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Partie II. Les pegmatites granitiques à éléments rares

8. Modèles génétiques

Un des plus vieux concepts concernant la formation des pegmatites est que leurs textures particulières et leur zonation interne sont dues à la cristallisation rapide d'un magma dans des conditions loin de l'équilibre. Il est aujourd'hui clairement admis que les pegmatites cristallisent du bord vers le centre par diminution progressive de la température (à pression variable), dans des conditions d'échange minimal avec la roche encaissante, à partir d'un magma granitique fortement hydraté riche en volatils et à différents degrés, en éléments rares lithophiles. Toutefois, la consolidation des pegmatites à éléments rares reste l'objet de nombreuses interrogations, la complexité de leur structure interne étant au coeur du débat. Pour expliquer la genèse des pegmatites, deux grandes écoles existent: celle de Jahns et Burnham, fondée dans les années 1960, et celle de London, qui est apparue dans les années 1980. Leurs divergences portent surtout sur le rôle des fluides. D'autres interrogations concernent les domaines de température et pression de la cristallisation, les interactions fluide/cristaux, ou encore l'interaction pegmatite/encaissant.

a. Les deux grands modèles: divergence sur le rôle des fluides

Dans les années 1960, le modèle de Jahns et Burnham (1969, repris par Jahns en 1982) a introduit un concept important dans la formation des pegmatites: la présence d'une phase vapeur (un fluide aqueux) coexistant avec le magma durant la majeure partie de la consolidation de la pegmatite. Ainsi, la transition entre des textures granitiques et des textures pegmatitiques était marquée par la saturation en eau du magma (dans ce cas, le granite serait le produit d'un magma sous-saturé en eau). Dans les années 1980, les expériences de London sont venues détrôner ce modèle, en démontrant que les pegmatites se forment dans des conditions riches en volatils mais non saturées, jusqu'aux stades tardifs de la consolidation. Dans les deux cas, la pegmatite de Tanco est à la base de la construction de ces modèles: en raison de la très bonne documentation dont elle a fait l'objet, elle offre une excellente base pour l'interprétation de l'évolution interne des pegmatites à éléments rares en général.

Chapitre 1: Introduction sur le tantale et les pegmatites

Le modèle de Jahns et Burnham (1969) et Jahns (1982): Jahns et Burnham sont partis de la constatation suivante: les parties supérieures des pegmatites zonées, enrichies en potassium, montrent typiquement des textures à gros grains, voire à cristaux géants, alors que les parties inférieures à grains plus fins, relativement enrichies en sodium, ont souvent des textures aplitiques. Quand elles sont moyennées, ces compositions complémentaires fournissent une composition générale qui correspond au minimum thermique du système haplogranitique hydraté NaAlSi3O8 - KAlSi3O8 – SiO2- H2O. Jahns et Burnham ont donc choisi ce système pour réaliser leurs expériences de consolidation des pegmatites.

Pour Jahns et Burnham, certaines caractéristiques des pegmatites sont difficilement explicables sans l'intervention d'un fluide. Par exemple, comment expliquer que des pegmatites qui ont une composition moyenne (en éléments majeurs) proche d'un haplogranite montrent des textures et tailles de grain si différentes? Comment expliquer la ségrégation de constituants sous forme de cristaux géants ou de zones quasi mono-minérales? D'où provient l'incontestable asymétrie de la zonation interne des pegmatites? Comment peut-on former des zones de remplacement minéralogique si répandues? Pourquoi trouve-t-on des aplites de compositions si différentes dans un même corps pegmatitique? Comment expliquer que des zones pegmatitiques et aplitiques soient contemporaines? Comment peut-on corroder et remplacer un certain minéral à un endroit, et cristalliser simultanément ce même minéral à un autre endroit? etc... (cf. Jahns 1982). Jahns et Burnham ont alors avancé l'hypothèse que l'eau, ainsi que d'autres constituants volatils, jouent un rôle primordial tout au long de la cristallisation d'une pegmatite: sous forme dissoute, l'eau modifie la viscosité du magma, les températures de liquidus et solidus, et les cinétiques de cristallisation; sous forme d'une phase vapeur fluide, elle interagit avec les cristaux déjà formés et le magma résiduel, et elle sert de solvant et d'agent de transfert aux éléments non-volatils. Ils ont donc proposé un modèle fondé sur l'omniprésence de l'eau tout au long de la formation d'une pegmatite.

