V. Aspects périphériques de la SLA 38
2. Les acides gras comme témoins du statut métabolique 50
Les acides gras font partie de nombreux types de lipides comme les triglycérides, les phospholipides, les sphingolipides, les sphingomyélines ou encore les céramides. De ce fait, étudier la composition en acides gras d’un tissu ou d’un fluide biologique, comme le sang, revient à évaluer le métabolisme lipidique en général.
Parmi les différentes voies de synthèse des acides gras, la désaturation (ou introduction d’une double liaison dans la chaine hydrocarbonée), en position Δ9, est prise en charge par l’enzyme Stearoyl-‐CoEnzyme A Desaturase (SCD). Ainsi, les SFA 16 :0 et 18 :0 sont convertis en MUFA 16 :1 et 18 :0, respectivement (Figure 6). Les index SCD, mesurés à l’aide des ratios produit/substrat 18 :1/18 :0 et 16 :1/16 :0, sont alors utilisés comme témoins d’une activité lipogénique. Il est admis qu’un index SCD élevé est associé à l’obésité et à des conditions pathologiques comme le diabète métaboliques (Vessby et al., 2013; Vinknes et al., 2013; Matthan et al., 2014).
Quant aux PUFA, les voies de synthèse des omega-‐3 et omega-‐6 sont deux voies bien distinctes qui ont toutefois des enzymes en commun comme les désaturases Δ5 (FADS1) et Δ6 (FADS2) et les élongases ELOVL2 et ELOVL5. Il est important de garder à l’esprit que, chez les mammifères, même si ces deux voies partagent les mêmes enzymes, il ne peut y avoir d’inter-‐conversion entre les deux familles de PUFA (Figure 3). Plusieurs index ou ratios, établis à partir des voies de synthèse des PUFA, reflètent aussi le statut métabolique de l’organisme. L’index omega-‐3, correspondant à la somme des taux d’EPA et de DHA, est couramment utilisé pour évaluer la composition des tissus en omega-‐3 de façon globale. Un index omega-‐3 élevé est associé à une diminution du risque cardiovasculaire (Harris, 2008). Le ratio ω6/ω3 permet d’évaluer la balance entre les deux familles de PUFA. Un ratio élevé, en faveur des ω6, est associé à une augmentation des processus inflammatoires ainsi qu’à une forte prédisposition pour l’obésité et le diabète (Simopoulos, 2010). Les rendements globaux des voies de synthèse des omega-‐6 et des omega-‐3 peuvent être estimés à l’aide des ratios AA/LA et EPA/ALA, respectivement. Enfin, les activités des différentes désaturases et élongases peuvent également être estimées à l’aide de ratios. Pour l’activité de la désaturase FADS1, le ratio AA/DGLA est utilisé. Quant à la désaturase FADS2, on utilise le ratio GLA/LA, et pour l’activité relative de l’élongase 5 (ELOVL5), c’est le ratio DGLA/GLA qui est utilisé (Pickens et al., 2016). La détermination de la composition en acides gras d’un
échantillon se fait grâce une technique spécifique : la chromatographie en phase gazeuse (CG). La CG est une technique de chimie analytique qui permet d’analyser les différentes molécules constituants des mélanges plus ou moins complexes. Elle s’applique principalement aux composés gazeux ou susceptibles d’être vaporisés par chauffage, sans décomposition. Les acides gras peuvent être extraits de tous types de tissus grâce à la méthode de Bligh and Dyer (Bligh and Dyer, 1959). Cette méthode d’extraction se base sur l’utilisation d’un mélange de solvants apolaires, fait de méthanol et de chloroforme, permettant la séparation des protéines et des lipides totaux. Afin d’augmenter la volatilité des acides gras et, par conséquent, leur détection, une transestérification est réalisée. Cela consiste en une saponification suivie d’une méthylation (Figure 7). Les acides gras sont ensuite récupérés dans de l’heptane et ce mélange est injecté dans la colonne du chromatographe. Les différents acides gras vont ainsi migrer tout le long de la colonne grâce à un gaz vecteur (hélium) et en sortir à différents temps de rétention selon leur affinité pour la phase stationnaire de la colonne. Les acides gras sont détectés à la sortie de la colonne par un système à ionisation de flamme. Les pics obtenus sur les profils d’acides gras sont identifiés par comparaison à ceux obtenus pour un mélange standard connu (Figure 8). Le GC est donc un élément essentiel pour l’analyse de la composition en acides gras et, par conséquent, de l’estimation du bilan métabolique, voire énergétique, de l’organisme.
Figure 6 : voies de synthèse des acides gras chez les mammifères (Hussain et al., 2013)
Figure 7 : protocole d’extraction des acides gras selon la méthode de Bligh and Dyer
Figure 8 : schéma d’une chromatographie gazeuse et d’un chromatogramme
3. Les acides gras et le système nerveux
La plupart des études sur les rôles des acides gras dans le système nerveux se sont intéressées aux PUFA puisqu’ils constituent la majorité des acides gras présents dans le cerveau (Lauritzen et al., 2016). Les PUFA sont indispensables pour le système nerveux tout au long de la vie d’un individu. Tout commence lors du développement embryonnaire in-‐ utero. A partir du 3ème trimestre de grossesse, le développement du cerveau est maximal et les besoins en PUFA sont très importants. Ces PUFA, et plus précisément ces omega-‐3, vont être fournis par la mère via le placenta. Ensuite, c’est via le lait maternel que ces acides gras vont être apportés. Il apparait alors évident que l’alimentation de la mère va jouer un rôle majeur dans la disponibilité et donc l’apport en omega-‐3. De nombreuses études se sont penchées sur les effets d’un apport en omega-‐3 et le développement des enfants mais les résultats obtenus restent relativement controversés. Certaines études ont montré que les enfants, dont les mères ont reçu une supplémentation en omega-‐3 durant la grossesse, présentent des QI plus élevés et une acuité visuelle ou des fonctions cognitives plus développées tandis que d’autres études n’ont pas montré de différences (Karr et al., 2011). Les acides gras sont également très importants pour le développement et le maintien des fonctions cognitives chez l’adulte. Pour citer quelques exemples, l’étude de Fontani et collaborateurs a montré qu’une supplémentation en omega-‐3 est associée à une meilleure attention, une meilleure humeur et des temps de réaction amoindris pour certaines tâches cognitives (Fontani et al., 2005). De meilleures capacités de mémorisation semblent également être associées à la consommation d’omega-‐3. L’étude d’Eskelinen et collaborateurs a montré que des sujets ayant une alimentation riche en omega-‐3 présentent de meilleurs résultats pour des tests de mémoires épisodique ou sémantique (Eskelinen et al., 2008).
Enfin, les PUFA permettent de lutter contre le vieillissement naturel du cerveau, qui se caractérise, entre autres, par une diminution des taux de DHA (Janssen and Kiliaan, 2014). Ainsi, une alimentation enrichie en omega-‐3 est associée à une diminution du risque d’altération des fonctions cognitives chez les sujets âgés (Kalmijn et al., 2004).