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CHAPITRE 3 LE RÉCEPTEUR 5-HT 4 , UNE NOUVELLE CIBLE POUR PROMOUVOIR LA

1. La comorbidité anxio-dépressive

3.4. Étude d’optogénétique couplée au comportement la souris vigile

Principe

Au cours des dernières années, l’optogénétique est devenue l’une des technologies clés dans la compréhension et la cartographie des circuits neuronaux, ouvrant des perspectives considérables dans le traitement de nombreuses pathologies cérébrales. En effet, l’optogénétique permet de contrôler transitoirement et avec précision, l’activité d’une population neuronale spécifique sans affecter les cellules alentours et sans utiliser de produits chimiques, chez l’animal éveillé et libre de ses mouvements. Cette technologie, inventée en 2006 par K. Deisseroth, l’un des pionniers dans le domaine, combine des techniques d’optiques et de photoniques «opto-» avec des techniques de génie génétique «-génétique», un ensemble d’approches apparues indépendamment depuis la fin des années 1990 (Deisseroth et al., 2006). En 2010, cette méthodologie unique et véritable révolution technologique a été élue technique de l’année par le journal Nature Methods.

Le contrôle de l’activité neuronale par la lumière est rendu possible par l’introduction génétique de protéines sensibles à la lumière, appelées opsines. L’une des fonctions principales de ces opsines est de fournir l’environnement nécessaire à l’absorption de la lumière à une longueur d’onde donnée, en captant l’énergie lumineuse. Ces protéines à 7 domaines transmembranaires sont couplées à une protéine G dont l’activation dépend des modifications de la structure moléculaire des opsines induites par l’absorption de la lumière. L’activation de la protéine G initie alors une cascade de signalisation enzymatique générant une réponse électrique dans la cellule photoréceptrice (Duebel et al., 2015).

Matériels & Méthodes

grande diversité de cellules et dont une partie du génome peut être remplacée par un gène d’intérêt, ici le gène codant pour un type d’opsine.

Actuellement, il existe une grande variété d’opsines microbiennes offrant la possibilité d’activer ou d’inhiber très rapidement l’activité d’une population neuronale. Les opsines microbiennes les plus communément utilisées en optogénétique comprennent les archaerhodopsines, premières à avoir été identifiées et initialement appelées bacteriorhodopsines, les channelrhodopsines et les halorhodopsines (Tableau 17).

Tableau 17. Propriétés pharmacologiques, cinétiques et spectrales des opsines utilisées en

optogénétique

Abréviation Espèces Propriétés

pharmacologiques Activité

Constante de désactivation

Longueur d’onde

VChR1 Volvox carteri Canal cationique + 133 ms 545 nm

ChR2 Chlamydomonas

reinhardtii Canal cationique + ~10 ms 470 nm

ChETA Canal cationique + 4-8 ms 470-500

nm

ChRGR Canal cationique + 4-5 ms 474 nm

eNpHR3.0 Natronomonas

pharaonis Canal chlore - 4,2 ms 590 nm

Arch3.0/ArchT Halorubrum

sodomense Pompe à proton - 9 ms

530-560 nm

eBR Halobacterium

salinarum Pompe à proton - 18,9 ms 560 nm

Opto-XR Couplage aux

protéines G +/- 0,5-20 ms

440-500 nm

Matériels & Méthodes

Adapté de (Yizhar et al., 2011)

