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1-2-c) Comparaison avec l'estimation diagnostique de la prévisibilité

Chapitre IV : La prévisibilité décennale de la région Atlantique Nord – Europe

IV- 1-2-c) Comparaison avec l'estimation diagnostique de la prévisibilité

Nous verrons dans la section suivante que de nombreuses métriques existent pour estimer la prévisibilité à partir de simulations d’ensemble mais, dans un premier temps, nous cherchons à comparer les estimations de la prévisibilité obtenues suivant les approches diagnostique, décrite précédemment, et pronostique, développée ci-après. En pointant les incompatibilités entre la variabilité basse fréquence du système climatique et celle théoriquement engendrée par un bruit blanc, la ppvf suggère l’existence de mécanismes déterministesi contribuant à l’évolution basse fréquence du climat. Une

simulation d'ensemble doit donc pouvoir reproduire le comportement basse fréquence des zones de forte ppvf et les états pris par les membres de la prévision sont susceptibles d’être « proches » (selon une métrique donnée) en comparaison d’états piochés aléatoirement au cours des 1000 ans de PiCTL. Pour mesurer la prévisibilité des prévisions d’ensemble nous utilisons le concept de la prévisibilité pronostique (ci-après

i Déterminisme est employé ici par opposition à un caractère chaotique et donc imprévisible.

Figure IV.2 : Trajectoire des prévisions d’ensemble de NASST. (haut) Série temporelle de la NASST

de PiCTL, (bas) zoom sur les trajectoires de la NASST des membres de la prévision d’ensemble

IV-1) La prévisibilité du système climatique à l’échelle décennale : une étude comparative des estimations diagnostique et pronostique

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pp pour pronostic predictability ; e.g. Pohlmann et al. 2004). Cette mesure compare la

dispersion des membres au sein d’une simulation d'ensemble à une dispersion dite climatologique calculée à partir d'une longue simulation de contrôle. Puisque le comportement des membres de l’ensemble montre une sensibilité aux conditions initiales, la dispersion de l’ensemble croît avec le temps. Suivant l’hypothèse d’ergodicitéi, le système peut alors être considéré comme en partie prévisible tant que la

dispersion de l’ensemble est inférieure à la dispersion climatologique. Pour une variable

x, pp est définie tel que :

݌݌ሺݐሻ ൌ ͳ െ

ಿషభభ σ ൫௫೔ሺ௧ሻି௑ሺ௧ሻ൯ మ ಿ

೔సభ

ఙమ (éq. IV.14)

où xi représente la valeur de x pour le i-ème des N membres d'une simulation

d'ensemble (ici N=14 car sur la plage de la prévision, PiCTL est aussi considéré comme un membre de l'ensemble), •c2 est la variance d'une longue simulation de contrôle (ici

PiCTL) de cette variable x et X la moyenne d'ensemble définie telle que :

ܺሺݐሻ ൌ

σ ݔ

ே௜ୀଵ ௜

ሺݐሻ

(éq. IV.15) Ainsi, pp est fonction de l'échéance de la prévision et est bornée entre 1, lorsque la prévisibilité est parfaite, c’est à dire lorsque tous les membres sont identiques, et 0, lorsque la dispersion de l'ensemble a atteint la dispersion climatologique •c². Pour

comparer la prévisibilité pronostique à la ppvf, nous moyennons les pp des 4 simulations et obtenons la PPP (pour Pronostic Potential Predictability, e.g. Collins et Allen 2002) :

ܲܲܲሺݐሻ ൌ

σ

ெ௝ୀଵ

݌݌

ሺݐሻ

(éq. IV.16) Par cette opération, les variations possibles de prévisibilité provenant des conditions initiales de PiCTL, ou prévisibilité conditionnelle, sont masquéesii et la PPP permet de

comparer plus rigoureusement la prévisibilité pronostique ainsi estimée à la prévisibilité diagnostique mesurée via la ppvf. La Figure IV.3 présente les valeurs de PPP de la température à 2 mètres en fonction de l'échéance temporelle des prévisions d'ensemble pour des moyennes annuelles et décennales. La significativité des valeurs de

PPP a été testée à l'aide d'une méthode de bootstrap réalisée à partir d'états de

PiCTL piochés aléatoirement au sein des 1000 ans de la simulation ; l'hypothèse H0

étant : "Est-ce que le rapport {dispersion de l'ensemble / variance du contrôle} est différent de 0 ?".

i Hypothèse selon laquelle une grandeur moyenne calculée sur un très grand nombre de membres à instant t est égale à la grandeur moyenne calculée sur un très grand nombre de mesures prises dans le temps.

