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1. Choix des variations introduites dans la levure

Comme pour la modélisation du site Qo de Plasmodium dans la levure, la comparaison de séquence du cytochrome b de la levure et de l’Homme montre que la région Qo est bien conservée entre ces deux organismes et qu’il existe également des

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variations au niveau des résidus impliqués dans la liaison aux QoIs qui pourraient expliquer la différence de sensibilité des enzymes à l’atovaquone (Figure 31). On retrouve notamment les variations en position 133-135 (CCV/VLP), 136 (Y/W), 141 (H/F) et 275 (L/F) ainsi que deux autres variations en position 278 (F/A) et 295 (M/L). Les résidus en position 275, 278 et 295 sont associées à des mutations de résistance à l’atovaquone chez P. jirovecii ou Plasmodium.

Figure 31: Résidus modifiés dans le site Qo de la levure pour mimer la poche catalytique de l'Homme. (A) Alignement de la séquence de la région Qo du cytochrome b de la levure (Sc), de l’Homme (Hs) et du bœuf (Bt). En bleu, les résidus conservés entre la levure et le parasite. En rouge, les résidus modifiés dans cette étude. Les astérisques indiquent la position des résidus qui seraient en contact avec l’atovaquone ((Korsinczky et al. 2000) et Tableau 1). (B) Localisation des résidus modifiés dans le cytochrome b de levure (1KY0.pdb). La stigmatelline est représentée en jaune.

Sept mutants possédant les mutations VLPWF, L275F, F278A, M295L seules ou combinées ont été construits (Tableau 4) puis analysés.

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Tableau 4: Mutants possédant des résidus humanisés

Mutant Mutations LF L275F FA F278A ML M295L LFFA L275, F278A HS1 L275F, F278A, M295L AB9 CCVY133-136VLPW, H141F

AB21 CCVY133-136VLPW, H141F, L275F, F278A, M295L

2. Impact des variations sur la croissance respiratoire, sur l’assemblage et l’activité du complexe bc1

La croissance des mutants sur milieu respiratoire a été analysée dans deux contextes nucléaires différents : W3031-B (ou CW, notre de souche de référence) et JC8 (ou CK, qui possède une capacité respiratoire plus faible et qui nous permet d’observer plus facilement des différences de croissance entre les mutants) (Figure 32). Dans un contexte CW, les simples mutants ont une croissance sauvage ou quasi-sauvage. Le double mutant L275F-F278A comme le triple mutant L275F-F278A-M295L présente une diminution importante de la croissance respiratoire. L’introduction des variations VLPWF permet de restaurer partiellement cette croissance. Dans un contexte CK, où les différences entre les souches sont plus nettes, les mutants F278A et les mutants possédant les variations VLPWF poussent moins bien que les mutants M295L et L275F.

Figure 32: Impacts des variations sur la croissance des mutants humanisés sur milieu fermentescible (glucose) et sur milieu respiratoire (éthanol/glycérol). Les mutations ont été

introduites dans deux contextes nucléaires différents : CW et CK. Des dilutions en séries des différentes souches ont été déposées sur les deux milieux et mises à incuber pendant trois jours à 28°C.

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Afin de comprendre la diminution de la croissance respiratoire de certains mutants, le niveau de cytochrome b dans les cellules intactes a été mesuré par spectrophotométrie. Le niveau de cytochrome b des mutants est diminué de seulement 10 à 20% et n’explique donc pas la diminution sévère de la croissance sur milieu non fermentescible des mutants L275F-F278A et L275F-F278A-M295L. L’activité quinol-cytochrome c réductase des mutants a donc été mesurée (Tableau 5). Les mutations L275F et M295L seules ne semblent pas affecter l’activité du complexe. Les données obtenues montrent une diminution de près de 40% du mutant F278A par rapport au sauvage expliquant la diminution de croissance de ce mutant dans le contexte CK. Le triple mutant L275F-F278A-M295L présente une diminution d’activité d’environ 50% qui est restaurée par l’ajout des résidus VLPWF comme on peut l’observer en croissance. Le mutant combinant les mutations L275F et F278A présente une activité de 81% comparée au sauvage ce qui ne va pas dans le sens des données de croissance respiratoire où ce mutant a une croissance plus faible que le mutant F278A par exemple. A noter également, qu’il ne semble pas y avoir de modification de l’affinité de la quinol pour l’ensemble des mutants.

