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Modélisation de la respiration racinaire : module R ar

Chapitre II : La modélisation de la respiration du sol

1. Description des modèles

1.2. Approche semi-mécaniste

1.2.2. Modélisation de la respiration racinaire : module R ar

Dans le module Rar, la respiration racinaire est modélisée comme la somme d’une respiration de

croissance racinaire et d’une respiration d’entretien des tissus existants.

La respiration de croissance est calculée au pas de temps journalier et basée sur le coût de production énergétique nécessaire à la synthèse de protéines essentielles pour la construction de biomasse racinaire (Penning De Vries et al. (1974) ; Penning de Vries (1975a) ; Penning De Vries (1975b)). Elle est donc directement liée à la quantité de tissus synthétisés (Pregitzer et al. (1997) ; Pregitzer et al. (1998) ; Dufrêne et al. (2005)).

𝑅𝑐𝑟𝑜𝑖 = (𝐶𝑐𝑜𝑛𝑠 − 1) ∗ 𝐷𝐵𝑟

(III.19.) Où :

- Rcroi est la respiration de croissance en gC/m²/jour

- Ccons le coût de construction, en gC respiré par gC synthétisé, pris égal à 1,3 d’après

Agren and Axelsson (1980) et Brechet (2009)

- DBr (pour Delta de Biomasse Racinaire) est la production journalière de racines en

gC/m²/jour

La respiration d’entretien des tissus est calculée à partir du coût énergétique (Céner) des réactions

biochimiques nécessaires pour assurer le renouvellement des enzymes et de l’ensemble des protéines et donc l’entretien des organes :

𝐶é𝑛𝑒𝑟 = 𝐶𝑟𝑒𝑠𝑝 ∗ 𝑀𝐶∗ 𝑁𝑟∗ 𝐵𝑟

(III.20.) Ces vitesses de réactions biochimiques sont directement fonction de la température du sol. Pour modéliser cette dépendance, une équation de type Q10 basée sur la biochimie est utilisée.

𝑅𝑒𝑛𝑡𝑟 = 𝐶é𝑛𝑒𝑟 ∗ 𝑄10(𝑇𝑠−𝑇𝑏𝑎𝑠𝑒)/10

(III.21.) Où :

- Rentr est la respiration d’entretien en gC/m²/jour

- Cresp le coût respiratoire relatif à la quantité d’enzyme égal à 10,6.10-4 mol

CO2/gN/heure (Ryan (1991))

- MC est la masse molaire du carbone(12 gC/mol)

- Nr est la teneur en azote des racines (lié à la quantité de protéines), exprimée en gN/gMS

(gramme d’azote par gramme de matière sèche) - Q10 est pris égal à 3 d’après Bingham and Wu (2011)

63 Description des modèles

- Ts est la température moyenne journalière du sol (°C)

- Tbase est égale à 10 °C, valeur adaptée aux agro-écosystèmes présents aux latitudes

moyennes

- Br est la biomasse racinaire vivante présente dans le sol journalièrement en gMS/m²

La quantité d’azote contenue dans les racines est un indicateur de la quantité d’enzymes et de protéines actives nécessaires au fonctionnement des racines. Le modèle simule la dynamique de la quantité d’azote des racines en fonction du stade de développement de la plante de manière simple, sous forme de palier :

- Nr = 0.018 gN/gMS durant la croissance

- Nr = 0.009 gN/gMS à maturité

- Nr = 0.007 gN/gMS durant la sénescence

La composition chimique pour les composés d’azote contenu dans les racines fines du blé à différents stades de leur développement a été mesurée avec un analyseur élémentaire.

Outre le contenu en azote des racines, la phénologie racinaire doit être simulée afin de modéliser la variation saisonnière de la respiration autotrophe souterraine (respirations de croissance et d‘entretien). Il s’agit de modéliser :

- La dynamique de la croissance racinaire : afin de connaitre la production de biomasse journalière et de calculer la respiration dite de croissance.

- La mortalité racinaire considérée comme un apport de matière organique dans le sol et de connaitre la biomasse racinaire vivante effectivement présente chaque jour dans le profil de sol.

Cependant, au sein d’un écosystème cultivé, la biomasse racinaire est très variable au cours du temps en termes de quantité mais également en termes de localisation le long du profil vertical de sol, selon que l’on soit proche de la période de semis ou de celle de la récolte. De plus, la dynamique de la biomasse racinaire est particulière à chaque espèce cultivée.