Chapitre 1: Introduction sur le tantale et les pegmatites Le modèle de Jahns, 1982

Soit un magma à 6 wt% de H2O au moment de sa mise en place, de rapport K2O/Na2O = 1, contenant moins de 1 wt% de B2O3, de F et de Li2O. Ce magma se met en place à une profondeur élevée (pression lithostatique de 5 kbar) en formant un corps de 40 m d'épaisseur.

« La cristallisation commence autour de 725-750°C à partir de ce magma hydraté mais sous-saturé en H2O. Une fine zone de paroi constituée de quartz+albite se forme d'abord sous l'effet du transfert de K dans les parties internes adjacentes via un fluide venant de l'encaissant. A l'intérieur de cet anneau, se forme une coquille plus épaisse de granite pegmatitique, constituée de gros cristaux de quartz, K-feldspath, Ca-plagioclase (+ apatite, grenat et tourmaline type schorl). Avec la baisse de la température, le plagioclase devient plus sodique, et la muscovite apparaît. La concentration en H2O continue toutefois de s'élever dans le magma résiduel. À une température autour de 675°C, quand la moitié du magma a été utilisé, le magma résiduel contient 11 wt% de H2O, ce qui est assez élevé pour le saturer en H2O. La phase fluide aqueuse libérée commence par former des zones microscopiques, puis des films très fins aux interfaces cristaux/magma, jusqu'à s'accumuler dans des poches individualisées qui migrent vers le haut, entraînant avec elle certains constituants du magma avec lesquels elle est en contact. La cristallisation se poursuit et l'eau s'exsolve de plus en plus («resurgent boiling»). On forme alors de la «vraie» pegmatite: les constituants tels que K2O ou B2O3 sont transférés dans le fluide, conduisant au développement de grands cristaux de K-feldspath, muscovite et tourmaline nourris par la vapeur, pendant que de plus petits cristaux de K-feldspath, quartz, albite, muscovite et grenat cristallisent à partir du magma. La cristallisation du feldspath potassique se déplace vers la partie supérieure du corps avec la phase aqueuse, alors que le quartz se forme en masse dans les zones centrales de la pegmatite. Dans certaines parties inférieures de la pegmatite, l'extraction de K est si brutale qu'elle provoque un quench de composition, c'est-à-dire une cristallisation brutale du magma silicaté dont la composition se retrouve aux conditions eutectiques; cela produit un agrégat à grain fin de quartz, albite et muscovite (+ grenat et tourmaline type schorl). Cette aplite fine peut contenir quelques gros cristaux de feldspath potassique témoins du piégeage du fluide en certains endroits. L'évolution de la pegmatite à cristaux géants se poursuit avec la cristallisation de cleavelandite, muscovite, tourmaline, béryl et colombite-tantalite. Avec l'augmentation du rapport fluide aqueux / magma résiduel, commencent à cristalliser les minéraux de lithium tels le spodumène et l'elbaite. Des réactions entre le magma, le fluide et les cristaux génèrent les remplacements minéralogiques, qui continuent bien après que le magma soit entièrement épuisé, vers

560°C. »

Les conclusions de ce modèle sont: (1) les pegmatites cristallisent en système fermé, à partir de magmas saturés en H2O, dans un domaine de température allant de 1000 à 650°C (550°C pour les pegmatites riches en B, F et Li); la majeure partie de la cristallisation se fait en présence d'une phase fluide aqueuse; (2) l'apparition des textures pegmatitiques marque le début de l'exsolution du fluide aqueux; (3) la phase fluide augmente la mobilité de nombreux

Chapitre 1: Introduction sur le tantale et les pegmatites

composants du magma, facilite l'extraction de K et Na du magma (mais en présence de Cl seulement), et est responsable de la précipitation du coeur de quartz; (4) la totalité de la cristallisation se fait dans des conditions eutectiques, impliquant la cristallisation simultanée et à l'équilibre du quartz et des feldspaths sodique et potassique dans des zones séparées.

