cellulaires dans plusieurs mécanismes contribuant au processus pathologique de la SLA.