Tableau 5: Activité et propriétés catalytiques du complexe bc1 des mutants humanisés. Les

conditions expérimentales sont présentées l’annexe 1. a Cytochrome c réduit par complexe bc1 par seconde en utilisant 20 µM de décylubiquinol (DQH2). Les mesures ont été répétées au moins deux fois et moyennées. L’erreur n’excède pas 10% des valeurs présentées. Les valeurs sont représentées en % de l’activité du WT. b La Vmax représente l’activité DQH2 – cyt c réductase maximale mesurée à 550 - 540 nm. La Vmax du WT est de 100 s-1 contre 160 s-1 pour le WT tableau 3 ; les deux séries de mutants – « Plasmodiumisés » et humanisés – ont le même génome mitochondrial (à l’exception des mutations introduites dans cette étude) mais ont un génome nucléaire différent (diploide pour les mutants « Plasmodiumisés » et CW pour les mutants humanisés) ce qui change la valeur de l’activité du complexe bc1 mais n’a pas d’effet les résistances/sensibilités aux inhibiteurs. c Le Km pour la DQH2 est déduit, comme pour la Vmax, de la titration de l’activité DQH2 – cyt c réductase avec des concentrations croissantes en substrat (représentation Eadie-Hofstee). d Le kmin = Vmax/Km.

Souche Activité (%)a Vmax (s-1)b Km (DQH2 µM)c kmind

WT 100 100 3,4 29 L275F 111 105 3,3 32 F278A 61 63 3,1 20 M295L 123 119 3,2 37 L275F,F278A 81 75 3,3 23 L275F,F278A,M295L 47 43 3,2 13 VLPWF 34 32 4,0 8 VLPWF,L275F,F278A,M295L 89 96 4,2 23

82 3. Cas du mutant L275F-F278A (LFFA)

Afin de comprendre la différence observée entre la croissance respiratoire et l’activité quinol-cytochrome c réductase du double mutant, nous avons mesuré la consommation d’oxygène des cellules intactes à l’aide d’une électrode à oxygène de type Clark en présence d’un agent découpleur, le CCCP (carbonyl cyanide-m-chlorophenylhydrazone). L’électrode va enregistrer le courant électrique qui est proportionnel à la concentration en oxygène dissous dans le milieu. Le CCCP va dissiper artificiellement le gradient de protons ce qui entraine une inhibition de la synthèse d’ATP; le transfert des électrons et la consommation d’oxygène sont alors à leur maximum. Les données montrent une diminution de près de 50% de la consommation du mutant LFFA comparé au sauvage mais également aux simples mutants, L275F et F278A (Figure 33). Ces données vont dans le même sens que celles obtenues avec les croissances sur milieu non fermentescible.

Figure 33: Consommation en oxygène de la souche sauvage et des mutants L275F, F278A et LFFA.

La consommation en oxygène des cellules intactes a été mesurée à l’aide d’une électrode à oxygène et en présence de 10 µM de CCCP. Pour toutes les souches analysées, une même quantité de cellules est utilisée pour la mesure (correspondant à une densité optique à 600nm dans la chambre de mesure de 4).

Une production d’espèces réactives de l’oxygène pourrait expliquer l’activité quinol-cytochrome c réductase élevée du mutant LFFA. En effet, lors de la mesure de cette activité, les ions superoxydes produits par le complexe III réduisent le cytochrome c. L’activité du complexe bc1 du mutant a donc été mesurée en présence et en absence de deux enzymes du système antioxydant: la superoxyde dismutase qui catalyse la

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dismutation du superoxyde en oxygène et peroxyde d’hydrogène et la catalase qui catalyse la dismutation du peroxyde d’hydrogène en oxygène et eau ; l’activité reste inchangée ce qui semble exclure la surproduction d’ERO.

La mesure d’activité du complexe bc1 se fait en présence d’un substrat non naturel pour la cellule, la décylubiquinol, qui pourrait masquer une légère déficience. Lorsque nous mesurons l’activité NADH-cytochrome c réductase, c’est-à-dire en présence de la quinol native, on constate une diminution de l’activité du complexe de près de 40%. L’emploi de la décylubiquinol pourrait donc expliquer l’activité apparente du double mutant.