Dans le cas du blé d’hiver, Barraclough and Leigh (1984) proposent une modélisation empirique de la biomasse aérienne et de la biomasse racinaire correspondante pour une culture de blé d’hiver. Ces relations ont pour variable la somme de degré jour de croissance (DJC). Le DJC est une mesure empirique utilisée pour calculer l'accumulation de chaleur qui sert à estimer la durée d'un développement biologique tel que la croissance d'une plante. Ce modèle a été comparé avec celui proposé par Baret et al. (1992) établi sur diverses variétés de blé d’hiver. Les deux modèles sont basés sur l’utilisation du rapport R/S, pour Root/Shoot en anglais, qui est le rapport évolutif au cours du temps entre la quantité de biomasse aérienne et la quantité de racine. Pour les deux approches, R/S varie entre un maximum de 0,7 jusqu’à un minimum autour de 0,1, mais les dynamiques présentent des évolutions temporelles très différentes

(Figure II-6). Au sein d’un agro-écosystème, il n’est pas envisageable d’utiliser un rapport R/S constant car la croissance de la végétation se fait de manière rapide et intense.

Figure II-6 : Modélisation du rapport R/S selon les approches de Barraclough and Leigh (1984) et de Baret et al. (1992).

Le maximum de R/S n’est notamment pas localisé au même stade de croissance pour les deux modèles, bien que l’origine de la modélisation soit fixée à la date de semis. Les valeurs maximales et minimales de R/S paramétrées sont corroborées par un certain nombre de mesures effectuées sur du blé d’hiver (Siddique et al. (1990); Baret et al. (1992) ; Kätterer et al. (1993) ; Bolinder et al. (1997)).

Les prédictions du modèle de croissance de biomasse aérienne de Barraclough and Leigh (1984) ont été comparées aux données de biomasse aérienne de blé d’hiver mesurée sur les sites de Lamothe et de Lonzée afin d’évaluer la qualité du modèle sur les données des sites d’études. Comme le modèle de croissance apparaît très bien corrélé aux mesures de biomasse aérienne (Figure II-7), le rapport R/S est formalisé suivant l’approche de Barraclough and Leigh (1984) jusqu’à une somme de DJC de 1500 °C. A partir de ce moment, le R/S ne décroit plus, mais réaugmente. A partir de 1500 °C, le R/S est paramétré suivant l’approche de Baret et al. (1992) pour atteindre une valeur minimale de 0,1 (Figure II-8).

Des auteurs, comme Equiza et al. (2001) affirment qu’il existe une différence morpho- anatomique et physiologique entre des cultivars de printemps et d’hiver. Swinnen et al. (1995b) montrent des différences entre les croissances de racines d’un cultivar d’hiver et d’un cultivar de printemps :

- La biomasse racinaire est deux fois plus importante pour le cultivar de printemps

- La croissance de la biomasse racinaire du cultivar de printemps est plus rapide mais ralentit plus rapidement après le maximum de biomasse

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Figure II-7 : Comparaison des biomasses aériennes mesurées et simulées par le modèle de Barraclough (1984) en fonction du développement phénologique de la plante, pour les sites de [a] Lamothe et [b] Lonzée.

Germida and Walley (1996) mesurent un R/S de 1,19 (56 jours après semis) pour une culture de blé de printemps sans traitement particuliers.

Ainsi, la dynamique et les valeurs du R/S pour le blé de printemps ne peuvent être paramétré de la même manière sur les sites cultivés avec du blé d’hiver. Le R/S pour le blé de printemps a été ajusté à partir des valeurs de la littérature (Swinnen et al. (1995b) ; Germida and Walley (1996) ; Equiza et al. (2001)) et de la paramétrisation déterminée pour du blé d’hiver (Figure II-8).

Figure II-8 : Dynamique du rapport R/S en fonction du développement phénologique de la plante pour le blé d'hiver et le blé de printemps.

En plus de la dynamique temporelle de la croissance de la biomasse racinaire dans le sol, il est nécessaire de modéliser la répartition verticale des racines dans le sol, afin que le module de

respiration autotrophe soit cohérent avec le module de respiration hétérotrophe où 3 couches de sol de 15 cm d’épaisseurs chacune sont considérées.