Toutefois, ce modèle pose quelques problèmes. En particulier, la seule expérience réalisée par Jahns et Burnham qui a réussi à simuler la cristallisation d'une pegmatite ne montrait pas de manière évidente la co-existence entre un fluide et le magma. Pour élaborer leur modèle, Jahns et Burnham ont utilisé un échantillon de la pegmatite Harding (Nouveau Mexique) comme base de leurs expériences; or on trouve autour de cette pegmatite une auréole d'altération métasomatique très développée qui indique la perte des éléments alcalins et volatils de la pegmatite. C'est pourquoi Jahns et Burnham ont observé dans leurs expériences des compositions pegmatitiques proches de celles du système relativement simple haplogranite-H2O. De ce fait, Jahns et Burnham ont négligé l'importance des éléments volatils Li, F, B et P dans la composition de leur magma. Or, on sait depuis longtemps que ces éléments, tout comme l'eau, ont pour effet de 1) diminuer la viscosité du magma (à travers sa dépolymérisation, Dingwell et al. 1985, et l'augmentation de la solubilité de H2O, Holtz et al. 1993), 2) diminuer les températures de solidus et liquidus, et 3) augmenter la diffusivité et parfois la solubilité des cations et modifier leurs coefficients de partage entre vapeur et magma. Ces effets sont d'autant plus importants qu'il existe des interactions complexes entre ces éléments quand ils sont combinés (e.g., Pichavant 1987). F, B et P ont aussi des effets importants sur la solubilité et la miscibilité1 de l'eau dans un magma silicaté. Le bore et le phosphore (mais pas le fluor) augmentent la solubilité de l'eau à 9-10 wt% H2O à des températures supérieures au liquidus pour des pressions de 200-300 MPa (London 1987). De fortes concentrations en Li, B, P et F permettent d'atteindre la miscibilité presque complète de l'eau dans le magma silicaté au dessus du solidus. Les effets combinés de Li, F, B et P font monter la saturation en H2O à 11,5 wt% dans le magma (macusanite2 à la température du liquidus et à P = 2 kbar, London et al. 1988), et jusqu'à 20 wt% après 85 % de cristallisation (London 1990). Toutes ces données expérimentales, pour la majorité établies dans les années 1980, ont conduit London et ses associés à penser un nouveau modèle de consolidation des pegmatites dans lequel les fluides n'avaient pas l'importance accordée jusqu'alors.

1 On parle de solubilité entre le solide et le magma, et de miscibilité entre le magma et le fluide.

2 La macusanite, ou verre de Macusani (Pérou), est une obsidienne-rhyolite péralumineuse riche en B-P-F.

Chapitre 1: Introduction sur le tantale et les pegmatites

La contribution de London: C'est grâce à l'étude des inclusions fluides que London (1986) a montré que le magma à partir duquel les pegmatites extrêmement fractionnées cristallisent, est plus complexe et plus riche en volatils que les compositions haplogranitiques utilisées par Jahns et Burnham. London a donc choisi de travailler à partir du verre de Macusani (macusanite), qui est un excellent analogue du système de composition des granites et pegmatites à éléments rares. C'est à partir de ce système complexe que London et al. (1988, 1989) et London (1990) ont réussi a simuler la cristallisation d'une pegmatite zonée. Les expériences sursaturées en H2O ont donné des résultats incohérents avec les caractéristiques des pegmatites naturelles. Par contre, les expériences sous-saturées en H2O ont produit des tendances de fractionnement, des zonations et des assemblages minéralogiques très proches de ceux observés dans les pegmatites naturelles. En utilisant le verre de Macusani, London a recréé des répliques miniatures des pegmatites zonées incluant les zones de bordure à grain fin, les coquilles de quartz-feldspath graphique à gros grains, les coeurs de quartz et les aplites tardives fortement minéralisées, et ce à travers une cristallisation presque entièrement magmatique.

London et al. (1988) ont observé que de nombreux éléments typiques des pegmatites, en particulier les éléments rares, préfèrent le magma au fluide, le bore étant une des seules exceptions (KdB(magma/vapeur) = 0,33, Pichavant 1981). Dans le système complexe macusanite-H2O, le coefficient de partage vapeur/magma des alcalins (Cs, Rb, K, Na, Li) est inférieur à 1, ce qui implique qu'un fluide aqueux, même enrichi en Cl, ne permet pas la séparation des alcalins K et Na au cours de la consolidation de la pegmatite, comme le propose Jahns dans son modèle. Le fractionnement du magma vers des compositions riches en Na est uniquement dû à son enrichissement en B, P et F. De plus, Morgan et London (1999), en étudiant le degré de fractionnement des tourmalines et micas entre le toit et le plancher d'une pegmatite de Californie, montrent que la cristallisation des zones potassiques à gros grains à partir du toit commence après la formation des aplites inférieures. London (1992) suggère que les aplites sodiques du plancher se forment avant les zones supérieures car elles sont plus susceptibles de nucléer rapidement (voir paragraphe «vitesse de refroidissement et temps de consolidation» ci-dessous). Ces aplites se retrouvent au dessus du plancher car tout gradient thermique qui transporte la chaleur vers le haut, entraîne le refroidissement plus rapide des zones inférieures. Enfin, London et al. (1988) montrent que l'ajout de H2O (de même que Li, F, B et P) dans un magma réduit la densité de nucléation et augmente fortement le taux de croissance des cristaux, ce qui favorise la croissance de cristaux géants. L'apparition des textures pegmatitiques ne nécessite donc plus la présence d'un fluide, mais seulement d'un magma

