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CHAPITRE 1 LA PATHOLOGIE DES TROUBLES ANXIEUX

4. Modélisation des symptômes anxieux chez la souris

Dans un souci d’amélioration constante de la qualité des soins apportés aux patients anxieux et dans le but de développer de nouveaux traitements toujours plus efficaces, de nombreux tests comportementaux relatifs à un phénotype anxieux sont couramment utilisés en préclinique chez les rongeurs. L’utilisation de ces tests permet à la fois d’apporter des connaissances sur les mécanismes à la base de la pathologie mais aussi de cribler de nouveaux composés.

Introduction

Tous ces tests doivent présenter une validité prédictive c’est-à-dire être sensibles aux agents pharmacologiques qui réduisent l’anxiété chez l’homme tant sur le plan comportemental que physiologique, une validité théorique où les causes sous-jacentes de l’anxiété, à savoir les processus neurobiologiques, chez l’homme et chez l’animal sont équivalentes et enfin une validité phénoménologique ou apparente, c’est-à-dire qu’ils doivent pouvoir reproduire la condition humaine en induisant les symptômes de la pathologie (Belzung & Lemoine, 2011).

Validité prédictive Capacité à comprendre un critère d’intérêt, un phénomène humain, à partir des performances du modèle (réponse thérapeutique)

Validité théorique Similarité des conditions déclenchantes de la pathologie (étiologie) Validité apparente Similarité dans les symptômes produits (symptomatologie)

La validité apparente est souvent subjective car certains des aspects importants des troubles anxieux chez l’Homme, comme la présence d’inquiétude ou de soucis, restent inaccessibles chez l’animal. Cette dernière approche comportementale peut ainsi être contestée, en particulier de par la nature hétérogène des symptômes des troubles anxieux et des critères diagnostiques associés. Cependant, Cryan et Holmes (Cryan & Holmes, 2005) ont décrit qu’il était possible de modéliser chez les rongeurs certains des symptômes spécifiques des troubles anxieux retrouvés en clinique avec l’utilisation de paradigmes basés sur l’exploration spontanée (Open Field, Elevated Plus Maze, Light-Dark Test, Hole-Board Test), sur la peur conditionnée ou apprise (Vogel Conflict Test, exposition à un prédateur, Fear

Conditionning Test) ou encore sur une situation de motivation conflictuelle (Novelty Suppressed Feeding, Social Interaction Task) (Tableau 3).

Introduction

Tableau 3. Modélisation des symptômes anxieux chez le rongeur. Troubles

anxieux Symptômes (DSM-IV) Paradigmes Phénotype chez la souris

TP Sentiment de perdre le contrôle, peur de mourir Non modélisable - TP Tachycardie, transpiration Radiotélémétrie, SIH - ↑ rythme cardiaque pendant le stress

- ↑ température rectale TP Apparition soudaine de peur intense Resident intruder - ↑ fuite face au prédateur TAG Inquiétudes et/ou soucis

excessifs USV - ↑ vocalisations

TAG Agitation et/ou nervosité Resident intruder - ↑ agressivité (combat, morsure, frétillement caudal)

TAG Fatigue excessive ou perturbation du sommeil Actimétrie, EEG - Architecture anormale du sommeil TAG Difficulté à se concentrer et/ou trouble de la mémoire

Barnes Maze, Morris Water Maze, Y Maze, NOR - ↓ apprentissage - ↓ mémorisation spatiale - ↓ attention Agoraphobie,

TP, TAG Éviter les situations d’où il serait difficile de s’échapper

OF, LDT, NSF, EPM/EZM/ETM,

HBT

- ↑ évitement des régions inconnues, exposées et bien éclairées

TAS Apparition d’une peur induite

par une situation sociale SIT, SFC

- ↓ interaction sociale avec un concitoyen non familier - ↑ freezing, ↑

enfouissement Phobie

spécifique

Apparition d’une peur intense provoquée par un

objet ou une situation VCT, FC, FPT

- comportement d’évitement exagéré face au stimulus aversif

ESPT

Revivre un événement traumatisant avec évitement de la situation qui rappelle l’événement

FC - ↑ freezing dans un contexte de réexposition à un signal

TOC Comportements répétitifs, irraisonnés et irrépressibles Marble burying - ↑ enfouissement - ↑ toilettage

Abréviations : ↓ : diminution, ↑ : augmentation, EEG : electroencéphalographie, EPM/EZM/ETM : Elevated

Plus/Zero/T Maze, ESPT : état de stress post-traumatique ; FC : Fear Conditioning, FPT : Four-Plate Test, HBT : Hole-Board Test, LDT : Light/Dark Test, OF : Open Field, SFC : Social Fear Conditioning, SIT : Social Interaction Task,

Introduction

BOX 1. Principaux tests comportementaux utilisés chez le rongeur pour évaluer un phénotype

anxieux.

