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Chapitre IV : La prévisibilité décennale de la région Atlantique Nord – Europe

IV- 4-2-a) L’événement AMV/AMOC 1991-2004

Lors de la première décennie de la prévision MC, l’Atlantique Nord se caractérise par des conditions plus salées que la normale au Nord de 40°N (~+0.08psu ; Figure IV.22a), avec des maxima situés en mer de GIN, en mer du Labrador et dans l’Ouest du gyre subpolaire. De fortes anomalies positives de sel sont aussi présentes à l’Est du bassin sur la frontière séparant les gyres subpolaire et subtropical (longitudes ~30-20W) et le long des côtes de l’Europe et de l’Afrique du Nord. Ces anomalies positives contrastent avec les anomalies négatives de sel situées au niveau de la bande tropicale (~-0.04psu), de l’arc caribéen et du Gulf Stream (~-0.02psu). Cette structure d’anomalies de salinité est parfaitement cohérente avec celle de la régression du champ de SC200 sur l’AMOCy de la

IV-4) Mécanismes physiques à l’origine de la prévisibilité de l’Atlantique Nord

169 figure (Figure III-Article14), avec un déphasage de quelques années avant un maximum d’AMV canonique.

Au cours des deuxième et troisième décennies, la salinité du gyre subpolaire et des mers de GIN diminue peu à peu, alors que les anomalies négatives de sel des zones tropicales se renforcent et se propagent le long du courant de bord Ouest jusqu’à 40°N (Figure

IV.22a). Lors de la troisième décennie, les anomalies positives du centre Est du gyre

subpolaire ne sont plus significatives, ce qui est cohérent avec la pénétration dans le gyre de masses d’eau anormalement douces en provenance des tropiques. La diminution des anomalies de sel à cet endroit entraîne une diminution du gradient de densité entre le centre et l’Est du gyre subpolaire, conduisant à une diminution de son intensité sur son bord Est (i.e. diminution de l’internal salinity feedback, cf. III-1-2-e ; non montré). L’augmentation des anomalies positives de salinité situées à la frontière gyre subpolaire/gyre subtropical et sur les côtes de l’Europe s’explique par l’advection d’anomalies du centre du bassin vers les côtes, se propageant ensuite vers les subtropiques par la bande de recirculation du gyre subtropical. Nous verrons dans la section suivante que la circulation atmosphérique contribue aussi à la structure géographique des anomalies de sel et à leur évolution en fonction de l’échéance.

Par les expériences de prévisibilité, nous retrouvons ainsi le mécanisme d’advection d’eau douce en provenance des tropiques qui tend à diminuer la salinité du gyre subpolaire. Lors de la troisième décennie l’anomalie positive de sel est clairement érodée à l’Est du gyre subpolaire et contribue à terminer l’événement d’AMOC. La prévision TC, initialisée 13 ans après le début de la prévision MC et ayant de fait dans les conditions initiales les ingrédients thermohalins pour diminuer l’AMOC, prévoit effectivement un retour à des conditions normales vers l’échéance 15 ans (Figure

IV.10).

Au cours de la première décennie de la prévision TC, les anomalies de salinité du gyre subpolaire sont de l’ordre de ~+0.04psu et le maximum d’anomalie (>+0.14psu) couvre la côte Est de l’Atlantique entre l’Islande et l’Afrique du Nord (Figure IV.22b). Des anomalies négatives sont présentes dans toute la bande tropicale/subtropicale, avec des valeurs atteignant déjà -0.04psu au niveau du courant de bord Ouest. Des anomalies négatives sont aussi présentes à l’Ouest des mers de GIN. Remarquons qu’à l’exception de ces mers Arctiques, la structure des anomalies de SC200 semble cohérente avec la moyenne de SC200 lors des décennies 2 et 3 de la prévision MC, suggérant un fort déterminisme dans l’évolution de la salinité de PiCTL lors des 13 années séparant l’initialisation de la prévision TC de celle de la prévision MC. Cette structure d’anomalies de salinité est aussi cohérente avec celle de la régression du champ de SC200 sur l’AMOCy (Figure III-Article14), montrant la SC200 lors d’un maximum d’AMV canonique.

Au cours de la deuxième décennie de la prévision TC, la salinité du gyre subpolaire tend à diminuer et nous voyons apparaître une anomalie négative de SC200 au centre Est du gyre subpolaire, vraisemblablement liée à l’advection des masses d’eau tropicales

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anormalement douces (Figure IV.22b). La diminution de la composante signal (ou EM) de l’entropie relative des indices de salinité, de densité et d’AMOCy, entre la première et la deuxième décennie de la prévision TC, n’est donc pas uniquement imputable à l’altération intrinsèque des anomalies de par la nature du système climatique mais est accélérée par l’advection de masses d’eau tropicales anormalement douces. Signalons en outre que, lors de la troisième décennie, les mers de GIN sont dessalées et des anomalies semblent se propager via le détroit du Danemark jusqu’en mer du Labrador, matérialisées par des valeurs négatives le long des côtes du Groenland (Figure IV.22b). Ce mécanisme, que nous avions nommé « route Nord » dans le chapitre III (cf. III-1-2-g) est cependant trop tardif pour jouer un rôle dans la diminution de l’AMOC lors de la

Figure IV.22 : Evolution des anomalies du champ de salinité (psu) moyennée sur les 200 premiers

mètres de l’océan (SC200) lors de la prévision (a) MC et (b) TC. Les pointillés noirs et verts

représentent, respectivement, les valeurs pour lesquelles l’EM et l’ES sont statistiquement significatives au seuil 95% (test de bootstrap).

IV-4) Mécanismes physiques à l’origine de la prévisibilité de l’Atlantique Nord

171 prévision TC. Néanmoins, au même titre que les anomalies négatives de salinité de la bande tropicale/subtropicale, il inhibe la formation d’un nouvel événement d’AMOC. Nous verrons dans la section suivante que les anomalies de salinité des mers de GIN de la décennie 3 sont liées à des anomalies de glace et de températures froides engendrées par des anomalies de circulation atmosphériques (cf. IV-5).