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Modélisation de la dynamique de la matière organique et du flux de carbone

Chapitre II : La modélisation de la respiration du sol

1. Description des modèles

1.2. Approche semi-mécaniste

1.2.1. Modélisation de la dynamique de la matière organique et du flux de carbone

Le module Rh est largement inspiré du module de bilan carbone du modèle CENTURY de

Parton et al. (1987). Ce modèle a été initialement développé et validé en termes de dynamique de stock de carbone pour des prairies en Amérique du nord. Il a ensuite été appliqué et validé sur des écosystèmes forestiers (Sanford Jr et al. (1991) ; Epron et al. (2001) ; Brechet (2009)). Les simulations issues du modèle CENTURY ont été comparées et validées en termes de stock de carbone pour différents écosystèmes (Parton et al. (1987) ; Parton et al. (1988) ; Parton et al. (1996) ; Kelly et al. (1997) ; Smith et al. (1997)). Des études ont également montré que ce modèle,

initialement conçu pour des prédictions au pas de temps mensuel, pouvait être appliqué avec succès au pas de temps journalier (Parton et al. (1998) ; Del Grosso et al. (2005a), Waelbroeck (1995)).

Le module Rh divise la matière organique du sol en un ensemble compartimenté comme cela est

classiquement reconnu et modélisé.

La litière du sol (en surface) et la matière organique du sol (enfouie), qui présentent des cinétiques de décompositions différentes, sont traitées différemment dans le module Rh. La

litière est modélisée comme un apport de carbone organique qui suit des processus de décomposition jusqu’à intégrer une fraction stable de la matière organique du sol. Les micro- organismes sont également modélisés comme un compartiment de la matière organique dit « actif ». Cette hypothèse ne permet pas de prendre en compte le type de communauté microbienne ni la dynamique de carbone lié à un changement d’activité microbienne.

L’horizon de surface contenant les résidus foliaires de culture comporte 3 compartiments de carbone : un compartiment métabolique de surface (résidus foliaires), un compartiment structural de surface (résidus foliaires) et un compartiment microbien (actif) de surface associés aux résidus foliaires. Dans le modèle de base CENTURY, chacune des épaisseurs de sol contient 5 compartiments de carbone organique : un compartiment métabolique de sol (résidus racinaires), un compartiment structural de sol (résidus racinaires), un compartiment microbien (actif) de sol associé aux microbes de la biomasse racinaire, un compartiment « lent » et un compartiment « passif » (Figure II-3).

La matière organique des résidus racinaires et foliaires a été séparée en fractions métaboliques et structurales sur la base de dosages effectués en laboratoire. La fraction métabolique est caractérisée par un temps de résidence court dans le sol (quelques années), alors que la fraction structurale, constituée de cellulose, d’hémicellulose et de lignine des résidus (constituants des parois végétales résistants à la décomposition), est caractérisée par un temps de résidence long (dizaine à centaine d’années) dans le sol.

L’ensemble des compartiments est caractérisé par des taux de décomposition « K » (Figure II-1) et des temps de résidence du carbone différents. Le compartiment actif est associé à un temps de résidence du carbone de quelques années, le compartiment « lent » représente une fraction du carbone protégée et plus résistante à la décomposition, associée à un temps de résidence d’une vingtaine d’année et le compartiment « passif » est composée du carbone physiquement protégé ou chimiquement résistant contre la décomposition avec un temps de résidence associé de plusieurs centaines d’année.

Il faut bien noter que les différents compartiments de carbone ne sont pas des compartiments physiquement distincts dans le sol. En réalité, le sol est un mélange de matière organique de tous les compartiments, à tous les stades de décomposition. Dans le module, on distingue le sol en compartiments répartis le long d’horizons verticaux de sol. Cependant, aucun transfert de matière n’est simulé entre les différents horizons de sol, seul l’horizon de surface alimente certains réservoirs du sol. On suppose que tout le CO2 produit dans un horizon est nécessairement émis en surface.

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Figure II-1: Coefficient de décomposition de la matière organique du sol en fonction des différents compartiments de C organique (Waelbroeck (1995)).

Les flux de carbone sont contrôlés par les facteurs abiotiques que sont la teneur en eau et la température dans chacun des horizons de sol. Deux fonctions modulent la valeur du taux de décomposition maximal selon les valeurs de ces facteurs abiotiques (Aw pour l’humidité et At

pour la température). La température de l’air et l’humidité surfacique agissent directement sur les flux issus de la litière du sol. Les températures et humidité de sol à différentes profondeurs agissent sur les flux issus des différents horizons de sol.

