2.4 Les différents procédés de mise en forme du Ti-10V-2Fe-3Al étudiés
3.2.2 L’expertise des faciès de rupture
L’expertise des faciès de rupture permet de déterminer le point d’initiation de fissure et
donc de conclure sur la validité de l’essai.
3.2.2.1. Les différents usinages
Nous étudions tout d’abord ces faciès de rupture pour les éprouvettes usinées (lots 1 à
4).
Premièrement, nous nous focalisons sur le lot 2, qui présente une grande dispersion sur
les essais. Les différents essais effectués sur cette série ont abouti trois fois à la rupture de
l’éprouvette. Concernant les deux essais àσ
impmax
= 1200M P a, l’étude du faciès de rupture
montre un amorçage en surface hors de la zone utile (exemple d’un faciès sur la figure
3.46). Ceci nous permet de conclure à la non validité de ces deux essais.
Pour le dernier essai, nous remarquons sur la figure 3.47 que la rupture a eu lieu dans
la zone utile. Cependant, nous constatons que l’amorçage a eu lieu au niveau d’une
rayure marquée non parallèle aux stries d’usinage. Nous pouvons donc nous interroger
sur l’origine de cette rayure et, par conséquent, sur la validité de l’essai.
Concernant les trois autres séries d’usinage (lots 1, 3 et 4), nous observons une rupture
en sous-couche pour tous les essais ayant aboutis à la rupture (figure 3.48). Par ailleurs,
ces ruptures ont lieu dans la zone utile des éprouvettes, validant ainsi les essais.
(1) (2)
Figure 3.46 : Faciès de rupture obtenu pour le lot 2 (σ
impmax
= 1200M P a, nombre de cycles
avant rupture = 3,55.10
4). Vue globale (1) et zoom en vue inclinée à 30
◦(2).
(1)
Rayure à l'origine
de la rupture
(2)
Figure 3.47 : Faciès de rupture obtenu pour le lot 2 (σ
maximp= 1100M P a, nombre de cycles
avant rupture = 4,09.10
4). Vue globale (1) et zoom en vue inclinée à 30
◦(2).
Avec un grandissement plus important, nous pouvons étudier plus précisément l’amorçage
de fissures de chacun de ces lots. Nous constatons que tous ces faciès ont la même allure.
L’initiation provient d’une décohésion intergranulaire, plus précisément d’une décohésion
de l’interface entre les nodules en phase α et la matrice. Cette conclusion provient de
l’observation de facettes lisses (figure 3.49).
Ce même type d’amorçage a été observé sur cet alliage dans les travaux de Luquiau
[95], lors d’essais de fatigue en traction/compression (R
σ=-1). Cet auteur explique la
raison d’un amorçage à cette interface par une accumulation de déformation plastique
dans les nodules, ce qui entraîne de fortes contraintes liées à l’accommodation de cette
déformation.
(1) (2)
(3)
Figure 3.48 : Faciès de rupture obtenus pour le lot 1 (1), le lot 3 (2) et le lot 4 (3). La
contrainte maximale pour chaque lot estσ
maximp= 1200M P aet le nombre de cycles avant
rupture de chaque éprouvette est respectivement de 9,22.10
5, 1,01.10
6, 2,68.10
5.
Figure 3.49 : Faciès de rupture obtenue pour le lot 1. La contrainte maximale pour
Nous avons par ailleurs déterminé la profondeur où l’amorçage a eu lieu pour les différentes
éprouvettes rompues (tableau 3.8). Dans la mesure où l’amorçage a eu lieu sur un nodule
allongé, la profondeur est définie par les deux extrémités du nodule.
Lot σ
impmax
(MPa) nombre de cycles profondeur (µm)
Lot 1 1200 9,22.10
555 à 135
1100 9,96.10
545 à 75
Lot 3 1200 1,01.10
610 à 55
1200 1,06.10
625 à 50
1100 1,38.10
630 à 65
1050 1,64.10
640 à 50
1050 1321425 10 à 25
Lot 4 1200 2,68.10
525 à 60
1100 7,50.10
550 à 150
1100 1,29.10
695 à 150
Tableau 3.8 : Récapitulatif des profondeurs où l’amorçage a eu lieu pour les lots 1, 3 et
4.
Maintenant que l’expertise des faciès de rupture est réalisée, nous pouvons conclure sur
la comparaison entre ces usinages. Les résultats associés aux lots 2 sont limités aux
éprouvettes n’ayant pas rompu au bout des 2.10
6cycles. Ainsi, nous pouvons noter un
essai àσ
impmax
= 1100M P a, n’ayant pas rompu, cela laisse penser à une limite d’endurance
minimale proche de celle associée au lot 1.