D’après Bolinder et al. (1997), environ 70 % de la biomasse racinaire est localisée dans les 15 premiers centimètres de sol pour différentes espèces de céréales dont du blé d’hiver. Germida and Walley (1996) estiment par la mesure que 55 % de la biomasse racinaire est localisée dans les 15 premiers centimètres de sol, 25 % dans la couche 15 cm à 30 cm et 15 % dans la couche 30 cm à 45 cm pour du blé de printemps.

Dans le modèle, sur la base de ces données, la biomasse racinaire est répartie comme suit : - 60 % dans la couche 0 cm à 15 cm

- 25 % dans la couche 15 cm à 30 cm - 15 % dans la couche 30 cm à 45 cm

Une hypothèse importante du modèle suppose cette répartition fixe dans la saison, à défaut d’information concernant la dynamique racinaire dans le profil au cours de la saison de croissance.

A partir de la connaissance du R/S, la biomasse racinaire journalière est simulée et une mortalité racinaire journalière en est déduite. En effet, plusieurs études ont mis en évidence la simultanéité de la production et de la mort du système racinaire au cours du temps et définissent la production racinaire observée comme l’équilibre entre ces deux processus (Santantonio and Grace (1987)).

Cependant, les estimations concernant la dynamique saisonnière des racines dans les agro- écosystèmes sont peu nombreuses du fait de la finesse des racines et de la complexité pratique de leur mesure. Contrairement à la croissance, la dynamique de la mortalité racinaire, par manque d’information, est supposée constante sur l’année. Ainsi, 3 % de la biomasse racinaire de blé simulée meure chaque jour (Steingrobe et al. (2001)).

1.2.3. Couplage des modules

Les modules Rh et Rar sont couplés et leurs fonctionnements sont dépendants. En effet, la

mortalité racinaire calculée dans le module Rar alimente directement le compartiment de litière

racinaire du module Rh, à chaque pas de temps mais également lors de journées particulières :

- Au jour de la récolte et durant les jours qui la suivent :

o toute la biomasse racinaire simulée meure en 10 jours et alimente les compartiments de C structuraux et métaboliques de sol, rapidement décomposable,

o les résidus aériens de cultures remplissent les compartiments de litière dédiés (Figure II-5)

- Au jour du labour : l’ensemble de la biomasse aérienne en surface (résidus) encore non décomposée est répartie dans les différents compartiments de C de sol le long du profil vertical

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La matière organique issue de la mortalité racinaire conditionne donc les apports des compartiments de C métaboliques et structuraux du module Rh dans chaque horizon de sol. Ce

processus correspond au point de couplage des modules Rh et Rar.

2. Présentation des sites d’étude

Pour guider le choix des différents sites d’étude, une attention particulière a été portée à : - la variété des conditions pédoclimatiques,

- la cohérence des mesures disponibles sur les sites (mesures de respiration du sol pour validation des modèles, mesures nécessaires pour la paramétrisation des modèles), - la présence d’une culture de blé dans la rotation culturale.

Ainsi, des données récoltées sur 5 sites aux conditions pédoclimatiques très différentes ont été réunies afin de mener ce travail de modélisation (Tableau II-2).

Quatre de ces sites se situent en Europe (France et Belgique) et ont des sols de type luvisol avec cependant des teneurs en argile variées. La situation géographique des sites (du centre de la Belgique au Sud-ouest de la France) permet de réunir des conditions climatiques bien distinctes en termes de température et de pluviométrie. Le cinquième site se situe au Canada et permet une diversité accrue des types de sol et des conditions climatiques. Les cinq sites ont cependant en commun d’être tous localisés aux latitudes moyennes.

Bien que leurs rotations culturales soient différentes, elles incluent toutes une culture de blé (d’hiver ou de printemps). Ces cinq parcelles sont conduites avec des pratiques culturales propres en termes de labour (conduite sans labour à labour conventionnel profond régulier) et de fertilisation (minérale ou organique, voire les deux types), ce qui implique des quantités et qualités biochimiques de substrat dans les sols particulières pour chaque site.

Les différents sites sont tous équipés de systèmes de mesure automatisés de la respiration du sol et des variables climatiques qui seront détaillés plus tard.

Forts de leurs différences et singularités (Tableau II-2), ces 5 sites d’étude offrent un large éventail de flux de respiration du sol et constituent un base intéressante et variée pour la compréhension des processus à l’origine de ces flux.