Les équations de réduction décrivant l’action de la température et de l’humidité du sol ont toutes deux été modifiées par rapport à celles initialement présentes dans le modèle CENTURY. L’optimum de température d’activité des micro-organismes était fixé à 35 °C dans la version initiale de CENTURY (prairies). Pour des agro-écosystèmes, et des populations microbiennes différentes, l’optimum de température d’activité a été placé entre 20 °C et 30 °C d’après La Scala

et al. (2003), Pietikäinen et al. (2005), Izaurralde et al. (2006). Sur cette gamme de valeur, le facteur

At prend une valeur de 1 (Figure II-2).

Le Q10 à 20 °C a été fixé à 2,3 pour rendre compte de la sensibilité à la température de la

composante de respiration hétérotrophe selon les travaux antérieurs de Hartley et al. (2007) ; Kutsch and Kappen (1997) et Suleau (2009).

Les équations décrivant l’action de l’humidité du sol ont été modifiées dans le but de prendre en compte les effets restrictifs de la saturation en eau du sol sur le flux de respiration (Figure II-2). Cette paramétrisation est nécessaire dans le cas d’agro-écosystèmes irrigués ou de sols mal drainés. L’objectif est d’obtenir une fonction capable de modéliser les effets négatifs des taux très élevés d’humidité. Ainsi, l’équation originelle du modèle CENTURY a été conservée quand la réserve en eau varie entre 0 et 1 (humidité du sol inférieure à la capacité au champ), et une équation polynomiale d’ordre 2 ajustée sur les mesures effectuées en période de saturation en eau du sol durant une année de mesure fait décroître le facteur Aw lorsque le sol est saturé

d’une forêt tropicale. L’équation développée est similaire mais les valeurs des paramètres ont été adaptées.

Figure II-2 : Variation des fonctions de réductions associées aux facteurs abiotiques de température et d'humidité agissant sur la décomposition de la matière organique.

Les équations de réduction utilisées pour modéliser les variations de ces facteurs abiotiques sont : Si Ts < 20 °C 𝐴𝑡 = 45 − 𝑇𝑠 45 − 20 2,5 ∗ exp⁡ 1,25 ∗ 1 − 45 − 𝑇𝑠 45 − 20 2,5 (III.8.) Si 20 °C< Ts < 30 °C 𝐴𝑡= 1 (III.9.) Si Ts > 30 °C 𝐴𝑡 = 45 − 𝑇𝑠 45 − 25 2,5 ∗ exp⁡ 1,25 ∗ 1 − 45 − 2545 − 𝑇𝑠 2,5 (III.10.) Si θs < θcc 𝐴𝑤 = 1 1 + 30 ∗ 𝑒𝑥𝑝−8.5∗ 𝜃𝜃𝑐𝑐𝑠−𝜃−𝜃𝑚𝑖𝑛𝑚𝑖𝑛 (III.11.) Si θs > θcc 𝐴 𝑤 = −7,84 ∗ 𝜃𝑠− 𝜃𝑚𝑖𝑛 𝜃𝑐𝑐 − 𝜃𝑚𝑖𝑛 2 + 15,84 ∗ 𝜃𝑠− 𝜃𝑚𝑖𝑛 𝜃𝑐𝑐− 𝜃𝑚𝑖𝑛 − 7 (III.12.)

De plus, les flux de carbones entre les compartiments peuvent être modulés par la texture du sol (Tex) et la qualité biochimique des résidus et notamment de leur contenu en lignine (Lig) en fonction des compartiments concernés. Plus précisément, la teneur en argile joue un rôle de protection de la matière organique du sol et conditionne l’accessibilité du substrat pour les micro-organismes décomposeurs. La vitesse de stabilisation de la matière organique du sol

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augmente avec la teneur en argile et la texture du sol conditionne les contenus en eau et air, donc les flux d’eau et d’air, et de fait, les flux de CO2 dans le sol. Une forte teneur en lignine des résidus entraine une protection chimique de la matière organique végétale qui est alors plus difficilement décomposable.

