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Les thérapies contre les mélanomes métastatiques

D. Le traitement du mélanome

4. Les thérapies contre les mélanomes métastatiques

Les thérapies généralistes contre le cancer, les chimiothérapies et la radiothérapie, sont applicables aux mélanomes. Cependant, leur impact est faible, le mélanome devenant rapidement résistant à leur action.

La chimiothérapie de référence contre le mélanome est l'agent alkylant Dacarbazine/Déticène, sur le marché depuis 1975, mais dont le taux de réponse associé ne dépasse pas 10%, sans amélioration de la survie. Son mode d'action passe par un effet cytostatique non sélectif, arrêtant la croissance cellulaire et inhibant la synthèse d'ADN. L'utilisation de cette chimiothérapie est actuellement mise à l'arrêt au profit d'autres thérapies plus efficaces et avec moins d'effets secondaires.

La radiothérapie n'est que peu utilisée dans le cas du mélanome. Elle est prescrite pour cibler la tumeur primaire et les ganglions lymphatiques envahis lorsque la localisation de ceux-ci les rend inopérables par exérèse. Elle est aussi utilisée en palliatif pour atténuer la douleur généré par les métastases osseuses et cérébrales.

Ces thérapies n'offrent ainsi pas de réel espoir de guérison, ce qui explique que le mélanome a longtemps eu la réputation d'un cancer incurable. Mais ces dernières années, de nouvelles thérapies plus efficaces ont été développées, qui, si elles n'assurent pas la guérison systématique, permettent d'augmenter l'espérance de vie des patients.

b. L'immunothérapie

Figure 15 : Mécanisme d'action des immunothérapies anti CTLA4 et PD1/PDL-1

Le concept derrière l'immunothérapie est de laisser l'organisme se débarrasser de la pathologie qui l'affecte, le traitement n'étant là que pour apporter un "coup de pouce", afin de mobiliser et diriger les défenses dans la bonne direction. Dans les cas des cancers et du mélanome, il s'agit d'induire la réponse immunitaire contre les cellules tumorales : celles-ci, bien que reconnues

Figure 15 : Mécanisme d'action des immunothérapies anti CTLA4 et PD1/PDL-1

Lymphocyte T

Cellule présentatrice

d’antigène ou

Mélanome

Antigène

CD-28

CTLA-4

PD-1

PD-L1

B7

TCR

MHC1

Anti- CTLA-4 Anti-PD-1 Anti-PD-L1

Activation

Inhibition

Inhibition

comme non-soi par l'organisme, ne sont pas reconnues assez vite et ne déclenchent pas de réponse assez forte. Cette capacité à échapper au système immunitaire s'explique notamment par la capacité des cellules cancéreuses à inhiber l'activation des lymphocytes T via l'expression à leur surface de certains ligands spécifiques. La stratégie immunothérapeutique pour combattre le mélanome est d'interférer avec cette interaction inhibitrice entre la cellule tumorale et le lymphocyte T. Trois médicaments prometteurs sont en développement, les anti-CTLA-4 et les anti-PD1/anti-PD-L1.

L'approche par CTLA-4 cible le récepteur situé à la membrane des lymphocytes T et reconnait le ligand B7 des cellules présentatrices d'antigènes. En compétition avec un autre récepteur des lymphocytes T, le CD28, la liaison avec B7 définit l'activation de la cellule : la liaison CD28 - B7 active le lymphocyte T tandis que la liaison CTLA-4 - B7 l'inhibe. Ainsi, en mimant cette dernière activation, les cellules tumorales désactivent les lymphocytes T. La thérapie consiste à injecter au patient des anticorps monoclonaux anti-CTLA-4 qui viennent empêcher l'inhibition et potentialisent l'activation de la réponse immunitaire (Eggermont et al., 2016; Robert and Ghiringhelli, 2009). Deux anticorps monoclonaux anti-CTLA-4 existent sur le marché : l'Ipilimumab et le Tremelimumab. Mais si ces thérapies sont efficaces jusqu'à un certain point, au bout du compte, peu de patients sont répondeurs, le traitement est long à faire effet (>3 mois), et de nombreux effets secondaires peuvent survenir (prurits, éruptions, diarrhées, colites,...).

