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Au cours de l'EMT, les cellules diminuent l'expression des protéines épithéliales, incluant celles qui font parties des complexes de jonctions cellule-cellule (Huang et al., 2012a; Peinado et al., 2007). Elles redirigent également leurs programmes d'expression génomique pour permettre les changements dans l'architecture du cytosquelette, favorisant l'adhésion aux cellules mésenchymateuses et altérant leur interaction avec la matrice extracellulaire (De Craene and Berx, 2013; Yilmaz and Christofori, 2009, 2010). La variation des profils d'expression génomique associés à l'EMT dépend des cellules et du type de tissus impliqué, ainsi que de l'avancée de la progression vers la différenciation mésenchymateuse.

1. La transition des cadhérines

La signature de l'EMT est l'inhibition de la cadhérine E, qui renforce la déstabilisation des jonctions adhérentes. De plus, la répression des gènes codants pour les claudines, l'occludine, la desmoplakine et la plakophiline, stabilise la dissolution des jonctions serrées apicales et des desmosomes (Huang et al., 2012a). Ces changements dans l'expression génomique préviennent la formation de novo de jonctions cellule-cellule épithéliales, et on pour effet la perte de la fonction de la barrière épithéliale (Peinado et al., 2007). La répression des gènes codant les protéines de

jonctions épithéliales est accompagnée de l'activation de gènes favorisant l'adhésion mésenchymateuse. Spécifiquement, la diminution de la cadhérine E est balancée par l'augmentation de l'expression de la cadhérine N, effectuant la transition de cadhérines qui altère l'adhésion cellulaire (Wheelock et al., 2008; Yilmaz and Christofori, 2009). Via cette transition, les cellules perdent leur association à l'épithélium et acquièrent une affinité pour les cellules mésenchymateuses, par interaction homotypique entre cadhérines N. Ces interactions sont plus faibles que l'interaction homotypique des cadhérines E, facilitant ainsi la migration cellulaire et l'invasion (Theveneau and Mayor, 2012). La cadhérine N se connecte au cytosquelette par les caténines α et β, et interagit aussi avec la caténine p120, aux médiateurs de signalisation (Brieher and Yap, 2013) et aux RTKs, comme le PDGFR et FGFR (Hansen et al., 2008). L'EMT active aussi l'expression des NCAM (neural cell adhesion molecule), un autre partenaire de la cadhérine N dans la modulation des RTKs associés (Cavallaro and Christofori, 2004). NCAM interagit avec la tyrosine kinase FYN de la famille Src, facilitant l'assemblage des adhésions focales, de la migration et de l'invasion (Lehembre et al., 2008).

2. Remodelage du cytosquelette

L'altération des gènes contrôlant le cytosquelette et les protéines des complexes de polarité contribue aussi à l'EMT. La composition des filaments intermédiaires change avec la répression de la cytokératine et l'activation de l'expression de la vimentine (Huang et al., 2012a). Les filaments de kératine et de vimentines régulent le trafic des organelles et des protéines associées à la membrane, mais ils ciblent des protéines différentes dans leur transport à la membrane. Par exemple, la kératine, mais pas la vimentine, peut transporter la cadhérine E à la membrane (Toivola et al., 2005). Les changements dans la composition des filaments intermédiaires permettent aussi la motilité cellulaire, possiblement par l'association de la vimentine aux protéines motrices (Mendez et al., 2010). Pour induire la motilité directionnelle, les cellules subissant l'EMT répriment l'expression des complexes Crumbs apicaux, notamment les protéines Crumbs3 et PATJ, et des complexes basolatéraux Scribble, dont la protéine LGL2 (Moreno-Bueno et al., 2008; Nelson, 2009; Yilmaz and Christofori, 2009).

3. Evolution du rapport à la matrice extracellulaire

Le remodelage de la matrice extracellulaire et les changements d'interactions entre les cellules et la matrice sont essentiels dans l'initiation et la progression de l'EMT. Les complexes intégrines permettent aux cellules de sentir les signaux des protéines matricielles via l'interaction avec les

médiateurs de signalisation, comme ILK (integrin-linked kinase), PINCH (Cys-His protein 1) et la parvine (Hansen et al., 2008; Yilmaz and Christofori, 2009). Lorsque les cellules épithéliales se différencient en cellules mésenchymateuse, elles n'interagissent plus avec la lame basale et communiquent avec une matrice extracellulaire différente. Ainsi, les cellules répriment les intégrines épithéliales mais en activent d'autres, certaines de ces nouvelles intégrines ayant un rôle clef dans l'EMT (Yilmaz and Christofori, 2009). Par exemple, au cours de l'EMT l'expression de l'intégrine épithéliale α6β4, qui interagit avec la lame basale, est inhibée par l'extinction épigénétique du gène de l'intégrine β4 (Yang et al., 2009). De plus, l'intégrine épithéliale α3β1, qui se lie à la laminine mais qui est aussi associée à la cadhérine E, est requise pour la progression de l'EMT et intègre les signaux de la β caténine et de la voie TGFβ-SMAD (Kim et al., 2009). L'augmentation de l'intégrine α5β1 au cours de l'EMT favorise l'adhésion cellulaire à la fibronectine, dont l'expression est aussi activée par l'EMT et stimule la migration (Maschler et al., 2005; Mise et al., 2012). L'augmentation d'expression des intégrines α1β1 et α2β1 et leur interaction avec le collagène de type 1 facilitent la disruption des complexes de cadhérine E et la translocation de la β caténine au noyau (Koenig et al., 2006).

L'évolution du répertoire des intégrines durant l'EMT est corrélée à l'augmentation d'expression des protéases, comme les MMP2 et MMP9, renforçant la dégradation de la matrice et l'invasion (Nistico et al., 2012). Les MMPs ciblent également les protéines transmembranaires, ce qui, par exemple, résulte à la libération du domaine extracellulaire de la cadhérine E, contribuant à la perte des jonctions adhérentes (Nistico et al., 2012). De plus, la MMP3 peut induire l'EMT via l'augmentation de l'expression et de l'activité de RAC1B, qui provoque l'augmentation des ROS intracellulaires menant à l'augmentation de l'expression de SNAIL1 (Radisky et al., 2005). L'augmentation de l'intégrine αvβ6 pendant l'EMT est corrélée avec l'augmentation d'expression des protéases, l'intégrine et les protéases colocalisent au niveau des invadopodes qui sont impliqués dans l'invasion cellulaire (McNiven, 2013; Yilmaz and Christofori, 2009). Aussi, l'intégrine αvβ3 est augmentée avec l'EMT, ce qui contribue aux fonctions pro-invasives du front cellulaire des cellules cancéreuses (Shah et al., 2012). Enfin, la dégradation localisée de la matrice par les cellules invasives peut libérer les facteurs de croissances stockés, et agir sur les cellules de manière autocrine. Certaines protéases, qui affectent l'invasion et les intégrines comme l' αvβ6, activent le TGFβ stocké sous forme latente au cours de l'EMT (Sheppard, 2005). Ceci expose les cellules à une augmentation de la signalisation du TGFβ, qui renforce l'EMT et stimule l'expression de protéines matricielles comme le collagène et la fibronectine, favorisant le remodelage de la matrice pour en changer la composition et les propriétés (Thiery et al., 2009; Thiery and Sleeman, 2006).