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Introduction

L’impact à long terme de l’exploitation sélective en forêt tropicale sur la composition floristique future du peuplement reste encore difficile à prévoir (Flores 2005). Savoir à quelles espèces appartiendront les individus exploités lors des futures coupes permettrait aux gestionnaires forestiers d’orienter leurs décisions sur l’exploitation ainsi que sur la sylviculture à adopter pour conserver la richesse et la composition floristique des forêts. Or, le recrutement des arbres est un processus clé de la dynamique forestière jouant un rôle déterminant dans la composition et la diversité floristique d’une forêt. Pour prédire l’évolution à long terme de la composition floristique des forêts exploitées, il faut faire appel à des modèles capables de prendre en compte la dynamique des espèces recrutées (Gourlet-Fleury et al., 2005).

La modélisation du recrutement suppose la détermination, pour un intervalle de temps donné et pour chaque espèce, du nombre de nouveaux arbres apparaissant dans la première classe de diamètre d’inventaire (en général 10cm ; Gourlet-Fleury et Houllier, 2000). Deux variables doivent être définies : (1) le nombre d’individus recrutés et (2) l’identité des espèces recrutées. Ces variables peuvent être modélisées séparément, avec des modèles distincts pour prédire le nombre d’arbres recrutés parmi les espèces du peuplement (Vanclay, 1989 ; Alder et Silva, 2000) ; ou bien avec un seul modèle qui détermine directement, pour chaque espèce ou groupe d’espèces, le nombre de recrutés (Phillips et al., 2004). Les modèles de recrutement peuvent aussi être classés comme statiques ou dynamiques (Vanclay, 1995). Dans le premier cas, les caractéristiques du peuplement ne sont pas prises en compte dans la prédiction du recrutement et le nombre d’arbres à recruter est maintenu constant au cours du temps. Dans le deuxième cas, le nombre d’arbres à recruter est déterminé en fonction de variables caractéristiques du peuplement.

Une fois construits, les modèles de recrutement sont incorporés dans des simulateurs de la dynamique forestière. Les premiers simulateurs développés pour les forêts amazoniennes brésiliennes ont été décrits par Higuchi (1987) et Silva (1989) en utilisant respectivement une matrice de transition (chaîne de Markov) structurée par classes de diamètre et des tables de production. Plus récemment Alder et Silva (2000) puis Phillips et al (2004) ont développé respectivement les simulateurs Cafogrom (modèle des cohortes) et Symfor (modèle arbre). Ces simulateurs ont déjà été utilisés pour appuyer les décisions des forestiers brésiliens concernant l’intensité de l’exploitation et le cycle de coupe à employer dans les forêts amazoniennes (Freitas et al., 2008 ; Ruschel, 2008). Cependant, à l’exception du modèle

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développé par Phillips et al. (2004), leur niveau de détail rend difficile leur utilisation pour évaluer à long terme l’impact de l’exploitation sur la composition floristique future des forêts.

Ceci n’est pas le cas pour les simulateurs décrivant l’évolution du peuplement à l’échelle de l’arbre (Gourlet-Fleury 1997). En effet, dans ces simulateurs, chaque arbre appartient à une espèce donnée, et la liste d’espèces représente la composition floristique des forêts simulées. En Amazonie, de tels simulateurs ont été développés par Gourlet-Fleury (1997), Chave (1999), Kammesheidt et al. (2001) et Phillips et al. (2004). Dans les modèles de Chave (1999) et de Kammesheidt et al. (2001) l’évolution d’un arbre dépend de processus écophysiologiques tels que l’efficience photosynthétique ou la respiration. Ces processus dépendent à leur tour de l’intensité lumineuse reçue par l’arbre. Dans le modèle de Phillips et al. (2004) les processus de la dynamique forestière –croissance, mortalité et recrutement - sont modélisés à partir des indices de compétition décrivant l’environnement proche de l’arbre. Pour le recrutement par exemple, la probabilité de recruter est déterminée en fonction d’un taux de croissance hypothétique qui à son tour a été estimé en fonction du nombre d’effectifs dans un carré de 900m2. Le simulateur Selva (Gourlet-Fleury, 1997), objet de cette étude, détermine la croissance, la mortalité et le recrutement en fonction d’une série d’indices de compétition décrivant la surface terrière et le nombre d’effectifs présents dans des cercles de 30m de rayon. Le nombre d’arbres à recruter est estimé en fonction de la surface terrière existante dans un carré de 900m2.

Dans la phase de modélisation des processus de la dynamique forestière, et pour palier le manque d’informations sur l’accroissement, la mortalité et le recrutement de chaque espèce de la forêt tropicale, on a souvent recours au regroupement d’espèces. Les différentes méthodes de regroupement s'appuient sur trois grands types de stratégie (Gourlet-Fleury et al., 2005): (1) stratégie écologique subjective - des groupes sont définis sur la base de caractéristiques morphologiques et physiologiques partagées par les espèces (Swaine et Whitmore, 1988) ; (2) stratégie écologique basée sur l'analyse de données – données de dynamique (recrutement, accroissement, mortalité), combinées ou non à des données morphologiques et physiologiques (Alder et Silva, 2000 ; Huth et Ditzer, 2000 ; Vanclay 1989), et (3) stratégie des processus de dynamique où les espèces sont regroupées en fonction de leurs similitudes en terme de recrutement, de mortalité ou de croissance (une classification par processus).

Les méthodes de regroupement adoptées dans les simulateurs de dynamique se sont appuyées soit sur la stratégie écologique subjective (Chave, 1999) soit sur la stratégie écologique basée sur l'analyse de données (Kammesheidt et al., 2001 ; Phillips et al., 2004). Dans cette étude, la stratégie adoptée sera celle de regrouper les espèces uniquement en fonction de leurs

111 1985_1987 Taux 1985 1987 _ 1985 t i, , , t i t i vivants recrûs =

caractéristiques de recrutement (troisième stratégie décrite dans le paragraphe précédent). L’objectif de cette approche est d’élaborer des modèles capables de reproduire les différents types de comportements des espèces lors de la phase de recrutement.

Dans ce chapitre, nous présentons les résultats de notre travail de modélisation du recrutement à partir des données issues d’une forêt amazonienne en Guyane Française. Ce travail est divisé en deux parties : la première est consacrée à la création de groupes d’espèces à partir des caractéristiques observées du recrutement après l’exploitation de la forêt, telles que le taux de recrutement après l’exploitation, l’intensité et l’année d’occurrence du pic de recrutement; la deuxième est consacrée à la création, pour chaque groupe d’espèces, d’un modèle propre de recrutement basé sur des variables décrivant la structure de la forêt – densité totale, surface terrière.