La figure 3.44 peut donc être retracée en ne prenant en compte que les essais valides (figure
3.50). Nous remarquons sur cette figure que les évolutions σ
maxen fonction du nombre
de cycles suivent deux tendances. Les lots 1 et 3 ont un fort abattement et le lot 4 a un
abattement plus faible. Cela laisse penser à une meilleure tenue des structures usinées
avec une plus faible avance par dent dans le domaine de l’endurance limitée (inférieur à
10
6cycles). Cependant, il serait intéressant de le confirmer avec des résultats valident sur
le lot 2.
Pour déterminer la limite d’endurance, nous avons noté dans le chapitre 2 différents
modèles d’approximation de la courbe de Wöhler. Nous avons opté pour l’utilisation du
modèle de Stromeyer qui limite le nombre de paramètres à déterminer. En effet, en raison
d’un manque de statistique (faible nombre d’essais réalisés et valides), l’approximation
de nos données expérimentales par ces modèles est délicate.
Pour mémoire, l’approximation de la courbe de Wöhler par le modèle de Stromeyer est
la suivante
log(N) =a−b.log(σ−σ
D) (3.8)
Nous obtenons les limites d’endurance récapitulées dans le tableau 3.9. Cette méthode
n’est donc pas adaptée pour l’analyse du lot 3 (limite d’endurance négative) et elle aboutie
sur un écart type fort pour le lot 4.
950
1000
1050
1100
1150
1200
1250
10000 100000 1e+06 1e+07
σmax
en MPa
Nombre de cycles
Lot 1
Lot 2
Lot 3
Lot 4
Figure 3.50 : Evolution contrainte-nombre de cycles pour les différents usinages en ne
prenant en compte que les essais valides.
Lot 1 Lot 3 Lot 4
Modèle Stromeyer 1054 ± 31 MPa x 988 ± 202 MPa
Seuil maximal 1050 MPa 1000 MPa 1050 MPa
Tableau 3.9 : Limite d’endurance σ
max,∞des lots 1, 3 et 4.
Nous avons donc choisi d’utiliser comme limite d’endurance la valeur du seuil de contrainte
maximale n’ayant pas abouti à la rupture d’éprouvette (tableau 3.9).
Il faut tout de même garder à l’esprit que la quantité d’éprouvettes n’est pas assez
consé-quente pour faire une étude approfondie de la tenue en fatigue de ces différents usinages.
De plus, le faible écart entre les lots 1, 3 et 4 rend la conclusion délicate.
Par ailleurs, les limites obtenues sont proches de la limite d’élasticité du matériau (1050
MPa). Il n’est donc pas exclu d’avoir généré de la plasticité sur les couches de surface.
Il serait intéressant de poursuivre ces analyses avec éventuellement une augmentation du
nombre de cycles à 10
7pour montrer de plus amples différences entre les réponses des
3.2.2.2. L’impact du ragréage
Nous avons remarqué sur la figure 3.45 une forte diminution de la durée de vie associée
au ragréage (comparée à celle obtenue pour l’usinage de référence). L’étude des faciès de
rupture associés à ce procédé a montré que les amorçages ont lieu en surface sur la zone
utile pour ces éprouvettes (figure 3.51). Nous remarquons sur cette figure que l’amorçage
provient d’un défaut surfacique.
Figure 3.51 : Faciès de rupture obtenus pour le lot 6. La contrainte maximale estσ
maximp=
1100M P a et le nombre de cycles avant rupture de l’éprouvette est 3,52.10
4.
L’expertise sur les faciès de rupture des éprouvettes ragréées valide nos essais de fatigue
sur ce lot. Il est donc maintenant envisageable de définir la limite d’endurance de ces
séries. Comme précédemment, il semble délicat de déterminer les limites d’endurance en
utilisant le modèle de Stromeyer pour déterminer la limite d’endurance avec le nombre
de points expérimentaux que nous avons (tableau 3.10). Cette méthode semble converger
pour ces lots 1 et 6. Pour plus de cohérence avec les calculs de limites d’endurance effectués
pour les usinages, nous allons prendre en compte le seuil maximal de contraintes pour les
éprouvettes non rompu (tableau 3.10).
Lot 1 Lot 6
Modèle Stromeyer 1054 ± 31 MPa 949 ± 13 MPa
Seuil maximal 1050 MPa 950 MPa
Dans le document
Influence des transformations surfaciques induites par traitements thermomécaniques sur la tenue en fatigue du Ti-10V-2Fe-3Al
(Page 114-120)