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C. La migration cellulaire

1. Les modèles de migration cellulaire

Les cellules peuvent migrer soit individuellement, grâce à l'activité du cytosquelette et sans interactions cellule-cellule avec les cellules avoisinantes (Ridley et al., 2003), soit collectivement, en un groupe cohésif qui maintient ses jonctions cellule-cellule et coordonne leur cytosquelette entre cellules et avec les tissus avoisinants (Friedl and Gilmour, 2009).

Le modèle général de la migration individuelle se réfère aux déplacements des leucocytes en transit entre et à travers les tissus au cours de leur fonction de surveillance de l'organisme (Friedl and Weigelin, 2008), mais aussi à la production, dépôt et réabsorption de matrice extracellulaire par les cellules stromales (Grinnell and Petroll, 2010), et enfin aux capacités d'intégration et d'ancrage dans une nouvelle niche des cellules souches (Paksa and Raz, 2015). In vivo, il est possible de distinguer deux modes de migrations individuelles en se basant sur la morphologie, les mouvements et les fonctions cellulaires : les mouvements amiboïdes et mésenchymateux.

La migration collective survient lorsque les cellules maintiennent leur jonctions cellule-cellule avec leur voisines et bougent comme un groupe coordonné (Friedl and Gilmour, 2009). Leur morphologie collective, leur dynamique et leur devenir sont déterminés par le type et la stabilité des jonctions intercellulaires et des conditions extracellulaires.

Ces types de migrations, individuelle ou collective, sont contrôlés par des programmes moléculaires définissant leur spécificité, leur force mécanique et leur renouvellement, et conditionnent les interactions cellule-cellule et cellule-matrice.

Figure 40 : La migration, individuelle ou collective

a. La migration individuelle

Les cellules individuelles perçoivent les stimuli de migration et les indications de directions via leur front de migration. Ce front est guidé par des stimuli physiques, comme des discontinuités structurelles du substrat détectées par les récepteurs d'adhésions, ou par une induction chimique de facteurs autocrines ou paracrines. Ces signaux convergent à la membrane, provoquant la transition du PIP2 en PIP3 et activent RAC ou CDC42, permettant aux cellules de passer d'un comportement sédentaire à mobile (Heit et al., 2002; Kolsch et al., 2008). La localisation des protrusions définit la direction du mouvement, et un changement de polarité induit un changement de direction. Par la production différentielle de protrusions, les cellules individuelles décident quoi suivre entre les différents gradients d'attractions (Heit et al., 2002) et les différentes cytokines solubles ou immobiles (Weber et al., 2013), ajustant la direction de leur migration selon la disponibilité en ligand d'adhésion et de l'organisation géométrique des tissus (Doyle et al., 2009; Starke et al., 2014).En modulant RAC et CDC42, le front de migration de la cellule peut adopter différentes formes et changer de types de protrusions, incluant les lamellipodes, les filopodes, les lobopodes et les "blebs", séquentiellement ou simultanément (Bergert et al., 2012; Petrie and Yamada, 2012; Roubinet et al., 2012; Starke et al., 2014). Les différents types de protrusion diffèrent dans leur forme, leur cinétique et leurs protéines de liaisons à l'actine (Sarmiento et al., 2008; Tseng et al., 2001), ainsi que dans leur capacité à focaliser l'actine, les intégrines et les protéases de surfaces, induisant des variations dans leur capacités à adhérer, générer des forces mécaniques et dégrader la matrice.

b. La migration collective

La direction prise lors d'une migration collective peut être déterminée par deux mécanismes distincts, les décisions prises par la cellule de tête et le dépôt de matrice extracellulaire. La cellule de

Figure 40 : La migration, individuelle ou collective

Issue de Boekhorst et al., 2016

(a) Transition d’une cellule isolée immobile à migratrice. Les caractéristiques du mouvement amiboïde sont une forme arrondie, et un front très dynamique formant des protrusions de type « bleb », des dendrites, des filopodes ou des pseudopodes aux capacités d’adhésion limitées. Le mouvement mesenchymateux génère une forme de cellule allongée, avec des extensions dans l’axe antéro-postérieure et une adhésion renforcée.

(b) Le mode de migration collective dépend de la morphologie cellulaire et de la force des interactions cellule-cellule. Le mouvement mésenchymateux collectif est caractérisé par une forte densité cellulaire, des jonctions cellule-cellule faibles et survient lors d’un confinement important. Le mouvement neuronal est utilisé par les astrocytes et les cellules de gliome migrant à travers le stroma du cerveau, conservant des jonctions filamenteuses. La migration des cellules épithéliales est maintenue par une adhésion cellule-cellule très forte décourageant l’individualisation, son mouvement est soit en couche ou multicouche épithéliale, soit conserve une polarité apico-basale et un lumen. Le mouvement collectif endothélial mène au bourgeonnement vasculaire, avec une forte adhésion cellule-cellule étanche préservant et la polarité apico-basale pour le lumen, et la polarité antéro-postérieure de la cellule de tête.

tête détecte et suit les repères des tissus ainsi que les facteurs pro-migration, dirigeant le groupe entier. La cellule de tête guide les autres via des chimiokines comme SDF-1, tandis que la productions de morphogènes comme le FGF et l'HGF définissent l'émergence de branches latérales, comme lors de l'angiogénèse (Xu et al., 2014). Les branches peuvent être induites par le dépôt de protéines matricielles par des cellules épithéliales mouvantes, comme la fibronectine, qui cause des bifurcations et initialement sépare les compartiments tissulaires (Larsen et al., 2006; Sakai et al., 2003).

c. Plasticité de la migration

La migration collective peut se convertir en migration individuelle, via un détachement des cellules du groupe par des déplacement mésenchymaux ou amiboïdes. Au moins deux mécanismes d'individualisation supportent ce détachement, l'"unjamming" (débourrage) et l'inhibition des jonctions adhérentes (Haeger et al., 2015).

Avant l'"unjamming", les cellules migratrices conservent des jonctions cellule-cellule faibles, leur cohésion n'étant assurée que par le fait qu'elles se déplacent dans des espaces confinés, comme les cellules mésenchymateuses migrant dans des structures en tube dans un collagène dense (Haeger et al., 2014; Ilina et al., 2011), ou in vivo dans l'espace interstitiel (Weigelin et al., 2016). Lorsque les cellules émergent dans un milieu moins confinés elles se libèrent les unes des autres (Haeger et al., 2014).

L'inhibition transcriptionnelle des jonctions adhérentes, des jonctions serrées et des desmosomes survient lors de la transition épithélio-mesenchymateuse (EMT). L'EMT est induite par des déclencheurs extracellulaires, comme les cytokines, les facteurs de croissance et la stress métabolique, menant à l'internalisation du tube neural, la transition de la cadhérine E vers la cadhérine N, et l'induction de la migration (Nieto, 2011; Theveneau and Mayor, 2012). Les cellules ont donc moins d'attaches intercellulaires, se détachent de l'épithélium et bougent individuellement. Les modifications induites par l'EMT sont plus détaillé dans la sous-partie consacrée dans le chapitre I.

Selon qu'elles retiennent ou non des interactions intercellulaires et qu'elles traversent des espaces confinés, les cellules peuvent alterner d'une migration collective à individuelle et vice versa.

2. Guider la migration, une histoire de -taxie