Comme décrit précédemment, l’usinage met en jeu des phénomènes complexes qu’il est important de comprendre afin de prévoir au mieux la durée de vie des matériaux qui en découle, ce qui conduit à l’intérêt porté sur la modélisation du comportement des matériaux. L’étude de l’usinage peut se faire à l’aide d’une approche multi-échelles, permettant de limiter le nombre de phénomènes à prendre en compte et réduisant la taille du modèle ainsi que les temps de calcul. Les différentes échelles sont : • L’échelle macroscopique. A cette échelle, l’interaction outil/pièce est considérée dans sa globalité. Cela permet l’étude des vibrations pendant la coupe pouvant générer une diminution de la durée de vie de l’outil ou une altération de l’état de surface ; • L’échelle mésoscopique. A cette échelle, l’étude est focalisée sur l’interaction ou-til/pièce pour, classiquement, déterminer les efforts de coupe facilement "accessibles" d’un point de vue expérimental. Cette échelle permet aussi l’étude des phénomènes thermiques mis en jeu lors de la coupe ; • L’échelle microscopique. Les modifications microstructurales au cours de la coupe y sont étudiées. L’étude porte sur la détermination des différentes intégrités de surface, nous avons donc décidé de nous focaliser sur les approches aux échelles mésoscopique et microscopique. 1.3.1. L’échelle mésoscopique A cette échelle, les approches par éléments finis sont couramment utilisées. En effet, ces méthodes permettent de résoudre des problèmes avec des conditions aux limites complexes prenant en compte le couplage thermodynamique, en résolvant simultanément : • L’équation d’équilibre mécanique ρx..=divσ+fv (1.17) avec ρ la masse volumique du matériau, x.. le vecteur accélération et fv les forces volumiques. • Le flux de chaleur pris en compte par l’équation de chaleur ρc∂T ∂t =λ ∂2T ∂x2 +r (1.18) avecλ la conductivité thermique etr une source de chaleur. • La loi de comportement du matériau, couramment la loi thermo-élasto-visco-plastique de Johnson-Cook [50]. Cette loi considère un matériau isotrope et prend en compte un écrouissage isotrope σeq =A+Bneq(1 +Cln[.eq]) " 1− T −T0 Tf −T0 !m# (1.19) avec A, B, C, n et m des constantes matériau à déterminer, eq la déformation plas-tique équivalente, .eq la vitesse de déformation plastique, T0 et Tf respectivement Pour la modélisation de l’usinage, deux approches utilisent cette méthode : 1. Une modélisation complète de la coupe ; 2. Une approche mixte semi-analytique. 1.3.1.1. La modélisation complète de la coupe Les éléments finis permettent de prendre en compte des conditions aux limites complexes ainsi qu’un couplage des phénomènes tribologiques et mécaniques. Cette méthode permet ainsi de modéliser l’arrachement du copeau de la surface usinée par la coupe en fonction de la géométrie de l’outil, des propriétés mécaniques de la pièce, des propriétés thermiques de la pièce et de l’outil ainsi qu’un modèle de friction pour gérer l’interface outil/pièce. Ainsi, les champs de contraintes et de températures lors de la coupe peuvent être connus (voir figure 1.19). Par la suite, une relaxation des contraintes peut être effectuée pour déterminer les contraintes résiduelles après usinage. a) b) c) d) Figure 1.19 : Répartition de la température, (a) et (c) et de la contrainte équivalente, (b) et (d), lors de la formation du copeau (a) et (b), puis en phase de déformation (c) et (d) dans un alliage de titane [51]. L’intérêt de la modélisation de l’enlèvement du copeau est dans l’optimisation du procédé. En effet, la formation de certains types de copeaux, comme les copeaux continus, peut avoir un effet néfaste sur la pièce finie ainsi que sur l’outil [52, 53]. Néanmoins, cette approche est extrêmement coûteuse en terme de temps de calcul. Les lois de comportement sont aussi limitées pour réduire ce temps de calcul affectant l’aspect prédictif des contraintes résiduelles de la pièce usinée [54]. 1.3.1.2. L’approche semi-analytique L’approche semi-analytique de la coupe, initialement développée par Valiorgue et al. [54, 55], consiste à simplifier la géométrie et les conditions aux limites du problème en étudiant seulement la surface usinée, sans le copeau. Par une étude préliminaire, ce chargement est réduit à (voir figure 1.20) : 1. Un chargement thermique avant le passage de l’outil dû à la déformation du copeau et surtout à la chaleur évacuée par ce copeau dans le reste de la pièce ; 2. Un chargement thermomécanique dû aux efforts de coupe et au frottement de l’outil sur la pièce. Figure 1.20 : Adaptation du modèle 3D en éléments finis classiques vers l’approche semi-analytique. Les chargements thermiques et mécaniques sont déterminés analytiquement. Dans les travaux de Guillemot [45], la seconde étape du modèle consistant en un calcul thermo-mécanique peut être découplée. L’effet de la thermo-mécanique sur la thermique n’est donc pas pris en compte. Ceci se justifie par l’absence de prise en compte du copeau absorbant la majorité de la quantité de chaleur produite lors de l’usinage. 1.3.2. Les approches microscopiques Les approches microscopiques tiennent compte du caractère hétérogène des matériaux et sont basées sur l’étude des interdépendances microstructure-propriétés mécaniques. En effet, l’anisotropie élastique et plastique des phases a un impact sur la réponse macro-scopique du matériau. Ainsi, les modifications microstructurales mises en jeu lors de l’usi-nage vont influencer la réponse macroscopique du matériau. De plus, en ce qui concerne les matériaux multiphasés, la réponse mécanique est différente d’une phase à l’autre. Ces hétérogénéités semblent donc importantes à caractériser pour l’étude de l’intégrité de surface. Diverses approches existent pour la modélisation micro-mécanique des procédés, se diffé-renciant sur la façon de représenter la microstructure : • La représentation discrète de la microstructure. Nous y retrouvons la méthode des éléments finis permettant l’implémentation de la plasticité cristalline [56, 57]. Ce-pendant, ces calculs sont chronophages [58]. Etant donné la lourdeur des calculs réalisés en simplifiant la loi de comportement du matériau pour la modélisation de l’usinage, il semble compliqué d’étendre le modèle à des lois de comportement plus robustes incluant le caractère hétérogène de la matière ; • La représentation statistique de la microstructure. Nous y retrouvons les méthodes d’homogénéisation du comportement du matériau [59]. Celles-ci consistent, à partir de comportement monocristallin, à déterminer le comportement macroscopique du matériau en utilisant une loi de mélange. Ces méthodes ont aussi l’avantage d’être moins chronophages. Néanmoins, ces modèles ne permettent pas de prendre en compte des conditions aux limites complexes. L’intérêt de ces méthodes va principalement résider dans la liaison entre les contraintes résiduelles modélisées et celles déterminées par DRX. En effet, le volume étudié pour cette modélisation peut être facilement assimilé au volume irradié par le faisceau de rayons X. Par ailleurs, cette modélisation micro-mécanique permet non seulement d’extraire les valeurs de contraintes/déformations de chaque phase du matériau, mais aussi les champs mécaniques des grains d’une même phase ayant un plan cristallographique de même orientation macroscopique. Ce dernier avantage crée un lien fort entre la modélisation micro-mécanique et la détermination de contraintes par diffraction des rayons X, dont le principe est présenté dans le chapitre suivant. Dans le document Influence des transformations surfaciques induites par traitements thermomécaniques sur la tenue en fatigue du Ti-10V-2Fe-3Al (Page 42-46)