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CHAPITRE 1 – INTRODUCTION

I. S TRESS SOCIAL : EXEMPLE DE L ’ EXCLUSION SOCIALE

4. Modèles rongeurs d’interactions sociales

4.1 Interactions sociales

4.1.1 Types d’interactions sociales

En présence d’autres individus de leur espèce, les rongeurs et particulièrement les rats vont initier des interactions sociales, qui prennent la forme de comportements d’agressivité (lutte, morsure, charge), d’exploration, de coopération (Viana, Gordo, Sucena, & Moita, 2010), de

grooming (toilettage), ou encore de sniffing ou « reniflage » (Vanderschuren, Niesink, & Van

Ree, 1997; Wills, Wesley, Moore, & Sisemore, 1983). Ces interactions sont importantes pour le développement des leurs capacités sociales. Nous ne décrirons ici que ceux étudiés dans les travaux de cette thèse, à savoir le grooming, le sniffing et les comportements de nature pro-sociale.

a) Grooming

Les rongeurs ont un comportement de grooming ou toilettage qui est inné. Au niveau biologique, il a une fonction de thermorégulation grâce à l’évaporation de la salive sur la fourrure, et antibactérienne. Le grooming est aussi très présent dans le cadre des interactions sociales via le comportement d’allogrooming, qui correspond au toilettage mutuel entre deux individus de la même espèce. L’allogrooming serait mis en jeu pour renforcer des interactions sociales mais aussi réduire la tension entre deux individus (Spruijt, van Hooff, & Gispen, 1992).

b) Sniffing

Le comportement de sniffing a récemment été associé à la liste de signaux de communication utilisés par les rongeurs dans le cadre d’interactions sociales (Wesson, 2013). Il s’agit d’un comportement exploratoire de nature olfactive permettant aux deux individus d’acquérir des informations sur l’identité et le statut biologique et social de l’autre (Doty, 1986; Galef, 2013). Il fournit aussi des informations sur le contenu alimentaire récemment ingéré, facilitant l’approche de nouveaux aliments. Il peut avoir lieu face-à-face, au niveau du flanc ou au niveau anogénital (Fig 3). Dans le cadre de test d’interaction sociale, le sniffing refléterait donc une exploration de nature sociale dirigée envers le stimulus social.

Figure 3. Différents types de sniffing. Au cours d’interactions sociales, les rongeurs ont recours au

sniffing, un comportement exploratoire pouvant être dirigé A) au niveau de la face, B) au niveau du flanc, ou C) au niveau anogénital (d'après Wesson, 2013).

c) Comportements pro-sociaux

De récentes études ont mis en évidence la présence de comportements de type pro-sociaux chez les rongeurs. Les rats auraient une capacité à partager leur expérience affective avec leurs congénères (Panksepp & Lahvis, 2011) via une contagion émotionnelle, qui constituerait une forme simple d’empathie (Kim, Kim, Covey, & Kim, 2010). Ils s’engageraient aussi dans des interactions réciproques et de coopération, produisant donc des bénéfices pour les autres individus (Bartal, Decety, & Mason, 2011; Hernandez-Lallement, van Wingerden, Marx, Srejic, & Kalenscher, 2015; Viana et al., 2010). Dans des tâches où les rats ont le choix entre avoir accès à une récompense à forte valeur hédonique ou libérer un autre rat en détresse, les rats libres ont majoritairement fait le choix de libérer le rat restreint, partageant de plus la récompense alimentaire par la suite (Bartal et al., 2011). Ces mêmes comportements de partage social ont été décrit dans une étude où les rats avaient le choix au cours d’une tâche de choix pro-social entre récupérer une seule récompense pour eux ou en récupérer deux pour les partager avec un autre individu. Les rats choisissaient la condition de partage plus souvent que celle de non partage (Hernandez-Lallement et al., 2015). Des comportements similaires à la réciprocité et la coopération, qui apparaissent dans le cadre d’actions réciproques menant à un bénéfice mutuel entre plusieurs individus, ont aussi été observés chez le rat (Avital, Aga-Mizrachi, & Zubedat, 2016). Par exemple, dans une tâche où les rats ont été entrainés à tirer une barre afin de fournir une récompense alimentaire à un partenaire, les auteurs ont observé que les rats était plus apte à coopérer s’ils avaient reçu de l’aide auparavant (Rutte & Taborsky, 2007). Les rongeurs auraient donc une variété de comportements de nature pro-sociale.