Open Field (OF)

(Gentsch et al., 1981) Elevated Zero/Plus Maze (EZM/EPM) (Pellow et al., 1985)

Principe : évaluer le comportement exploratoire et l’activité locomotrice générale des animaux dans un nouvel environnement.

Durée : 10 ou 30 minutes.

Paramètres mesurés : temps passé et nombre d’entrées dans le centre de l’arène, distance ambulatoire.

Interprétation : une diminution du temps passé dans le centre de l’arène sans modification de la locomotion traduit un phénotype anxieux.

Principe : évaluer le comportement exploratoire des animaux dans un nouvel environnement aversif, non protégé, lumineux et en hauteur.

Durée : 5 minutes.

Paramètres mesurés : temps passé et nombre d’entrées dans les bras ouverts, ratio de la distance parcourue dans les bras ouverts/distance totale. Interprétation : une diminution du temps passé dans les bras ouverts sans modification de la locomotion traduit un phénotype anxieux.

Novelty Suppressed Feeding (NSF)

(Bodnoff et al., 1988) Light/Dark Exploration Test (LDT) (Aulich, 1976)

Principe : évaluer l’anxiété induite par un stress de sevrage alimentaire (24 heures) en mesurant l’aversion des animaux pour se nourrir dans un nouvel environnement lumineux.

Durée : 5 à 10 minutes maximum selon les souches Paramètres mesurés : latence pour se nourrir dans le nouvel environnement et dans l’environnement familier, quantité de nourriture consommée en environnement familier.

Interprétation : une augmentation de la latence à se nourrir dans l’environnement aversif, sans modification de la consommation de nourriture dans l’environnement familier, traduit un phénotype anxieux.

Principe : évaluer le comportement exploratoire des animaux dans un nouvel environnement aversif et lumineux.

Durée : 5 minutes.

Paramètres mesurés : temps passé et nombre d’entrées dans le compartiment lumineux, nombre de transitions entre les deux compartiments, temps passé à évaluer le risque.

Interprétation : une diminution du temps passé et du nombre d’entrées dans le compartiment lumineux accompagnée d’une diminution du nombre de transitions entre les deux compartiments traduit un phénotype anxieux.

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Introduction

BOX 1. Principaux tests comportementaux utilisés chez le rongeur pour évaluer un phénotype

anxieux (suite).

Social Interaction Task (SIT)

(Nadler et al., 2004) Vogel Conflict Test (VCT) (Vogel et al., 1971)

Principe : évaluer l’interaction avec un congénère étranger dans un nouvel environnement.

Durée : 2 x 2,5 minutes.

Paramètres mesurés : temps d’interaction avec le congénère, durée et fréquence des comportements caractéristiques (sniffing, grooming, attaques, morsures).

Interprétation : une diminution de l’interaction sociale avec le congénère traduit un phénotype anxieux.

Principe : évaluer l’anxiété des animaux induite par un choc électrique au niveau de la langue suite à la prise de boisson après privation d’eau (48 heures).

Durée : 3-5 minutes.

Paramètres mesurés : nombre de coup de langue. Interprétation : une diminution de la prise de boisson au biberon traduit un phénotype anxieux.

Four plate Test (FPT)

(Aron et al., 1971)

Ultrasonic vocalizations (USV)

(Benton & Nastiti, 1988)

Principe : évaluer l’anxiété induite par un choc électrique léger à la patte délivré lors du passage d’une plaque à l’autre dans un nouvel environnement après 15s d’habituation.

Durée : 1 minute 15 secondes.

Paramètres mesurés : nombre de transitions punies acceptées par l’animal et immobilité dans un cadran. Interprétation : une diminution du nombre de transitions entre deux cadrans traduit un phénotype

Principe : évaluer par ultrasons la fréquence des appels de détresse émis par le souriceau après séparation maternelle.

Durée : 7 minutes.

Paramètres mesurés : fréquence des vocalisations émises par le souriceau.

Interprétation : une augmentation du nombre de vocalisations traduit un phénotype anxieux.

Introduction