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2.8 Conclusions

3.1.1 Les modèles macroscopiques empiriques

Le modèle de solution régulière perturbé par une composante magnétique

Comme nous l’indiquons au chapitre bibliographique de ce manuscrit, les mesures expérimentales se sont limitées, jusque dans les années 1970, aux températures hautes. Les limites de solubilité alors mesurées sont en accord avec le modèle de la solution régulière de Gibbs : l’enthalpie de mélange est quadratique [10, 50, 7, 52, 55, 54, 51, 26, 20].

Dès 1974, Williams fait l’hypothèse d’un écart au modèle de solution régulière dû au mélange ferromagnétique–antiferromagnétique [116]. Il propose de décomposer l’enthalpie de mélange ∆H comme la somme de l’enthalpie de mélange de la solution régulière ∆Hr ´egmix et d’une perturba- tion liée aux phénomènes magnétiques (seulement supputés à l’époque) ∆Hmagmix :

Hmix = ∆Hmixr ´eg +∆Hmixmag (3.1)

où l’enthalpie de mélange magnétique ∆Hmagmix est proportionnelle à la tem- pérature de Curie TCde l’alliage, elle-même proportionnelle à la teneur en

Cr de l’alliage :

∆Hmixmag∝TCxCr. (3.2)

Le rapport entre l’enthalpie de mélange régulière et la perturbation magnétique ∆Hregmix/∆Hmixmag

est choisi empiriquement pour obtenir une température critique proche de la mesure de 830 K à 50 % Cr [26, 20]. La

lacune de miscibilité calculée est représentée sur la figure 3.1 pour dif- férentes énergies d’ordre Ω définies par :

∆Hmixr ´eg = −xCrxFeΩ (3.3)

Figure 3.1 – Comparaison entre la limite de solubilité expérimentale [26, 20] (trait plein, traits pointillés pour les extrapolations depuis les hautes températures) et déduites du modèle de Williams [116] pour une énergie d’ordre Ω de 1300 et 1400cal/g. Dans ce modèle, l’enthalpie de mélange est décrite comme la somme d’une contribution chimique régulière et d’une contribution magnétique dépendant de la température de Curie de l’al- liage. Figure de Williams [116].

La contribution magnétique applatit le haut de la lacune de miscibilité de la solution régulière et stabilise la solution solide α’ riche en Cr dans tout le domaine de température. On note également que les solubilités ré- ciproques tendent vers zéro à 0 K. Or, les calculs ab initio récents montrent que l’enthalpie de mise en solution de Cr dans Fe est favorable à 0 K, au contraire de Fe dans Cr. Ils semblent donc indiquer que ce serait la solu- tion solide α qui serait stabilisée à basse température par le magnétisme.

Ce modèle de solution régulière perturbée par une contribution mag- nétique est à notre connaissance le premier à souligner un effet du mag- nétisme sur la lacune de miscibilité.

Calphad

La méthode numérique CALPHAD (Calculation of Phase Diagrams) est une méthode de minimisation de l’enthalpie libre pour le calcul de di- agrammes de phases. L’enthalpie libre est ajustée sur des observations ex- périmentales (limites de solubilité, mesures calorimétriques, magnétisme ...) [196, 197] ou des calculs ab initio[198].

Comme Williams, Sundman, Hertzman et Andersson [193, 14], Lin et al. [194, 195] introduisent une composante magnétique à l’enthalpie libre de mélange de l’alliage. Celle-ci s’exprime :

∆Gmix =∆HmixT∆Smix+∆Gmo (3.4) où ∆Hmix et ∆Smix sont les termes d’enthalpie et d’entropie de configura-

tion classiques. ∆Gmo est une contribution liée à la mise en ordre magné-

tique. Cette contribution s’exprime ainsi :

Gmo =RTln(M+1)f(τ) (3.5)

où τ est le rapport T

TC entre la température et la température de Curie de

l’alliage en Kelvin, et M est le moment magnétique moyen par atome en magnétons de Bohr (µB). f est un développement empirique en puissances

de τ proposé par Hillert et Jarl [199]. La fonction τ est différente de part et d’autre de la température de Curie de l’alliage TC. Cette dernière et le

moment magnétique moyen par atome M sont exprimés empiriquement par :

M= xFeM(Fe) +xCrM(Cr) +xFexCrM0 (3.6)

TC =xFeTC(Fe) +xCrTN(Cr) +xFexCrhTC0+ (xCr−xFe)TC1

i

(3.7) où TC(Fe)et TN(Cr)sont les températures de Curie et de Néel du fer et du

chrome purs. M(Fe)et M(Cr)sont les moments magnétiques atomiques

du fer pur ferromagnétique et du chrome pur antiferromagnétique, et T0 C,

T1

C et M0 sont ajustés sur les limites de solubilité et la température de

Curie expérimentales de l’alliage.

Nous représentons sur la figure 3.2 le diagramme de phases complet Fe–Cr déduit par l’ajustement CALPHAD de Chuang, Lin et al. [194, 195]. La solubilité de Cr dans Fe y est supérieure à celle de Fe dans Cr à haute température. Ils trouvent une température critique de 965 K à 40 % Cr ainsi qu’une large asymétrie du domaine biphasé α+α′, comme des limites de décomposition spinodale.

Les diagrammes de phases produits par les modèles CALPHAD font actuellement référence auprès des technologues. Cependant, les observa- tions expérimentales sont rares en-dessous de 600 K. Toutes les fonctions constitutives de l’enthalpie libre de l’alliage ajustées sur ces mesures à haute température sont extrapolées aux basses températures. Elles ne re- produisent pas le changement de signe de l’énergie de mélange calculée ab initioà 0 K. Le diagramme de phases calculé est donc asujetti à la validité de l’extrapolation.

Très récemment, après la soutenance de ce travail de thèse a été publié par Bonny et al. un nouvel ajustement CALPHAD qui montre une solu- bilité du chrome dans le fer supérieure à basse température par la prise en compte d’une enthalpie de mélange qui change de signe avec la con- centration en chrome [200].

Figure 3.2 – Diagramme de phases calculé par Chuang, Lin et al. [194, 195] avec une paramétrisation CALPHAD tenant compte d’une enthalpie libre de mélange magnétique. Les limites de solubilité métastable sont en traits pointillés longs. Les limites spinodales sont en traits pointillés serrés.