Les archaerhodopsines (Arch) extraites d’Halorubrum sodomense sont des pompes à proton, décrites pour la première fois par Oesterhelt et Stoeckenius (Oesterhelt & Stoeckenius, 1971). La stimulation de ces opsines par la lumière jaune ou verte (530-590 nm) induit un changement de conformation de la protéine permettant la libération de protons (H+) hors de la cellule. Identifiées par Nagel et Hegemann (Nagel et al., 2002), les channelrhodopsines (ChR) issues de Chlamydomonas reinhardtii, sont des canaux cationiques non spécifiques, activés par la lumière bleue (470 nm). En réponse à des impulsions lumineuses, ces opsines génèrent des courants ioniques de sodium (Na+), de potassium (K+) et de calcium (Ca2+) suffisant pour déclencher des potentiels d’action, avec une latence proche de la milliseconde (Figure 26). ChR2 a été utilisée pour la première fois par Boyden et son équipe en 2005, dans le but de contrôler l’activité électrique de neurones hippocampiques en culture (Boyden et al., 2005). Désormais, des variants de ChR2 sont disponibles, comme par exemple les ChETA ou les ChRGR aussi connues sous le nom d’opsines ultra-rapides, pour garantir une cinétique de désactivation rapide pour les régimes de décharge à haute fréquence. Isolées chez Natromonas pharaonis et découvertes par Matsuno-Yagi et Mukohata (Matsuno-Yagi & Mukohata, 1977), les halorhodopsines (HR) sont des canaux chlore, qui après stimulation par la lumière jaune (580 nm) génèrent un flux entrant d’ions chlorure (Cl-) (Figure 26). Les Arch et HR et les ChR présentent une cinétique rapide et permettent respectivement une hyperpolarisation et une dépolarisation sélective de la membrane des cellules génétiquement ciblées lors de l’illumination. Mais contrairement à Arch et ChR, les HR entrent dans des états inactifs de longue durée avec un temps de récupération de plusieurs minutes, alors que Arch et ChR recouvrent spontanément leurs fonctions en quelques secondes. C’est pour cette raison que dans notre étude, nous avons préféré utiliser des outils tels que Arch et ChR2, plus adaptés à des protocoles comportementaux mettant en jeu des séquences de stimulation et d’inhibition répétées.

Matériels & Méthodes

dans lesquelles les boucles intracellulaires de la rhodopsine sont remplacées par celles d’un récepteur à 7 domaines transmembranaires, couplé à une protéine G (GPCR), afin de permettre à ces opsines de cibler spécifiquement les seconds messagers intracellulaires normalement recrutés par ces récepteurs. Parmi ces chimères, on retrouve les opto-ß2AR (voie Gs/AMPc) et opto- α1AR (voie Gq/IP3/DAG) pour les récepteurs adrénergiques et le Rh- CT5-HT1A (voie Gi/o/AMPc) pour les récepteurs sérotoninergiques.

Figure 26. Contrôle par optogénétique des influx électriques neuronaux par l’utilisation de

Matériels & Méthodes

Matériels & Méthodes

Expression neuronale des opsines chez la souris

L’un des avantages de l’optogénétique est d’offrir une spécificité pour un type cellulaire ou pour un circuit neuronal particulier grâce à la transgénèse. On en distingue deux types : la transgénèse de la lignée germinale par croisement génétique, longue mais permettant une expression à la fois forte et spécifique ainsi que la conservation des modifications génétiques dans le temps, et la transgénèse somatique par injection intracrânienne de vecteurs viraux, rapide et permettant un niveau d’expression élevé.

La transgénèse de la lignée germinale (Figure 27A) consiste à croiser une souris exprimant la recombinase Cre (pour cause recombination) dans une population cellulaire spécifique, ici les cellules pyramidales exprimant la protéine kinase Ca2+/calmoduline- dépendante de type 2 (CaMKII), avec une souris rapportrice dont l’expression du transgène codant une protéine d’intérêt, ici ChR2 ou Arch, est sous le contrôle d’un promoteur à forte activité transcriptionnelle. La recombinase Cre est capable de reconnaître spécifiquement un site LoxP, qui chez la lignée rapportrice se situe de part et d’autre d’un codon STOP empêchant la transcription du transgène. Une fois l’ADN clivé, le codon STOP est excisé et le transgène peut alors être transcrit uniquement dans les cellules qui expriment la recombinase Cre, à savoir les cellules pyramidales. C’est en utilisant cette stratégie d’expression qu’une équipe du Allen Institute for Brain Science à Seattle a créé 4 nouvelles lignées de souris « Cre- dépendantes », exprimant ChR2, Arch ou NpHR3.0 (Madisen et al., 2012). Cette équipe a ainsi montré que ces lignées permettaient une activation ou une inhibition robuste des neurones pyramidaux corticaux et hippocampiques in vitro et in vivo lors d’une illumination. Diverses lignées, recensées dans la revue de (Yizhar et al., 2011), sont disponibles pour l’activation ou l’inhibition de populations neuronales autres que les neurones pyramidaux, comme par exemple la lignée PV-Cre ciblant les interneurones inhibiteurs corticaux, la lignée DAT-Cre ciblant les neurones dopaminergiques ou encore la lignée ePET-Cre ciblant les neurones sérotoninergiques du NRD.

