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Coactivation des muscles de la cuisse mesurée par élastographie

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Étude 1 Coactivation des muscles de la cuisse mesurée par élastographie

Introduction

Une contraction maximale isométrique réalisée sur un dynamomètre donne accès au couple de force articulaire, i.e. la résultante des forces des muscles agonistes et antagonistes croisant l’articulation. Dans le cadre de l’étude des coordinations musculaires, nous avons vu que ces forces musculaires pouvaient être prédites par optimisation statique en trouvant la distribution de force minimisant un ou plusieurs coûts, e.g. somme des activations musculaires ; critère de fatigue minimale (Crowninshield et Brand, 1981; Prilutsky et Zatsiorsky, 2002). Cependant, la force des muscles antagonistes est également régulée par des boucles réflexes dont l’objectif est la stabilisation de l’articulation. L’implémentation de ces paramètres nerveux n’est pas possible dans la plupart des modèles basés sur un seul critère d’optimisation (Todorov, 2004).

Dans ce contexte, de nombreuses études ont estimé l’effet mécanique de la coactivation en utilisant une approche basée sur l’EMG ((Sartori et al., 2015) ; pour une revue détaillée, voir Kellis (1998)). Il est important de noter que ces études supposent que l’activité myoélectrique enregistrée par EMG de surface reflète fidèlement l’activation musculaire. Pourtant, ce signal EMG détecté à la surface du muscle d’intérêt peut en partie être contaminé par l’activité des muscles adjacents, phénomène défini sous le terme

crosstalk (Farina et Merletti, 2017; Winter et al., 1994). Par exemple, bien qu’une activation

du soleus ait été détectée durant une dorsiflexion, laissant supposer la présence de coactivation, aucune activité n’était observée lorsque des électrodes EMG intramusculaires étaient utilisées (Etnyre et Abraham, 1988). Ces résultats suggèrent que l’importance de la coactivation mesurée par EMG de surface pourrait être surestimée.

Ces dernières années, l’élastographie ultrasonore par onde de cisaillement, insensible au crosstalk, a été proposée comme une alternative pour identifier la variation de force d’un muscle antagoniste durant une MVC (Raiteri et al., 2016). En utilisant cette technique, Raiteri et al. (2016) n’ont observé aucune variation significative de la force du gastrocnemius

lateralis au cours d’une dorsiflexion isométrique maximale, malgré un signal EMG atteignant

19,1 ± 12,9% de l'amplitude maximale.

Notre première étude avait pour objectif de mesurer la coactivation des quadriceps et des ischio-jambiers. Pour cela nous avons utilisé l’élastographie ultrasonore, technique nous

contraction maximale isométrique variait par rapport à la force mesurée en condition passive. Nous avons comparé nos résultats à une technique plus classique, l’EMG de surface.

Méthodes

Dix-huit participants ont pris part à cette étude (âge : 24 ± 3 ans ; taille : 1.78 ± 0.09 m ; masse corporelle : 65 ± 11 kg ; 9 femmes/9 hommes). Ils ont réalisé neuf flexions et neuf extensions maximales du genou de telle sorte que trois mesures du module de cisaillement et de l’activation musculaire étaient réalisées pour chaque muscle [i.e. quadriceps : rectus

femoris (RF), vastus lateralis (VL) et vastus medialis (VM) ; ischio-jambiers : ST, SM et BF).

Les participants ont eu 6 s pour atteindre le couple de force isométrique maximal, afin de faciliter le maintien de l’alignement et une pression constante de la sonde avec le muscle d’intérêt. La MVC a été ensuite mesurée durant un plateau de 3 s. Chaque contraction était séparée par une période de 3 min de récupération

Nous avons considéré le plateau de 3 s à intensité maximale pour notre analyse. Le module de cisaillement et l’activation musculaire normalisée de chaque muscle agissant en tant qu’antagoniste ainsi que l’angle du genou correspondant ont été sélectionnés au pic de couple de force articulaire (Figure 27A). Étant donné que des rotations du genou de quelques degrés étaient inévitables durant les MVC, le module de cisaillement passif a été mesuré durant des cycles passifs isocinétiques réalisés à 1°.s-1. Le module de cisaillement mesuré au même angle durant ces cycles passifs a été déterminé d’après les relations entre le module de cisaillement passif et l’angle du genou (Figure 27B). Cette valeur a été soustraite du module de cisaillement mesuré en contraction maximale, afin de considérer un module de cisaillement représentatif de la force active du muscle antagoniste.

Toutes les analyses statistiques ont été effectuées avec le logiciel Statistica (v. 7.1, Statsoft, Tulsa, OK). Pour chaque groupe musculaire (i.e. quadriceps, ischio-jambiers), nous avons réalisé une analyse de la variance à mesures répétées pour comparer l’activation musculaire entre muscles synergistes (facteur intra-sujet : muscle). Lorsque cela était approprié, une analyse post hoc a été réalisée en utilisant le test de Bonferroni.

