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La littérature compte de nombreux modèles comportementaux pour certaines actions, comme la modification de la vêture [9; 47; 58], les opérations sur l’éclairage [61; 62; 64] ou sur les fenêtres [83–86; 89]. Ces modèles ont le point commun d’être basés sur des enquêtes de terrain, mais sont limités par le fait qu’ils ne modélisent qu’une seule action. Dans ce paragraphe, nous nous intéressons aux modèles prédisant un comportement plus global, comprenant plusieurs actions.

On trouve plusieurs approches dans la littérature. La plus présente est celle mentionnée ci-dessus. Il s’agit d’une approche inductive dans laquelle les chercheurs partent d’observa- tions sur le terrain, puis aboutissent à la création d’un modèle à partir des données récoltées. Ces modèles sont d’ailleurs très liés avec une méthodologie probabiliste.

La deuxième approche est qualifiée de déterministe. Les lois comportementales sont ex- plicitées dans un algorithme par le concepteur. Par exemple, “si la température dépasse 28◦C alors ouvrir la fenêtre”. Ces modèles sont plus rares et parfois critiqués, puisque ne s’appuyant pas sur des données tangibles et que les réactions humaines semblent trop aléatoires pour être modélisées de la sorte [167].

Enfin, on trouve depuis peu une nouvelle approche basée sur les systèmes multi-agents. Il

1.6 Modèles existants de comportement de l’occupant

s’agit d’une approche déterministe complexe destinée à modéliser les différences interindi- viduelles.

En 2001, Nicol [36] introduit l’idée de construire des modèles comportementaux proba- bilistes dans des logiciels de simulation de bâtiment à partir de campagnes de mesures. Les résultats des diverses enquêtes lui ont permis d’établir des corrélations entre l’utilisation de certains contrôles (chauffage, stores, fenêtres et ventilateurs) et les conditions climatiques extérieures. Ce travail est poursuivi par Nicol et Humphreys [168].

L’atout principal de ces corrélations avec le climat extérieur est qu’elles prennent en compte l’acclimatation de l’occupant. Toutefois, cet atout est en même temps un problème majeur. En effet, le fait de corréler des actions avec le climat aboutit à l’omission totale des ca- ractéristiques du bâtiment que l’on souhaite simuler. En outre, ces corrélations sont le plus souvent marquées par de faibles coefficients de corrélation. Néanmoins, cette logique induc- tive, qui se base sur des observations pour construire des modèles a été largement reprise depuis dans d’autres travaux.

En 2004, Reinhart [169] propose un algorithme de simulation basé sur des mesures in situ qu’il nomme Lightswitch-2002. Il permet de prédire les interactions des personnes avec l’éclairage et les stores de leur bureau. Les entrées de l’algorithme sont les profils annuels d’occupation de ces usagers et l’éclairement sur leur plan de travail. Ces deux entrées sont combinées avec des motifs probabilistes (ex : figure 1.3) qui ont été déterminés à partir de campagnes de mesures.

L’année suivante, en 2005, Denis J. Bourgeois [170], dans le cadre de ses travaux de thèse, aboutit au premier modèle comportemental multi-physique (thermique et éclairage) grâce au logiciel de simulation Esp-r [171].

Cet algorithme appelé SHOCC (Sub Hourly OCcupancy Control) repose sur la combinaison de 3 modèles existants : (1) le modèle adaptatif de Nicol [36] permettant de prédire les opé- rations sur les fenêtres, (2) le modèle de Reinhart [169] relatif aux opérations sur l’éclairage, et (3) celui Tabak et al [172] qui permet de modéliser l’occupation.

En 2007, Page [173] élabore une série de modèles visant à prédire la présence d’oc- cupants ainsi que leurs interactions avec leur foyer. Ces modèles sont basés sur des lois probabilistes reposant sur l’utilisation de chaînes de Markov inhomogènes (i.e. les probabi- lités de transitions d’états dépendant du temps). Les lois de probabilités sont déterminées à partir de données recueillies sur plusieurs années de mesures, et plusieurs centaines d’ha- bitations. Elles servent ensuite à prédire la présence des occupants, l’utilisation générale d’appareils et du système d’éclairage, l’ouverture des fenêtres et la production de déchets à l’échelle de quartiers. Avec Darenn Robinson, l’instigateur du projet, et plusieurs autres chercheurs, ils aboutissent à la création du logiciel SUNTool [174] permettant d’optimiser les quartiers d’habitations.

Haldi [167] poursuit les travaux de Page afin de réaliser un modèle probabiliste de com- portement global. Haldi affirme que l’hypothèse d’utiliser un modèle déterministe du type “Si stimulus A alors action B” est à écarter en expliquant qu’une prédiction précise est im- possible. Selon lui, une méthode probabiliste et donc indécise, est paradoxalement une meilleure solution au problème de la modélisation du comportement de l’occupant. Comme Page [173], il utilisera les chaînes de Markov inhomogènes. A l’issu de ses travaux de thèse, il propose un modèle de comportement intégrant la prédiction des actions sur les fenêtres, les stores et l’éclairage artificiel. Les autres actions n’ont pas pu être modélisées

par manque de données expérimentales. C’est d’ailleurs une des principales limites aux modèles basés sur des mesures.