Chapitre 1: Introduction sur le tantale et les pegmatites riche en volatils.

C'est à partir de la pegmatite de Tanco que London (1986) a établi son modèle de cristallisation des pegmatites à éléments rares. Bien que développé à partir d'une pegmatite LCT extrêmement fractionnée et enrichie en éléments volatils, son modèle est assez général pour être applicable à toutes les catégories de pegmatites. Pour arriver à l'histoire de la cristallisation d'une pegmatite comme celle de Tanco, London s'est appuyé sur les résultats de l'étude des inclusions fluides d'une séquence minérale (et dans le quartz associé) qu'il a préalablement bien étudiée: la séquence des aluminosilicates de lithium (pétalite – spodumène – eucryptite) dont il a établi un diagramme P-T précis (cf. London 1986). Cette séquence est bien développée à Tanco et permet d'établir les chemins P-T de la cristallisation depuis les stades intermédiaires jusqu'aux stades tardifs de la consolidation de la pegmatite, qui sont aussi les stades où se développent les minéralisations diverses. La figure 3 retrace l'histoire de la cristallisation de Tanco dans ce diagramme.

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Figure 3: évolution interne de la pegmatite de Tanco (à partir de London 1986): A: cristallisation de pétalite primaire à partir d'un magma borosilicaté hydraté. B: décomposition de pétalite en spodumène + quartz. C: cristallisation de spodumène primaire à partir d'un magma borosilicaté hydraté. D: précipitation des borosilicates du magma tardif – exsolution d'une phase vapeur homogène (91 mol% H2O, 5 mol% CO2, 4 mol% NaCl). E: démixion d'un fluide séparé à 84 mol% H2O, 10 mol% CO2 et 6 mol% NaCl. F: remplacement partiel de spodumène + quartz par eucryptite + quartz. G: augmentation de la salinité dans le fluide aqueux (Ca, Mg, Na, Cl et S venant peut-être de l'encaissant.

Chapitre 1: Introduction sur le tantale et les pegmatites

Le modèle de London, 1986, 1990

Les fortes concentrations en B, P et F (London 1987) d'un magma pegmatitique diminuent son liquidus à 650°C et son solidus bien en dessous de 500°C. Les analyses microthermométriques des inclusions fluides conduites par Thomas et Spooner (1988a&b) indiquent que la cristallisation de la zone de bordure commence autour de 650°C à 3 kbar. Les premiers stades de cristallisation donnent naissance aux zone de bordure, à la zone intermédiaire riche en microcline, et aux aplites riches en tourmaline. Jusqu'à

470°C, la pegmatite cristallise à partir d'un magma3 borosilicaté hydraté riche en alcalins. Les fortes concentrations en Li, B, P et éléments incompatibles permettent la miscibilité de l'eau avec les composants silicatés du magma jusqu'aux derniers stades de la cristallisation primaire. Dans les stades tardifs, entre 470 et 420°C, la perte de bore par cristallisation de la tourmaline entraîne la sursaturation en H2O et la démixtion d'une phase vapeur aqueuse (F1). Le coefficient de partage du bore entre vapeur et magma étant supérieur à 1, cela appauvrit encore plus le magma en bore, entraînant un « boron quench », c'est-à-dire une augmentation brutale de la température du solidus. Ce «boron quench» entraîne l'immiscibilité de deux phases, l'une silicatée très visqueuse à l'origine des poches de quartz, et l'autre alcaline silicatée, à partir de laquelle cristallisent albite, micas et oxydes sous forme d'assemblages à grains fins (aplites pauvres en tourmaline et zones micacées comme la zone à lépidolite de Tanco). Le fluide libéré (F1) (aqueux-carbonique de faible salinité) persiste jusqu'à la fin de la cristallisation vers 280°C, 1,6 kbar. En plus de ce fluide, la cristallisation des aplites tardives libère un fluide aqueux acide (F2), qui a pu être responsable de la transformation tardive du feldspath en mica (remplacement MQM).

