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Chapitre IV : La prévisibilité décennale de la région Atlantique Nord – Europe

IV- 3-2-a) Les modèles statistiques

Le plus simple des modèles que nous utilisons pour générer des prévisions d’ensemble artificielles à l’aide de signaux analytiques est un modèle autorégressif d’ordre 1 (AR(1)) dont la formule, déjà donnée précédemment (cf. IV-1-1), est :

ܺ௧ൌ ߚܺ௧ିଵ൅ ߝ௧ (éq. IV.29)

Nous calibrons ce modèle à partir de la fonction d’autocorrélation de l’indice de NASST de PiCTL et nous trouvons • = 0.47. Ce modèle caractérise bien la perte rapide d’informations de la première année (Figure IV.13gauche, en rouge), mais il ne permet pas de représenter le comportement basse fréquence de NASST dont l’autocorrélation décroît plus lentement qu’une décroissance exponentielle. Cette caractéristique montre que l’AMV de PiCTL n’est pas cohérente avec la représentation d’Hasselemann (1976), soulignant de nouveau la forte contribution des processus advectifs océaniques dans sa variabilité (cf. chapitre III). Nous notons aussi que l’AR(1) ne capture pas les caractéristiques de la puissance spectrale de NASST (Figure IV.13droite, tiretés rouges) : il la surestime aux « hautes » fréquences (~ périodes [4-50ans]) et sa puissance sature aux basses fréquences (~ périodes > 50 ans) alors que celle de NASST continue d’augmenter.

Le deuxième modèle que nous développons est basé sur la théorie mathématique des processus à longue mémoire. Ce modèle, dit « power-law » permet de modéliser des séries temporelles pour lesquelles l’amortissement d’une anomalie est plus lente qu’une décroissance exponentielle (e.g. Granger et Joyeux 1980). L’autocorrélation d’une série suivant ce type de processus décroit selon la loi :

ܥ

௉௅

ሺ߬ሻ ൌ ߙ߬

ଶுିଶ (éq. IV.30)

avec ½ < H < 1 appelé l’exposant de Hurst, du nom de l’hydrologue Anglais Harold Edwin Hurst qui observa ce type de comportement pour les débits du Nil (Hurst 1951) et • une constante. La puissance spectrale des processus power-law augmente lorsque la fréquence diminue suivant une loi de puissance (e.g. Taqqu 2002) :

ܩ

௉௅

ሺ݂ሻ ൌ ߪ

௉௅ଶ

݂

ଵିଶு (éq. IV.31)

où f représente la fréquence et PL² la variance totale (i.e. la puissance spectrale totale)

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bruit blanc (cf. II-7-1) et lorsque H = 1, la formule éq. IV.31 est celle d’un bruit rosei. Bien

qu’un processus power-law voit son énergie augmenter aux basses-fréquences, précisons qu’il ne présente pas d’échelle de temps caractéristique ou pic d’énergie. Un modèle statistique classique dans la famille des power-law est le FAR(0,d) (pour

Fractionally AutoRegressive Model). Pour présenter ce modèle, partons de la formule

générale d’un modèle autorégressif d’ordre n, ou AR(n)ii, défini tel que :

ܺ

ൌ σ ሺߚ

ே௜ୀଵ ௜

ܺ

௧ି௜

ሻ൅ ߝ

(éq. IV.32)

où les coefficients •i associés aux prédicteurs Xt-i peuvent être estimés à l’aide d’une

régression multiple. En introduisant l’opérateur de retard B (backshift operator en anglais), tel que

ܤ

ܺ

ൌ ܺ

௧ି௞, l’équation (éq. IV.32) devient :

ሾͳ െ σ ሺߚ

ே௜ୀଵ ௜

ܤ

ሻሿܺ

ൌ ߝ

(éq. IV.33) Or, si B est racineiii d'ordre d du polynôme

ሾͳ െ σ ሺߚ

ܤ

௜ୀଵ

, nous pouvons écrire :

ሾͳ െ σ ሺߙ

௉௜ୀଵ ௜

ܤ

ሻሿሺͳ െ ܤሻ

ܺ

ൌ ߝ

(éq. IV.34) avec p = n – d.

i Comme le bruit rouge, la puissance spectrale augmente aux basses fréquences, mais cette augmentation suit une croissance en 1/f et non en 1/f² (cas du bruit rouge).

ii Notons que nous aurons l’utilité plus loin d’un modèle AR(14). iii Au sens mathématique.