4.1.2 Paradigmes d’interactions sociales

Un des premiers paradigmes décrit a été développé dans le but d’étudier les processus d’anxiété sociale (File & Hyde, 1978). Il s’agit d’une tâche simple où deux rongeurs inconnus l’un de l’autre sont placés au centre d’une arène ou open field sous une luminosité intense, rendant l’environnement très anxiogène. Leurs interactions de différente nature telle que le temps total passé à interagir sont relevées et quantifiées sur une période d’environ 10 min par un expérimentateur et constituent les variables d’intérêt. Pour une analyse de comportements plus complexes comme par exemple les durées de sniffing, la nature de ce sniffing ou encore le type de comportements agressifs tels que la lutte ou attaque, un enregistrement vidéo permettra une étude plus poussée de ces interactions. En complément de son utilisation dans l’étude des niveaux anxieux, des auteurs proposent que cette nature anxiogène du test soit retirée, permettant de l’utiliser comme simple test d’interaction sociale (Wilson & Koenig, 2014). Une réduction du niveau d’illumination de l’arène ou encore une simple habituation à l’environnement avant le test permettrait de réduire les niveaux d’anxiété des rongeurs (File & Seth, 2003)

Une autre variante de ce test d’interaction sociale est celui du test de préférence sociale (social preference test, SPT) ou test de Crawley à trois chambres (Fig. 4 ; Moy et al., 2004). Dans ce paradigme, le rongeur test est placé dans un open field divisé en trois compartiments pouvant chacun contenir un objet inanimé ou un autre rongeur placé dans un carrousel en inox. Cette configuration permet de concentrer l’analyse sur le rat test, étant donné que lui seul peut initier l’interaction sociale. La présence de grilles sur le carrousel permet de limiter l’interaction sociale à des contacts sensoriels et d’éviter les contacts agressifs. Les variables d’intérêt sont le temps passé par le rongeur test dans les différents compartiments, reflétant leur niveau de compétence sociale, ainsi que les comportements d’exploration active tels que le sniffing (Wilson & Koenig, 2014). Les rongeurs sont naturellement sociaux et font donc preuve de sociabilité, mesuré ici par la propension à passer du temps dans la chambre sociale (étranger n°1) versus la chambre vide (Fig. 4A). Ils sont aussi naturellement attirés par la nouveauté et possèdent une mémoire sociale, quantifiée ici par la capacité à discriminer entre un individu familier (étranger n°1) et non familier (étranger n°2) ou préférence pour la nouveauté sociale (Fig. 4B). Dans des modèles d’autisme ou d’exposition à un stress précoce, on peut retrouver des déficits sociaux caractérisés dans ce test par une diminution de la sociabilité et de la préférence pour la nouveauté sociale (Moy et al., 2004; Tzanoulinou, Riccio, de Boer, & Sandi, 2014). Ce test permet donc non seulement d’étudier les comportements d’approche sociale

(interaction dans les chambres avec stimulus social) mais aussi les comportements de retrait ou évitement social (localisation dans les chambres sans stimulus ou avec stimulus non animé).

Figure 4. Test de préférence sociale. Au cours du test de préférence sociale, les rats sont placés dans un open field à trois compartiments. Leur niveau de A) sociabilité (interaction avec un autre rat plutôt qu’un objet inanimé) et B) préférence pour la nouveauté sociale (interaction avec un rat inconnu plutôt qu’un rat familier) sont évalués.