Les conclusions de ce modèle (que l'on pourra mettre en parallèles avec celles du modèle de Jahns) sont: (1) les pegmatites cristallisent à partir d'un magma très hydraté mais homogène (non saturé en eau) durant presque toute la consolidation, avec exsolution d'un fluide aqueux dans les derniers stades seulement; la cristallisation s'étend de 650 à 280°C; (2) la présence des éléments volatils Li, B, P et F augmente fortement le taux de croissance des cristaux, conduisant à la formation de cristaux géants; (3) l'évolution du magma vers des compositions riches en Na est due aux fortes teneurs en B, P et F; (4) le magma cristallise dans des conditions loin de l'équilibre (supercooling, London 1996); plus le magma est refroidi loin en dessous de son liquidus, plus il forme des textures pegmatitiques; (5) les assemblages à grain fin (aplite et zones micacées) sont d'origine magmatique primaire, bien que tardive; (6) l'assemblage mica+quartz de MQM résulterait de l'altération métasomatique due aux fluides acides (F2) qui ont évolué à partir du magma riche en alcalins donnant les aplites tardives (Černý 1991a).

3 Dans ses contributions de 1986 et 1987, London utilise le terme «dense fluid» pour désigner le magma silicaté. Par contre, il utilise le terme «vapor» pour désigner un fluide dense silicaté composé surtout de H2O, et dont les propriétés physiques sont intermédiaires entre la vapeur hydrothermale et le magma silicaté.

Chapitre 1: Introduction sur le tantale et les pegmatites

Par ce modèle, London montre que la présence de bore et la stabilité de la tourmaline sont des éléments essentiels de l'évolution d'une pegmatite comme celle de Tanco. D'après lui, le magma pegmatitique est initialement sous-saturé en H2O, et c'est la cristallisation précoce de schorl qui amène le magma à saturation en eau, car la précipitation de tourmaline libère H2O:

(3 Na2B4O5(OH)4)magma + 17 KAl2(AlSi3)O10(OH)2 + 30 SiO2 = 4 NaAl8(BO3)3Si6O18(OH)4

muscovite quartz tourmaline

19 (K,Na)AlSi3O8 + 15 H2O (réaction d'équilibre tourmaline/muscovite, London 1987; microcline eau

cette réaction implique toutefois qu'il y a déstabilisation de la muscovite pour faire apparaître la tourmaline)

L'apport important de H2O expliquerait que des zones intérieures à gros grains succèdent brutalement aux zones de bordure. Dans les stades tardifs où le magma est saturé en H2O, la cristallisation de tourmaline entraîne la formation de la phase vapeur aqueuse. Comme le coefficient de partage entre vapeur et magma du bore est supérieur à 1, cela appauvrit encore plus le magma en bore, entraînant un « boron quench » et la formation des aplites tardives. Ces dernières concentrent le fluor sous forme de mica (riche en F), le bore qui ne s'est pas démixé en donnant encore de la tourmaline, le phosphore en donnant des phosphates (apatite, lithiophilite-triphylite, amblygonite-montebrasite) et les minéraux composés d'HFSE (Zr, Hf, Nb, Ta, Sn).

Un des points forts du modèle de London est de s'être fondé sur l'histoire de l'altération métasomatique de la roche encaissante autour de la pegmatite de Tanco, retracée par Morgan et London (1987), pour préciser l'histoire de la consolidation de la pegmatite. En effet, l'altération du métagabbro encaissant à Tanco a enregistré les épisodes successifs de libération des fluides de la pegmatite. Le premier épisode d'altération est une tourmalinisation (métasomatisme B+Li), donnant aussi naissance à de l'holmquistite (amphibole à lithium), qui correspond à la libération de fluides riches en B (F1) lors de la formation des aplites tardives dans la pegmatite. Cet épisode a eu lieu en dessous de 550°C, probablement autour de 450°C. Le deuxième épisode d'altération est un métasomatisme alcalin (K-Rb-Cs-F-Li) associé à la