Matériels & Méthodes

La transgénèse somatique (Figure 27B) vise à modifier le génome de cellules non reproductrices, ici les cellules pyramidales glutamatergiques du CPFm, à l’aide de vecteurs viraux qui permettent l’incorporation des outils optogénétiques dans ces cellules. L’organisation du génome des adénovirus utilisés dans notre étude se compose d’une cassette d’expression du transgène (ChR2 ou ArchT), d’un promoteur qui dérive de la CaMKII et qui garantit que seules les cellules excitatrices du CPFm sont capables d’exprimer le transgène et d’un gène reporter (GFP ou eYFP) utilisé pour visualiser post-mortem les profils d’expression génique et la localisation du transgène.

Dans notre étude, trois types de virus ont été utilisés (Tableau 18). Ces virus ont été injectés bilatéralement dans le CPFm des animaux après anesthésie à l’hydrate de chloral (400 mg/kg, i.p.), avec un débit de perfusion de 0,2 µL/min pour un volume total par côté de 0,5 µL. Cette chirurgie a été effectuée 8 semaines avant la réalisation des tests comportementaux afin de permettre au transgène d’être transporté et exprimés au niveau des terminaisons synaptiques des neurones pyramidaux du CPFm, situées dans le NRD.

Tableau 18. Virus utilisés dans les expériences d’optogénétique.

Intitulé Titre Source

AAV5-CaMKII-eYFP 5,3x10

12 molécules de virus/mL

K. Deisseroth, UNC Vector Core, USA

AAV5-CaMKII-hChR2(H134R)-eYFP 6,2x10

12 molécules de virus/mL

K. Deisseroth, UNC Vector Core, USA

AAV5-CaMKII-ArchT-GFP 7,5x10

12 molécules de virus/mL

E. Boyden, UNC Vector Core, USA

Matériels & Méthodes

Figure 27. Stratégies d’expression des opsines utilisées en optogénétique chez la souris.

(A) La transgénèse de la lignée germinale faisant appel au croisement d’une lignée de souris floxée avec un transgène d’intérêt avec une lignée de souris Cre-dépendante sous le contrôle d’un promoteur spécifique. (B) La transgénèse somatique utilisant des virus adéno-associés.

A

Matériels & Méthodes

Construction des fibres optiques

La fabrication des optrodes a été réalisée selon le protocole décrit par Sparta (Sparta

et al., 2011) (Figure 28). La fibre optique (0,39 NA, Ø200 µm core multimode, Thorlabs, France)

a d’abord été dénudée puis coupée avec une pointe en diamant. La parfaite circularité des extrémités de la fibre optique a été vérifiée au microscope optique avant d’insérer la fibre optique dans une férule en céramique (LC Ø230 µm, Thorlabs, France). La fibre optique et la férule sont fermement maintenues ensemble grâce à une résine époxy. L’extrémité de la fibre optique qui sera reliée au laser a ensuite été polie sur différentes feuilles de papier abrasif avec une taille de grain décroissant (5 µm silicon carbide, 3 – 1 µm aluminium oxyde et 0,3 µm

calcined alumina, Thorlabs, France). Lorsque la surface de la fibre optique est parfaitement

lisse, le rendement est mesuré à l’aide d’un compteur de puissance lumineuse (PM20, Thorlabs, France). Seules les optrodes avec un rendement supérieur à 80% ont été conservées en vue de l’implantation chez les animaux.

Matériels & Méthodes

Figure 28. Protocole de fabrication des optrodes.