La décomposition de chaque compartiment de carbone suit une équation de cinétique du premier ordre pondérée par la température (At), l’humidité (Aw) et, en fonction des

compartiments par la texture (Tex) et le contenu en lignine des résidus (Lig). Ainsi : 𝑑𝐶

𝑑𝑇= 𝐿𝑖𝑔 ∗ 𝐴𝑡∗ 𝐴𝑤∗ 𝐾 ∗ 𝐶 (III.13.) pour les compartiments structuraux associés aux résidus racinaires et foliaires,

𝑑𝐶

𝑑𝑇 = 𝑇𝑒𝑥 ∗ 𝐴𝑡∗ 𝐴𝑤∗ 𝐾 ∗ 𝐶 (III.14.) pour les compartiments actifs de sol,

𝑑𝐶

𝑑𝑇= 𝐴𝑡∗ 𝐴𝑤∗ 𝐾 ∗ 𝐶 (III.15.) pour les autres compartiments.

A chaque cinétique de décomposition de la matière organique sont associés des transferts de carbone entre les différents compartiments du modèle. Les liens entre les réservoirs sont représentés par les flèches de la Figure II-3. Les résidus foliaires de l’horizon de surface se dégradent et alimentent directement le compartiment de carbone microbien associé. La lignine contenue dans le compartiment structural difficilement décomposable alimente directement le compartiment de carbone lent de l’horizon sous-jacent. La matière organique préalablement décomposée issue du compartiment actif de surface est également intégrée au compartiment de carbone lent de l’horizon de sol sous-jacent.

Au sein d’un même horizon de sol, comme pour l’horizon de surface, les compartiments structural et métabolique des résidus racinaires alimentent directement le compartiment actif correspondant de l’horizon considéré. La lignine contenue dans les compartiments structuraux de sol alimente aussi le compartiment de carbone lent. Enfin, une partie du carbone des compartiments microbiens du sol est perdue par lessivage et intègre les compartiments lent et passif du même horizon de sol.

A chaque transfert de matière organique est associée une perte de CO2 correspondant à la respiration des microbes (R). La part des transferts de carbone entre les compartiments correspondant à la perte sous forme de CO2 est représentée par un coefficient (q) variant de 30 %

à 85 % modulé par les facteurs abiotiques de texture du sol (Tex) et les facteurs biotiques de qualité biochimique (Figure II-4). La respiration hétérotrophe est la somme des flux respirés par l’ensemble des compartiments.

𝑅 = 𝑞 ∗ 𝐿𝑖𝑔 ∗ 𝐴𝑡∗ 𝐴𝑤 ∗ 𝐾 ∗ 𝐶 (III.16.) pour les compartiments structuraux associés aux résidus racinaires et foliaires,

𝑅 = 𝑞 ∗ 𝑇𝑒𝑥 ∗ 𝐴𝑡∗ 𝐴𝑤∗ 𝐾 ∗ 𝐶 (III.17.)

pour les compartiments actifs de sol,

𝑅 = 𝑞 ∗ 𝐴𝑡∗ 𝐴𝑤∗ 𝐾 ∗ 𝐶 (III.18.) pour les autres compartiments.

Pour simuler l’effet du labour sur la dynamique des stocks et des flux de carbone d’un sol agricole, trois compartiments supplémentaires ont été ajoutés à chaque horizon de sol : un compartiment structural et un compartiment métabolique liés aux résidus foliaires et un compartiment microbien associé correspondant à la population liée aux résidus foliaires. Ces trois compartiments supplémentaires ont été créés afin de modéliser l’enfouissement des résidus de culture à différentes profondeurs dans le sol au moment du labour (Figure II-5).

L’enfouissement des résidus aériens de culture est distribué de manière non équitable et non linéaire entre les différents horizons. La distribution est notamment influencée par la profondeur du labour (30 cm, 15 cm) et la mise en place ou non du retournement des couches de sol.

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Figure II-3 : Schéma structurel originel du modèle représentant les flux de CO2 (flèches) entre les différents compartiments de carbone pour les 4 horizons considérés.

Figure II-4 : Schéma structurel originel du modèle représentant les pertes de CO2 (flèches rouges) entre les différents compartiments de carbone pour l’horizon de surface et le premier horizon de sol. Les pertes sont modélisées comme une part du transfert de carbone entre compartiment qui est perdu sous forme de CO2. Cette

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Figure II-5 : Schéma structurel du modèle développé représentant les flux de CO2 (flèches) entre les différents compartiments de carbone pour les 4 horizons de sol considérés. Les compartiments encadrés en pointillés ont été