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A l’échéance 1 an, l'initialisation de l'océan entraîne une réduction significative de la dispersion de la distribution de la température sur les continents de la bande équatoriale [10°S-10°N] (Figure IV.3gauche). En dehors de cette bande, l'évolution annuelle de la température des continents apparaît non prévisible. Sur les océans, les valeurs de PPP de la température sont significatives dans la quasi-totalité de la bande équatoriale ainsi qu’aux moyennes et hautes latitudes. Aux latitudes subtropicales (15°- 40°) peu de régions ont des valeurs de PPP significatives.

Dans la bande équatoriale, la prévisibilité de la température, présente à la fois sur les océans et sur les continents, peut s’expliquer par le fort couplage océan-atmosphère des phénomènes climatiques à l’échelle interannuelle comme l’ENSO. En dehors de cette bande, le contraste de la PPP peut provenir de l’approfondissement de la couche de mélange océanique entre basses latitudes et hautes latitudes, mais aussi aux téléconnexions associées à l’ENSO qui sont plus fortes aux moyennes et hautes latitudes qu’aux latitudes subtropicales.

Figure IV.3 : PPP de la température à 2 mètres calculée à partir des 4 prévisions d’ensemble. (gauche) PPP des valeurs annuelles de la température aux échéances temporelles 1an (haut), 2

ans (milieu) et 15 ans (bas). (droite) PPP calculée sur des moyennes de 10 ans de la température aux échéances 1-10 ans (haut), 11-20 ans (milieu) et 21-30 ans (bas). Les pointillés indiquent les zones dont la valeur de la PPP n’est pas statistiquement différente de la variance climatologique au seuil de confiance 95% (test de bootstrap).

IV-1) La prévisibilité du système climatique à l’échelle décennale : une étude comparative des estimations diagnostique et pronostique

135 Deux ans après l'initialisation de l'océan, les valeurs de PPP ne sont plus significatives en dehors de quelques zones océaniques : l’océan Austral (en particulier la mer de Weddell), les mers de GIN, le gyre subpolaire du Pacifique Nord, le gyre subpolaire de l’Atlantique Nord ainsi que le centre et l'Est du gyre subtropical de l'Atlantique Nord. Notons que celles-ci coïncident avec les zones caractérisées par les plus longs temps de décorrélation td (Figure IV.1). Dans ces régions les valeurs de PPP diminuent ensuite

lentement avec l’échéance et au niveau de la mer de Weddell, des mers de GIN et du gyre subpolaire de l'Atlantique Nord, celles-ci peuvent être significatives même après 15 ans d'échéance, avec une dispersion inter-membres environ 30% inférieure à la dispersion climatologique (Figure IV.3gauche).

En calculant la PPP à partir de moyennes décennales, nous trouvons des valeurs significatives au niveau de la mer de Weddell et du gyre subpolaire de l’Atlantique Nord durant les 3 décennies de la prévision d’ensemble, avec une dispersion d’ensemble pouvant être jusqu’à 50% inférieure à la dispersion climatologique (Figure IV.3droite). Les valeurs de PPP sont aussi significatives durant les 2 premières décennies au niveau des mers de GIN et de l’ensemble de l’océan Austral. Nous notons également la présence de signaux significatifs au niveau du bassin méditerranéen, du Nord-Est de l'Afrique ainsi que sur l'Ouest de l'Europe au cours des deux premières décennies. L’ensemble du Groenland se caractérise aussi par des valeurs significatives lors de la première décennie. Ces signaux continentaux impliquent que, dans ces régions, une partie de l’évolution de la température est prévisible à l’échelle décennale malgré la non significativité des PPP calculées à partir des températures annuelles. Une raison possible pour laquelle les moyennes annuelles de température ne montrent pas de prévisibilité à une échéance supérieure à 2 ans, est que le rapport signal sur bruit de la part prévisible de la température est trop faible pour qu’une prévisibilité interannuelle soit détectée à l’aide d’un ensemble de 14 membres. Moyenner temporellement permet d’augmenter ce rapport signal sur bruit et aide ainsi à estimer la prévisibilité décennale sans augmenter le nombre de membres.

Notons que les cartes de PPP présentent des valeurs négatives (cf. Europe de l’Est par exemple) qui, selon l’hypothèse ergodique, ne devraient pas exister. Deux raisons peuvent expliquer cela : (i) il est possible que le nombre de membre des prévisions soit insuffisant pour caractériser correctement la dispersion de l’ensemble dans ces régions ; (ii) l’hypothèse d’ergodicité est fausse la stationnarité des caractéristiques de la simulation de contrôle doit être remis en cause. Il est en effet probable qu’un état du système climatique soit plus dispersif qu’un autre. Utiliser l’ensemble de la simulation pour caractériser la dispersion masquerait cette variation et pourrait ainsi expliquer les valeurs de PPP négatives.

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IV-1-2-d) Conclusion et discussion sur les estimations ppvf et PPP de la