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Chapitre I : La respiration du sol dans les agro-écosystèmes

2. Mesurer et modéliser pour mieux maîtriser

2.1. Mesurer les flux

Les scientifiques ont besoin de mesurer les émissions de gaz à effet de serre issus des exploitations agricoles afin d’identifier leur sources, leurs fluctuations et les leviers pouvant servir à leur réduction.

Parmi les différents gaz dont il est important de mesurer les émissions, le CO2 issu des sols agricoles est l’une des variables primordiales à identifier dans le bilan de GES.

Mesurer la respiration du sol n’est pas facile. En effet, la respiration du sol est très variable dans le temps, selon les conditions climatiques, les saisons, les pratiques agricoles. Elles peuvent être très faibles durant plusieurs jours, et très importantes le jour suivant. La dynamique non linéaire de la croissance racinaire et le développement des microbes varient au cours de la saison en fonction de la température et de l’humidité.

Les flux de CO2 varient également dans l’espace, et se répartissent de manière irrégulière dans le

champ. Cette variabilité spatiale s’explique par les mécanismes physiques de diffusion du CO2

dans le sol et par l’importance des mécanismes biologiques, fonction des sources de CO2. La

répartition de la densité de population microbienne et racinaire ainsi que la variabilité spatiale de la texture, de la structure et de la porosité du sol agissent sur la distribution hétérogène des sources de respiration.

Différentes méthodes de mesure de la respiration du sol ont été développées : petites enceintes, grandes enceintes, tours instrumentées, sondes de mesure de concentration dans les sols (Figure I-2). Aucune méthode n’est parfaite, mais chacune a un rôle précis, ses avantages et ses limites. La combinaison de différentes méthodes de mesure permet d’obtenir des estimations de la respiration du sol à plusieurs échelles spatiale et temporelle.

Figure I-2 : Différents systèmes de mesure de la respiration du sol et leur représentativité spatio-temporelle.

La méthode de mesure la plus communément utilisée est celle des échanges gazeux. Elle consiste à placer une chambre sur la surface du sol et à mesurer l’accumulation de CO2 à

l’intérieur durant un certain temps. Cette accumulation correspond au flux de respiration du sol. Cette méthode à l’avantage de mesurer les flux de manière rapide mais est liée à de nombreux problèmes de perturbation des conditions atmosphériques à la surface du sol menant à des différences de mesures très importantes entre différentes études.

La respiration du sol peut également être mesurée à l’aide de sonde de concentration en CO2

installées de manière à mesurer les concentrations le long d’un profil de sol. Ce système, fonctionnant à haute fréquence temporelle nécessite la connaissance du coefficient de diffusion du CO2 dans le sol et n’est donc pas un système « clé en main » pour connaitre le flux de

respiration en surface.

Les tours à flux permettent d’estimer le flux nets de CO2 de l’écosystème au dessus de la surface

du sol par une approche micro-météorologique. Ce système a pour avantage de ne pas perturber le sol et permet de calculer les flux sur une grande surface.

Avec la méthode des fluctuations turbulentes (EC pour « Eddy Covariance » en anglais), les flux de CO2 sont mesurés de manière continue dans le temps, avec une acquisition faite toute les demi-heures. Ces mesures sont représentatives des échanges de CO2 à l’intérieur d’un « footprint », c'est-à-dire d’une empreinte délimitée notamment par la vitesse et l’orientation des vents. Cette empreinte représente une surface de plusieurs centaines de m².

En pratique, c’est l’échange net de l’écosystème (NEE), qui représente la différence entre le CO2 émis et le CO2 capté par l’écosystème, qui est mesuré :

33 Mesurer et modéliser pour mieux maîtriser

𝑁𝐸𝐸 = 𝐺𝑃𝑃 − 𝑅é𝑐𝑜

(I.2.) Où Réco, la respiration totale de l’écosystème représente l’émission de carbone du sol et de la

plante.

𝑅𝑎= 𝑅𝑎𝑎 + 𝑅𝑎𝑟

(I.3.) 𝑅é𝑐𝑜 = 𝑅𝑎+ 𝑅𝑕 = 𝑅𝑎𝑎 + 𝑅𝑎𝑟 + 𝑅𝑕 = 𝑅𝑎𝑎 + 𝑅𝑠 (I.4.)

Où Ra est la respiration autotrophe de l’écosystème, décomposée en Raa, la respiration

autotrophe de la plante au dessus du sol et Rar, la respiration autotrophe des racines dans le sol.

Rh est la respiration hétérotrophe du sol.

La GPP est la productivité primaire brute (« Gross Primary Production » en anglais), c'est-à-dire qu’elle rend compte du taux de photosynthèse brut du couvert et correspond directement à une fixation de carbone au sein de l’écosystème, sans tenir compte des pertes par respiration foliaire. En période de sol nu, la GPP ainsi que la respiration de la plante hors sol sont nécessairement nulles. Le flux de NEE mesuré avec le système d’EC correspond donc directement à la respiration du sol, et plus précisément à la respiration hétérotrophe du sol (Figure 0-4).

Il est encore difficile d’estimer l’efficacité des pratiques expérimentales et aucune méthode n’a encore été reconnue comme méthode de référence et de nombreuses comparaisons ont déjà été réalisées (Le Dantec et al. (1999); Tang et al. (2003), Pumpanen et al. (2004); Prevost-Boure (2008)). De plus, les scientifiques ne pourront jamais recueillir suffisamment de mesures sur des périodes assez longues et sur d’assez grandes surfaces pour comprendre la dynamique du carbone uniquement via les mesures.

Bien que la respiration du sol soit une composante importante du bilan carboné, la difficulté liée à sa mesure ne permet pas sa pleine connaissance. La compréhension des mouvements rapides en lien avec les changements climatiques et l’adaptation des pratiques culturales pour une agriculture saine passe donc par des outils d’analyse et de prédiction.