Matériels & Méthodes

Stimulation lumineuse

Sept semaines après l’injection intracorticale de virus, les animaux ont subi une deuxième chirurgie permettant l’implantation des optrodes dans le NRD. Selon le protocole, les animaux ont également pu être implantés, dans une même chirurgie, avec des canules d’injection dans le CPFm (Figure 29). La stimulation des terminaisons glutamatergiques du CPFm dans le NRD, simultanément au comportement, a été réalisée à l’aide d’un laser délivrant des pulses de lumière bleue (OEM laser systems) à une longueur d’onde de 473 nm et d’une puissance de 10- 12 mW. Les pulses de 10 ms délivrés à une fréquence de 10 Hz ont pu être contrôlés par un stimulateur (Master-8,

A.M.P Instruments, Israël) (Kheirbek et al., 2013). Ces

paramètres ont été choisis de manière à mimer la fréquence de décharge électrique des neurones sérotoninergiques du NRD en conditions physiologiques. Dans l’EPM, afin d’étudier les effets d’une activation de la voie cortex-raphé

sur le phénotype anxieux, une séquence ON de 3 minutes suivie d’une séquence OFF de 3 minutes a été appliquée. L’inhibition des terminaisons a, quant à elle, été réalisée avec un laser délivrant une lumière verte continue (OEM laser systems) à une longueur d’onde de 532 nm et d’une puissance de 15-16 mW. Ces paramètres d’illumination ont été adaptés du protocole de Kheirbek pour eNpHR3.0 (Kheirbek et al., 2013). Afin de visualiser les effets du traitement pharmacologique sur le phénotype anxieux dans l’EPM, une séquence OFF a d’abord été appliquée pendant 3 minutes suivie d’une séquence ON de 3 minutes. Cet ordre

Figure 29. Schéma du

couplage de l’optogénétique avec l’EPM chez la souris

Matériels & Méthodes

Vérification de l’expression des opsines

Pour s’assurer que les opsines sont bien exprimées au niveau des terminaisons des neurones pyramidaux du CPFm situées dans le NRD, un gène reporter a été inséré dans le génome de chacun des virus. Ce gène reporter émet un signal fluorescent visualisable par microscopie confocale après immunomarquage.

Après anesthésie (100 mg/ml kétamine ; 20 mg/ml xylazine, i.p.), les animaux ont été perfusés par voie intracardiaque avec une solution froide de sérum physiologique (0,9% NaCl) pendant 2 minutes puis par une solution froide de paraformaldéhyde (4% PFA). Les cerveaux ont été prélevés et disposés dans une solution cryoprotectrice de sucrose (30% sucrose ; 0,1% sodium azide) à 4°C pendant 3 jours consécutifs, en changeant la solution tous les jours. Les cerveaux ont ensuite été découpés au cryostat dans leur totalité en tranches coronales de 35 µm d’épaisseur et stockés dans un mélange de solution saline dans un tampon phosphate (1X PBS ; 0,1% sodium azide). Les coupes flottantes ont été incubées dans un tampon de blocage (0,5% triton X-100 ; 5% normal donkey serum (NDS) ; 1X PBS) pendant 2 heures à température ambiante. Les protéines eYFP et GFP ont été détectées en utilisant un anticorps polyclonal anti-GFP de lapin (1:500, #A-11122, Thermo Fischer Scientific, France) dilué dans du tampon de blocage et laissé à incuber avec les coupes flottantes à 4°C pendant toute la nuit. Après plusieurs lavages de 1X PBS, un anticorps secondaire Cy3-AffiniPure anti-lapin d’âne (1:250, #711-165-15, Jackson Immunoresearch, UK) a été ajouté dans une solution tampon (1X PBS ; 10% NDS) et incubé avec les coupes flottantes pendant 2 heures à température ambiante. De nouveaux rinçages avec du 1X PBS ont été effectués avant de monter sur lame puis de laisser sécher à l’air les coupes flottantes. Pour finir, les coupes ont été recouvertes de fluoromont et visualisées au microscope confocal (Leica TCS SP8) en utilisant les filtres appropriés.

Matériels & Méthodes