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CHAPITRE 1 – INTRODUCTION

II. C ONSEQUENCES D ’ UN STRESS SOCIAL CHRONIQUE : EXEMPLE DE LA DEPRESSION UNIPOLAIRE

3. Modèles animaux de dépression

3.3 Modèles prédictifs, mesure des modifications comportementales affectives

Les modifications comportementales pouvant être observées chez des rongeurs ayant un phénotype de type dépressifs sont souvent de nature affective (Lapiz-Bluhm et al., 2008). Elles sont le reflet de symptômes pouvant être observés chez l’humain, tels que l’anhédonie (test de préférence au sucrose) (Slattery & Cryan, 2014), les modifications psychomotrices (test d’open field) mais aussi les niveaux d’anxiété (open field, labyrinthe en croix surélevé). La réponse antidépressive peut aussi être analysée en utilisant les tests de nage forcée ou de suspension par la queue. Ici nous détaillerons uniquement les tests que nous avons utilisés au cours de nos travaux expérimentaux.

3.3.1 Prédiction de la réponse antidépressive

Le test de nage forcée (Forced swimming test, FST) a été développé pour cribler l’efficacité des traitements aigus d’antidépresseurs (Porsolt, Bertin, & Jalfre, 1977). Il s’agit donc à l’origine d’un modèle prédictif de la réponse antidépressive. Le développement d’une version modifié du FST a permis de discriminer différents comportements actifs observés durant le test, qui sont la nage, l’immobilité et l’escalade des parois (Fig. 10A) (Slattery & Cryan, 2012). L’immobilité serait le résultat d’une détresse comportementale, reflétant l’incapacité de l’animal de s’échapper, ou bien l’apparition d’une stratégie passive réduisant le niveau de stress induit par la situation. Ces comportements seraient liés à des mécanismes d’actions spécifiques, liés pour la nage à une action sérotoninergique et pour l’escalade à une voie impliquant les catécholamines (Cryan, Valentino, & Lucki, 2005; Detke & Lucki, 1996). Ce test permet donc d’étudier les modifications de comportements ainsi que l’efficacité de traitements ou interventions environnementales sur le niveau de résignation des rongeurs.

Un autre test utilisé uniquement chez la souris est celui de suspension par la queue (Fig. 10B ; Steru, Chermat, Thierry, & Simon, 1985). Il est basé sur le même principe que le FST, à savoir que les symptômes de type dépressifs et la résignation sont associés à une réduction de la mobilité, qui est inversée par l’administration d’un traitement antidépresseur adapté.

Figure 10. Tests prédictifs de l’activité antidépressive. A) Test de nage forcée. B) Test de

suspension par la queue (d’après Albeilara et al., 2013).

Ces deux tests nécessitent en complément une évaluation de l’activité locomotrice, afin de pouvoir attribuer avec certitude une réduction de la mobilité à une résignation accrue et non à une altération généralisée de la locomotion.

3.3.2 Anxiété et activité locomotrice

Le test d’open field a été développé pour évaluer le niveau de crainte des rongeurs via une quantification du nombre de défécation dans une arène ou open field (Hall & Ballachey, 1932; Walsh & Cummins, 1976). Plus récemment, il est généralement utilisé pour l’évaluation du niveau d’anxiété des rongeurs (Belovicova, Bogi, Csatlosova, & Dubovicky, 2017). Dans ce test, un rongeur est placé au centre d’une arène ouverte et son activité locomotrice est monitorée durant 5 à 10 minutes. Les rongeurs ont naturellement tendance à éviter de se retrouver en zone exposée afin d’éviter une potentielle attaque de prédateur. Plus les niveaux d’anxiété sont élevés, plus ils passeront du temps en périphérie de l’arène par rapport au centre. Ce test permet d’évaluer simultanément les niveaux d’anxiété ainsi que l’activité locomotrice des rongeurs.

3.3.3 Retrait social

La dépression est caractérisée par des altérations dans les interactions sociales chez les humains. La comorbidité avec la pathologie anxieuse peut aussi mener à un retrait social. Chez le rongeur, cette dimension peut être évaluée en utilisant des tests d’interactions sociales tels

en retrait et évitent l’initiation d’interactions sociales (Nam, Clinton, Jackson, & Kerman, 2014; Wilson & Koenig, 2014).

3.3.4 Autogrooming

Lorsque le grooming est dirigé vers soi, on parle d’autogrooming ou self-grooming. Il permet non seulement de maintenir un niveau d’hygiène mais aurait aussi une fonction de «

de-arousal », nécessaire à la réduction des niveau d’anxiété (Kalueff et al., 2016). L’autogrooming

est un comportement stéréotypé et très conservé, qui occupe entre 30 et 50 % de leur temps éveillé (Bolles, 1960; Kalueff, Aldridge, LaPorte, Murphy, & Tuohimaa, 2007; Kalueff et al., 2016). Il est organisé en microstructure séquencée suivant un avancement céphalo-caudal. Ce

grooming débute généralement au niveau des pattes avant et du nez (Phase I), suivi d’un grooming du visage (Phase II), puis d’un grooming de la tête (Phase III) pour enfin finir avec

un grooming du corps (Phase IV) (Fig 11). Dans des situations pathologiques telles qu’en présence de maladie neuropsychiatriques et neurodégénératives, le comportement d’autogrooming peut être perturbé et devenir anormal.

Figure 11. Comportement d’autogrooming chez le rongeur. Le grooming suit une séquence d’évènements très conservée découpé en 4 phase. La phase I correspond à une série de mouvements elliptiques bilatéraux réalisés au niveau du nez ; la phase II correspond à une série de mouvements unilatéraux réalisés par chaque patte au niveau du visage ; la phase II et constituée d’une série de mouvements bilatéraux allant vers l’avant et l’arrière au niveau de la tête ; enfin, la dernière phase comprend une série de mouvement dirigé vers le corps (d’après Kalueff et al., 2016).

Un comportement anormal d’autogrooming a été observé dans de nombreuses maladies neuropsychiatriques telles que l’autisme ou les troubles des ganglions de la base (Kalueff et al., 2016). Les modèles animaux de dépression présentent aussi des altérations du comportement de grooming (Smolinsky, Bergner, LaPorte, & Kalueff, 2009). Cependant la question se pose toujours de savoir si les animaux présentant un phénotype de type dépressif augmentent ou réduisent leur durée de grooming (Fig. 12). Chez les rongeurs ayant un phénotype de type dépressif, on observe une détérioration de l’état de la fourrure, pouvant être compatible avec une réduction de l’autogrooming (Isingrini et al., 2010; Nollet et al., 2013). D’autre études ont mis en évidence un pattern de grooming aberrant suite à l’exposition à un stress chronique (Audet, Goulet, & Doré, 2006; Denmark et al., 2010).

Figure 12. Comportement d'autogrooming attendu dans différents modèles animaux de maladies neuropsychiatriques. (modifié d’après Kalueff et al. 2016)