En raison des limites techniques de l’échographe, il n’a pas été possible de normaliser les modules de cisaillement, et donc de comparer les valeurs de module entre les muscles. Nous avons donc comparé le module de cisaillement mesuré durant la MVC au module obtenu au même angle durant le cycle passif en utilisant un test-t de Student pour données

appariées. Une absence de différence significative indiquait que l’augmentation de module de cisaillement résultait seulement de la rotation du genou et la coactivation pouvait alors être considérée comme négligeable. Le seuil de significativité a été fixé à P < 0.033 en utilisant la méthode de Benjamini et Hochberg (1995) afin de limiter le risque d’erreur de type I induit par les comparaisons multiples.

Figure 27 – Illustration du traitement des signaux collectés. (A) module de cisaillement d’un muscle antagoniste

et variation de l’angle du genou mesurés durant une MVC isométrique. (B) module de cisaillement et variation de l’angle du genou obtenus durant un cycle passif. La part active du module de cisaillement (considérée ici comme reflétant le niveau de coactivation) était déterminée en soustrayant le module de cisaillement passif du module de cisaillement mesuré durant la MVC au même angle de genou et dans la même direction.

Résultats

L’amplitude du signal EMG mesurée sur les muscles antagonistes allait de 6,7 ± 4,2% (VM) à 9,4 ± 3,9% (SM). Aucune différence n’a été observée entre les muscles (P = 0,84 et P = 0,69 pour les quadriceps et les ischio-jambiers, respectivement ; Figure 28).

Lorsque l’on considérait les quadriceps durant les flexions maximales du genou, le module de cisaillement variait de 7,0 ± 2,7 kPa pour le RF à 12,4 ± 5,5 kPa pour le VL. Durant ces contractions, l’angle du genou atteignait en moyenne 96,4 ± 3,2° où le module de cisaillement au repos était en moyenne de 6,1 ± 2,0 kPa. Des différences significatives entre le module de cisaillement mesuré pendant la MVC et le module passif obtenu au même angle de genou ont été observées pour le RF (2,8 ± 2,8 kPa ; P < 0,001), le VL (4,3 ± 5,3 kPa ;

P = 0,003) et le VM (3,3 ± 4,9 kPa ; P = 0,011 ; Figure 29A). Cela signifie que la variation de

force entre le cycle passif et la MVC est significative. Ces muscles produisent ainsi une force antagoniste durant la flexion maximale de genou.

Figure 28 – Niveau de coactivation estimé par EMG. Les données moyennes ± 1 ET sont présentées pour les

quadriceps (rectus femoris [RF], vastus lateralis [VL] et vastus medialis [VM]) (A) et les ischio-jambiers (semitendinosus [ST], semimembranosus [SM] et biceps femoris [BF]) (B) Chaque point représente l’activation musculaire d’un individu.

Lorsque l’on considérait les ischio-jambiers durant les extensions maximales du genou, le module de cisaillement allait de 9,0 ± 3,8 kPa pour le ST à 20,4 ± 7,1 kPa pour le BF. Durant ces contractions, l’angle du genou atteignait en moyenne 83.8 ± 2.7° où le module de cisaillement au repos était en moyenne de 12.5 ± 6.8 kPa. Des différences significatives entre le module de cisaillement mesuré pendant la MVC et le module passif obtenu au même angle de genou ont été observées pour le BF (4.8 ± 6.9 kPa ; P = 0.009). Aucune différence n’a été observée pour le ST (1.7 ± 5.0 kPa ; P = 0.016) et le SM (1.2 ± 5.6 kPa ; P = 0.39 ; Figure 29C). A l’opposé des résultats observés pour les quadriceps et le BF, l’absence de différences entre les modules de cisaillement mesurés pendant le cycle passif et la MVC indiquent une variation de force non significative. Ici, l’action mécanique de ces muscles antagonistes est négligeable, malgré une amplitude EMG significative. Il est à noter une variabilité importante entre participants (Figure 29B et D).

Figure 29 – Module de cisaillement mesuré pendant la MVC isométrique, le cycle passif (Pas) et la partie active

(Act) calculée comme la différence entre MVC et Pas pour le quadriceps (A) et les ischio-jambiers (C). Les données individuelles du module de cisaillement actif sont présentées pour les quadriceps (B) et les ischio-jambiers (D).

Conclusion

L’amplitude normalisée du signal EMG mesurée sur les muscles antagonistes durant des contractions isométriques maximales suggérait un niveau de coactivation similaire entre les muscles. Cependant, l’élastographie a mis en évidence que les muscles de la cuisse ne présentent pas tous les mêmes niveaux de coactivation. Tandis que l’ensemble des muscles du quadriceps sont coactivés durant les flexions maximales du genou, le BF est le seul muscle des ischio-jambiers à être coactivé durant des extensions maximales du genou. Nos résultats suggèrent ainsi que le ST et le SM opposent une force exclusivement passive au couple de force extenseur du genou. Cette différence entre les valeurs provenant de l’EMG et de l’élastographie met en avant l’impact que peut avoir le crosstalk et plus largement la technique de mesure sur l’interprétation des coordinations musculaires. Les résultats de l’élastographie permettent de mettre en avant le rôle prépondérant du BF par rapport aux autres muscles antagonistes. Cette stratégie pourrait permettre de limiter les forces de cisaillement exercées sur les ligaments croisés durant la contraction et ainsi limiter la contrainte exercée sur l’articulation (Aagaard et al., 2000).

Etude #2

Les coordinations entre les ischio-jambiers sont