• Aucun résultat trouvé

Modélisation des coordinations musculaires par optimisation

Partie 3 – Les théories du contrôle moteur

4. Modélisation des coordinations musculaires par optimisation

La théorie du contrôle optimal est aujourd’hui majoritairement appliquée pour résoudre le

problème de distribution. Concrètement, les chercheurs utilisent des techniques

d’optimisation mathématique pour prédire les coordinations musculaires (Crowninshield et Brand, 1981; Erdemir et al., 2007). Ils utilisent pour cela une fonction de régulation dont l’objectif est de trouver, après plusieurs itérations, la combinaison de forces ou d’activations musculaires qui permet de minimiser ou maximiser un ou plusieurs paramètres. Si deux méthodes existent et sont utilisées dans notre domaine (i.e. l’optimisation statique et l’optimisation dynamique (Prilutsky et Zatsiorsky, 2002)), la méthode d’optimisation statique reste la plus courante pour l’étude des coordinations musculaires (Anderson et Pandy, 2001). Les premières études utilisant cette méthode datent des années 70 (Penrod et al., 1974; Seireg et Arvikar, 1973). Celles-ci cherchaient à déterminer la distribution de

d’une fonction de régulation linéaire visant à minimiser les forces ou le travail musculaire. Cependant ces études ont conduit à des résultats physiologiquement peu réalistes. En effet, ces fonctions ne prenaient pas en compte les limites physiologiques de chaque muscle, lesquelles contraignent l’espace de solutions réalisables (cf. partie précédente). Ainsi, les procédures d’optimisation utilisées aboutissaient à un nombre réduit de muscles activés où les muscles les plus activés étaient ceux qui disposaient de la capacité de production de force la plus faible (Crowninshield et Brand, 1981; Penrod et al., 1974; Seireg et Arvikar, 1973).

Crowninshield et al. (1978) ont alors proposé d’utiliser une fonction non linéaire visant à minimiser les stress musculaires (i.e. Force/PCSA), et ce afin de maximiser l’endurance musculaire (Equation 6) :

min ∑ ( Fim

PCSAi)3

N

i= 1 (6)

où Gjn est la force du muscle i et PDTBj est la PCSA du muscle i.

Les niveaux de force calculés par le modèle sont cette fois contraints, afin d’obtenir des résultats réalistes. En d’autres termes, la force prédite pour chaque muscle ne peut excéder sa force maximale isométrique ou être inférieure à 0. Cette évolution est importante car pour la première fois, les propriétés mécaniques de chaque muscle sont prises en compte dans l’estimation de la force qu’il génère (Herzog, 2011). Grâce à cette approche, ces auteurs ont suggéré une action simultanée des muscles synergistes favorisant une activation plus élevée des muscles ayant la PCSA la plus élevée (Crowninshield et Brand, 1981; Crowninshield et al., 1978).

Walter Herzog souligne en 2011 (Herzog, 2011) qu’il est attendu que la fatigue soit minimisée lorsque les stress musculaires sont équitablement répartis entre les muscles. Cependant, cette affirmation n’est pas vérifiée lorsque l’algorithme de Crowninshield & Brand est utilisé pour prédire les forces. Cette divergence proviendrait de la différence de typologie musculaire entre muscles, pouvant influencer l’endurance musculaire sur laquelle se base l’algorithme et qui n’est pourtant pas pris en compte dans leur équation (Equation 6). Dul et al. (1984) ont complété le modèle proposé par (1981); Crowninshield et al. (1978) en suggérant que la contribution des muscles lents devait être privilégiée. En fait, il semble que plus le nombre de variables physiologiques implémentées dans le modèle est conséquent, plus les forces obtenues sont réalistes (Ait-Haddou et al., 2004; Herzog, 2011).

C’est en suivant ce principe que des méthodes de modélisation neuro-musculosquelettiques basées sur les propriétés mécaniques de chaque participant sont aujourd’hui développées (Sartori et al., 2017a). Nous détaillerons ces méthodes dans la prochaine partie.

Dul et al. (1984) ont validé les résultats issus de leur procédure d’optimisation avec des forces mesurées expérimentalement chez le chat (Walmsley et al., 1978). Cependant, il est important de noter qu’ils ont trouvé des valeurs similaires entre les forces mesurées et les forces prédites uniquement pour le pic de force intervenant au cours du cycle de marche du chat. Par ailleurs, ces mêmes auteurs n’avaient pas accès aux données anatomiques utilisées lors de l’étude animale pour les implémenter dans leur modèle, nécessitant l’utilisation de données issues de la littérature. Dans l’ensemble, ces informations mettent en avant la difficulté voire l’impossibilité de valider ces coordinations obtenues par modélisation (Erdemir et al., 2007; Herzog et Leonard, 1991).

Ainsi, il n’est pas possible de savoir si ces modèles qui suivent le principe de contrôle optimal aboutissent à l’obtention de résultats valides. La prochaine partie vise à mettre en perspectives les données obtenues expérimentalement avec les résultats proposés par les modèles, afin de mieux comprendre si les stratégies réellement mises en place au cours de tâches courantes répondent au principe du contrôle optimal.

Partie 3 – Synthèse

L’étude du contrôle moteur consiste à étudier comment le système nerveux central explore et exploite l’ensemble des coordinations musculaires réalisables afin d’adopter une coordination musculaire permettant de produire une tâche donnée. Plusieurs théories se complètent ou s’opposent pour expliquer comment le système nerveux central contrôle l’ensemble des muscles impliqués dans une tâche. La théorie des synergies propose que le système nerveux central combine des synergies musculaires afin de réduire le nombre de dimensions de contrôle. Ainsi, la marche pourrait être contrôlée par l’intermédiaire de quatre synergies plutôt qu’un contrôle indépendant de plusieurs dizaines de muscles ou de centaines d’unités motrices. D’après la théorie probabiliste, le système nerveux central se représenterait l’ensemble des coordinations valides suivant leur probabilité de succès. Le système nerveux central adopterait la stratégie de coordination ayant la probabilité de succès la plus importante. Les coordinations habituelles seraient ainsi plus facilement choisies que la programmation de nouvelles stratégies. Enfin, la théorie du contrôle optimal suggère que le système nerveux central associe chaque coordination possible à un ou plusieurs coûts afin d’adopter la stratégie permettant de minimiser ces coûts. D’après cette dernière théorie, le système nerveux central utilise un processus d’optimisation, modélisable sur le plan mathématique. L’optimisation mathématique a ainsi été exploitée par de nombreux chercheurs pour prédire les coordinations musculaires. Cependant, il est aujourd’hui impossible de valider l’une ou l’autre de ces théories en raison de l’absence de méthodes expérimentales permettant de mesurer les forces musculaires chez l’homme. Pour ce faire, une approche expérimentale de l’analyse des coordinations musculaires pourrait permettre de s’affranchir des hypothèses de chacune de ces théories et ainsi s’approcher des coordinations réelles employées par le sportif ou le patient.

Partie 4 – Approche expérimentale de l’analyse des coordinations