Comme CTLA-4, la protéine PD-1 est un récepteur situé à la membrane des lymphocytes T. Il est stimulé par sa liaison avec son ligand PD-L1 (B7-H1), exprimé notamment par les mélanomes (Zou and Chen, 2008). Son activation inhibe l'activité anti-tumorale des lymphocytes T (pour revues (Homet Moreno and Ribas, 2015; Zavala and Kalergis, 2015). Ainsi, en bloquant la protéine PD-1 par des anticorps monoclonaux, l'interaction avec PD-L1 est empêchée, menant à la réactivation de lymphocytes T anti-tumoraux. Deux traitements existent, le Nivolumab et le Pembrolizumab.

Pour ce qui est de combattre le mélanome, il semble que la meilleure réponse des immunothérapies ait lieu lors de l'association simultanée ou séquentielle des anti-CTLA-4 et des anti- PD1/anti-PD-L1, telle l'association Nivolumab / Ipilimumab (Wolchok et al., 2013) ou l'utilisation de Nivolumab ou Pembrolizumab en cas de mélanomes métastatiques réfractaires à l'Ipilimumab (Robert et al., 2014).

c. Les thérapies ciblées

Les thérapies ciblées s'attaquent spécifiquement à l'inhibition de voies de signalisation déterminées, à la différence des thérapies classiques, au spectre plus large. Cette précision d'action réduit énormément les effets secondaires du traitement par rapport aux thérapies classiques. Les plus prometteuses de ces nouvelles thérapies ciblées sont celles affectant la signalisation de la voie des MAP kinases (RAF-MEK-ERK), les mélanomes exprimant les formes mutées de BRAF (V600E/K/D/L) étant les plus répandus.

Plusieurs inhibiteurs de la mutation BRAFV600 existent sur le marché, affectant uniquement les cellules portant la mutation, tels les mélanomes, sans effet sur les cellules saines. Parmi eux, le Vémurafénib (Zelboraf, PLX) et le dabrafénib (Tafinlar, GSK2118436), inhibent les formes mutées de BRAF par compétition avec le site de liaison à l'ATP de son domaine kinase.

Si l'efficacité de ces traitements pour le mélanome métastatique est avérée, avec un taux de réponse de 50 à 60% chez les patients mutés BRAF, tous ne sont malheureusement pas répondeurs et des mécanismes de résistance apparaissent chez 50% des répondeurs.

De plus, même si les anti-BRAFV600 n'ont pas d'effet inhibiteur sur les cellules saines ou les cellules tumorales non porteuses de la mutation, des effets "secondaires" peuvent apparaitre avec, paradoxalement, une activation de la voie des MAP kinases provoquant prolifération et migration cellulaire dans les tumeurs porteuses de mutations différentes. D'autres effets secondaires peuvent être observés, tels des arthralgies, une asthénie, une alopécie, des nausées et des désordres cutanés pouvant aller jusqu'à l'émergence de carcinomes. Cependant, ces effets secondaires sont bien moins fréquents que ceux observés lors des thérapies classiques, le plus grand danger venant de l'acquisition de résistances aux traitements.

Figure 16 : Traitement d'un mélanome aux inhibiteurs de BRAF et rechute

Toujours dans le cas d'un statut mutationnel BRAFV600, les inhibiteurs de MEK peuvent être utilisés : lorsque les cellules tumorales deviennent résistantes aux inhibiteurs de BRAFV600, c'est dans 70% des cas suite à une réactivation des kinases ERKs (Shi et al., 2014). Ainsi, l'association des inhibiteurs de MEK, tel le Cobimetinib et le Trametinib, aux traitements anti-BRAFV600 permet d'augmenter significativement la moyenne de survie (de 6-8 mois à 9-10 mois)(Larkin et al., 2014; Long et al., 2014), d'augmenter le taux de survie relative à 6-9 mois de 10% et de diminuer l'émergence secondaire de carcinomes. Cependant, même si cette approche combinatoire améliore globalement la survie des patients, le phénomène de résistance et de rechute survient encore trop souvent.

Figure 16 : Traitement d’un mélanome aux inhibiteurs de BRAF et rechute

Issue de Wagle et al, 2011

Homme de 38 ans atteint d’un mélanome métastique muté pour BRAF. Les photos ont été prises (A)

avant le traitement au PLX4032, (B) après 15 semaines de thérapie au PLX4032 et (C) après la rechute,

au bout de 23 semaines de thérapie.

Dans le cas de mélanomes non porteurs de la mutation BRAFV600, les choix thérapeutiques se limitent aux chimiothérapies associées à l'immunothérapie (Robert et al., 2011). La recherche essaye de mettre au point des thérapies ciblées contre les autres mutations fréquentes du mélanome (comme les mutations de RAS présentes dans 20% des mélanomes ou les autres mutations de RAF) mais le chemin est encore long.