Figure IV.13 : Autocorrélation (gauche) et Spectre (droite) de l’indice NASST (gris) et de séries

analytiques suivant des modèles AR(1) (rouge), FAR(0,d) (bleu) et AR(14) (noir) calibrés sur la série temporelle de NASST des 1000 ans de PiCTL. Les valeurs des • du panel (gauche) indiquent l’écart- type du bruit (ou innovation) associé à chaque modèle, estimées de sorte que les variances des séries analytiques sur une période de 1000 ans soient égales à celles de la NASST.

IV-3) Incertitudes et pertinence des simulations d’ensemble

157 Le modèle FAR(p,d) se base sur cette formule (éq. IV.34) en autorisant des valeurs non- entières du paramètre d (d’où son nom « Fractionnaly »). Pour modéliser un power-law, nous utilisons ici un modèle FAR(0,d). Celui-ci s’écrit donc :

ሺͳ െ ܤሻ

ܺ

ൌ ߝ

(éq. IV.35)

Nous calibrons ce modèle à l’aide de l’exposant de Hurst H, estimé à partir du spectre de l’indice de NASST de PiCTLi, suivant la relation d = H – ½. Nous trouvons ici que H = 0.92

et ainsi d = 0.42. Ce modèle est ensuite utilisé en considérant 45ii pas de temps passés,

ou pseudo-prédicteurs, pour prévoir la valeur à venir (pseudo car, à la différence des modèles AR(n) où n correspond à la fois au nombre de prédicteurs utilisés pour calibrer le modèle statistique et au nombre de pas de temps utilisés pour la prévision, le nombre de pas de temps utilisés ici est indépendant de la calibration du modèle). Nous voyons que le modèle FAR(0,d) caractérise mieux la puissance spectrale de la NASST aux basses fréquences que le modèle AR1 (Figure IV.13droite, tiretés bleus) et capture la lente décroissance de la fonction d’autocorrélation de la NASST (Figure IV.13gauche, en bleu). De manière non intuitive, alors qu’aux « hautes » fréquences (~ périodes inférieures à 10 ans) le FAR(0,d) semble correctement représenter le spectre de la NASST, il surestime l’autocorrélation de la série temporelle de NASST à cette échelle temporelle (sans doute en raison de ses caractéristiques basses-fréquences).

Contrairement à l’AR(1), le processus power-law n’a pas d’interprétation géophysique simple. Les origines d’un tel comportement peuvent être multiples (cf. Vyushin 2010 Introduction p.15 pour une liste détaillée). Par exemple, certains auteurs y voient le résidu de l’agrégation d’une multitude de mécanismes de différentes échelles temporelles (e.g. Granger 1980, Caballero et al. 2002), alors que d’autres montrent à l’aide de modèles numériques simplifiés que ce comportement peut correspondre au résultat de la diffusion verticale de l’énergie dans l’océan (e.g. Fraedrich et al. 2004, Dommenget et Latif 2008). Dans cette thèse, nous ne cherchons pas à comprendre en soi pourquoi la NASST se comporte comme un processus power-law, mais nous utilisons cette caractéristique afin de calibrer un modèle statistique présentant un comportement basse fréquence semblable à celui de la NASST.

Comme stipulé dans l’étude de Vyushin et al. (2012), les modèles AR(1) et FAR(0,d) ne permettent donc pas de représenter la nature complète de la variabilité climatique. Cependant, ils caractérisent les bornes inférieure et supérieure de la persistance des anomalies climatiques. L’AR(1) capture la perte rapide d’information de la première année (provenant essentiellement de la variabilité interannuelle non prévisible) alors que le FAR(0,d) capture la longue mémoire des processus climatiques. Ces deux caractéristiques pourraient être combinées à l’aide d’un unique modèle d’ordre

i Nous invitons le lecteur désireux de connaître les détails permettant d’estimer l’exposant H à consulter le manuscrit de thèse de Dimitri Vyushin 2010 ainsi que le package R développé lors de son doctorat : http://tinyurl.com/4v985le

ii Le nombre de pseudo-prédicteurs a été déterminé de manière à ce que le modèle FAR(0,d) capture au mieux le comportement basse fréquence de NASST.

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supérieur : un FAR(1,d). Cependant, pour notre étude, nous avons préféré étudier le comportement des modèles AR(1) et FAR(0,d) de manière séparée, dont l’emploi nécessite seulement le calibrage d’un paramètre (i.e. les coefficients • et d, respectivement) et dont l’utilisation est plus répandue en recherche sur le climat.

La réalisation de prévisions d’ensemble analytiques à l’aide de ces deux modèles va nous permettre d’estimer l’incertitude sur l’entropie relative, calculée à partir d’un ensemble de 14 membres, pour des signaux dont les durées de vie encadrent celle de NASST. Nous faisons ainsi l’hypothèse que l’incertitude de l’entropie relative, estimée à l’aide de ces deux modèles, encadre l’incertitude de l’entropie relative de NASST.