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2.2 Méthodes

2.2.6 Modélisation de la pente de f 0

Comme on se souviendra, une hypothèse contraire à celle de l'ancrage segmental est que l'unité primitive de l'intonation est la pente du contour accentuel, dont la réalisation est supposée être invariable. Si l'hypothèse de l'ancrage segmental est vraie, nous nous attendons à ce qu'en napolitain les cibles tonales soient xées à des ancres segmentales spéciques et que l'excursion tonale soit stable, indépendamment de l'identité segmentale ou de possibles changements de vitesse d'élocution entre les questions et les armations.

Si la syllabe accentuée est soumise à ces facteurs de variabilité, nous nous attendons donc à ce que ces variations inuencent uniquement les propriétés dynamiques de la courbe. Pour tester l'hypothèse de la pente-invariable, nous avons donc calculé le degré d'inclinaison

7. La version courante du paquet R utilisé pour eectuer l'analyse de régression linéaire à eets mixtes (lme4) ne restitue pas une valeur deppour les t-tests, car il n'est pas encore clair comment on peut calculer les degrés de liberté dans les modèles qui incluent des eets aléatoires. Une alternative valide aux valeurs classiques depdans les modèles mixtes est d'utiliser ceux calculés par un échantillonnage MONTE CARLO eectué selon une chaine de Markov (pM CM C= Monte Carlo Markov Chain). Ici, nous écrivons pM CM C pour les valeurs depobtenues pour les modèles à eets mixtes ; et tout simplement ppour les modèles sans eets aléatoires (soit lorsque nous avons décidé d'utiliser a priori la régression classique ou encore lorsque l'eet aléatoire a été enlevé du modèle mixte car sa variance était presque nulle).

de la pente montante entre L1 et H. De plus, nous avons calculé la pente entre H et L2, pour vérier l'existence d'eets à longue distance de l'attaque segmentale sur la pente descendante de la conguration en montée-descente.

Il faut noter que la façon dont nous avons calculé la pente est diérente par rap-port à la méthode employée par la plupart des chercheurs dans le cadre de la Théorie Metrique-Autosegmentale. En fait, la pente de f0 est souvent calculée comme le rapport entre l'excursion de f0 et le temps de la montée (ou de la descente), car on fait l'hypo-thèse que l'interpolation entre deux cibles de spécication tonale diérente est linéaire.

Cependant, certains chercheurs dans le même cadre de travail ont utilisé des techniques plus sophistiquées an d'obtenir les mesures de pente. Par exemple, D'Imperio (2000) a remarqué qu'en napolitain, la qualité d'ajustement obtenue par la modélisation logistique est meilleure que celle obtenue par la modélisation linéaire, et donc elle utilise une régres-sion logistique pour modéliser la région entre les cibles L et H de l'accent nucléaire (voir ci-dessous pour les détails mathématiques).

Dans notre étude, nous avons examiné la pente de f0 par l'utilisation d'un modèle lo-gistique à eets mixtes (Pinheiro & Bates, 2000). Nous avons préféré utiliser une technique de modélisation similaire à celle utilisée par D'Imperio (2000) déjà pour le napolitain pour pouvoir comparer nos données avec les siennes. En fait, D'Imperio (2000) avait trouvé un eet pas clair sur la pente de la montée, car elle était plus raide dans les questions d'un locuteur, et plus douce dans les questions de l'autre. Dans notre étude, nous pouvons donc vérier si les résultats de D'Imperio (2000) peuvent être répliqués, et s'il existe une interaction entre la modalité intonative et la classe consonantique sur la pente. Il faut noter cependant que notre modélisation est diérente de celle de D'Imperio (2000). Dans D'Imperio (2000), une courbe logistique était ajustée à chaque observation, et, pour cha-cune de ces observations, l'information concernant un seul point de la courbe (le point d'inexion) était extraite. Dans notre modèle, la courbe dans son ensemble est modélisée, ce qui nous permet de contrôler de plus près les eets de la modalité intonative et de la classe consonantique sur la courbe de f0. Par exemple, on pourrait supposer que la classe consonantique provoque des variations de la valeur mélodique de L1, et que, pour atteindre la cible H successive, la f0 soit soumise à une accélération de la vélocité de la

montée avant ou après le point d'inexion.

En d'autres termes, notre but était de vérier si les propriétés dynamiques du contour de f0 dans son ensemble sont directement inuencées par la modalité intonative et la classe consonantique, ou si leurs variations peuvent être entièrement prévisibles par les ajustements mélodiques ou d'alignement des cibles tonales. Pour cela, nous avons extrait les valeurs de f0 de 20 points équidistants dans la région de f0 incluse entre les cibles L1 et H, pour la pente montante (g. 2.5, à gauche) et dans la région incluse entre H et L2, pour la pente descendante (g. 2.5, à droite).

Figure 2.5 Schématisation des 20 points de f0 extraits entre L1 et H (pour la montée) et entre H et L2 (pour la descente).

Ces deux portions de f0 ont été modélisées par l'utilisation de la fonction logistique suivante :

f(α, β, λ, θ, x) = α + β−α 1 +exp[(x−λ)/θ]

(2.1)

où α représente l'asymptote horizontale à droite (les valeurs maximales de f0, ou topline), β l'asymptote horizontale à gauche (les valeurs minimales de f0, ou baseline),

λ le point d'inexion de la courbe (à mi-chemin entre α et β) et θ la diérence entre la valeur correspondante à 0.75α et λ (et donc, la vitesse de la montée). La représentation de la courbe logistique est illustrée dans la g. 2.6.

Figure 2.6 Exemple de courbe logistique

De façon similaire aux modèles linéaires (par. 2.2.5), dans les modèles non linéaires à eets mixtes, les eets aléatoires représentent des déviations de la moyenne de la popula-tion qui ne sont pas expliquées par les facteurs de traitement. Pour vérier si un ou plus des quatre paramètres de la courbe logistique sont inuencés par la classe consonantique et la modalité intonative, nous avons adopté la procédure suivante.

D'abord, nous avons utilisé un modèle logistique à eets aléatoires, dans lequel la modélisation de la courbe ne prenait pas en compte l'existence d'eets possibles des deux variables prédictives. Ensuite, les deux variables ont été ajoutées progressivement dans le modèle, pour chacun de ces quatre paramètres. La validité de l'inclusion des facteurs xes a été évaluée par une série de tests de vraisemblance (ANOVA). En statistique, le test de vraisemblance est souvent utilisé pour comparer des modèles deux à deux, et il s'applique uniquement à des modèles emboîtés (un des deux modèles en question comprend un sous-ensemble des paramètres de l'autre). Le facteur xe est retenu uniquement lorsqu'il modie de façon signicative l'ajustement du modèle aux données. Sinon, il est supprimé et le modèle aléatoire est préféré.