Bien que les années 2000 soient marquées par une tendance forte envers les modèles stochastiques basés sur des enquêtes de terrain, d’autres privilégient l’approche détermi- niste. Contrairement à l’approche probabiliste-expérimentale, l’approche déterministe est basée sur des règles énoncées par le concepteur. En référence à Haldi [167], il s’agit de l’hypothèse “Si stimulus A alors action B”.

En 2004, Endravadan et al. [175] proposent un modèle déterministe de comportement adaptatif appelé GBR model (Global Behavioural Regulator model). A partir de l’indice PMV de Fanger, la sensation thermique d’un occupant est calculée dans le logiciel de simulation thermique dynamique TRNSYS.

En fonction de la valeur du PMV, l’occupant peut ajuster sa vêture et/ou opérer sur la tem- pérature de consigne du chauffage. Cet algorithme a pour ambition de prédire la consom- mation de chauffage résultant du comportement de l’occupant suivant qu’il soit soucieux ou non de sa consommation d’énergie.

En 2007, Moujalled [176] présente un nouveau modèle comportemental déterministe baptisé Adocc. Il modélise le comportement de l’occupant en intégrant une approche cou- plée entre thermique et éclairage. Il y intègre aussi un modèle de psychologie basé sur les boucles de processus motivationnels empruntées à la sociologie. La sensation thermique de l’occupant est calculée à partir du modèle de Gagge à deux noeuds. Suivant l’écart entre les attentes et la sensation thermique calculée, l’occupant est amené à réaliser une action (ex : ouvrir la fenêtre, enlever un vêtement, etc.). Concernant les opérations sur le système d’éclairage, il se base sur une formule prenant en compte le flux solaire, l’emplacement de l’occupant par rapport au vitrage et le facteur solaire de ce même vitrage.

Plus récemment, une nouvelle tendance est apparue. Elle est basée sur une modélisa- tion par agents ou ABM (agents-based modeling). Dans ce type de simulation, les occupants sont modélisés individuellement par un agent ayant ses propres caractéristiques. A partir de l’interaction entre les agents, ainsi que leurs différences interindividuelles, un comportement global émerge.

Bien que le concept soit utilisé depuis la fin des années 1950 dans divers domaines de re- cherche [177], il ne fait son apparition qu’à partir de 2011 dans les travaux de Robinson et al. [178]. Dans cette étude, ils modélisent le comportement des occupants à l’échelle d’un quartier en prenant en compte de nombreuses variables telles que leur trajet en voiture, les opérations sur l’éclairage, les fenêtre et les stores, ou encore l’utilisation des équipements ménagers.

La même année, Andrews et al. [179] proposent un framework basé sur l’ABM et des élé- ments de psychologie cognitive. Il est destiné à prédire la performance énergétique d’un bâtiment en prenant en compte des comportements réels d’occupants. Dans leur étude, ils modélisent les opérations sur l’éclairage de plusieurs occupants ayant des profils diffé- rents tels que “activiste écologique” ou “utilisateur normal”, qu’ils ont déterminés grâce à des questionnaires dans une enquête préliminaire.

Azar et al. [180] réalisent des travaux similaires. Leur modèle prenant en compte les diffé- rences d’habitudes d’utilisation de l’énergie. Dans une étude récente, Langevin et al. [92] modélisent divers profils d’occupants vis-à-vis de leur utilisation de plusieurs contrôles. A partir d’observations expérimentales, ils calibrent leur système pour prédire l’utilisation de ventilateurs, du chauffage et des fenêtres.

1.6 Modèles existants de comportement de l’occupant

Langevin et al. [92] proposent une classification différente de la nôtre en montrant l’évolu- tion des concepts de modélisation du comportement de l’occupant (figure 1.12). Dans cette progression, il distingue 3 approches. La plus ancienne est celle utilisée par de nombreux chercheurs de la démarche adaptative tel que Nicol [36]. Dans cette approche, le compor- tement est lié au climat extérieur.

Ensuite, viennent les études telles que [84–86] qui ont la particularité de lier le comporte- ment à l’ambiance de l’intérieur du bâtiment.

L’approche la plus récente, centrée sur l’occupant, repose sur la modélisation des diffé- rences interindividuelles et la prise en compte du confort comme moteur d’action.

FIG. 1.12– Évolution des approches de modélisation du comportement de l’occupant dans le bâtiment [92]

Langevin et al. [92] pointent certains problèmes relatifs aux deux premières approches : (1) les modèles ne prennent pas en compte les différences de profils pouvant exister entre les occupants, (2) ils ne modélisent pas les contraintes sociales dans les espaces partagés, (3) les actions telles que l’utilisation de ventilateurs, du chauffage ou la modification de la vêture ne sont pas souvent modélisées.

Au travers de ce paragraphe sur les différents modèles de comportement de l’occupant, nous constatons qu’un problème majeur n’est pas pris en compte : les spécificités du bâti- ment. La quasi totalité des modèles étant créés ou calibrés à partir d’enquêtes de terrain, leurs résultats ne restent valides que pour le bâtiment dont sont issues les mesures, ou pour un bâtiment très similaire. Des variables telles que l’exposition, la position de l’occu- pant dans la pièce, ou encore les opportunités et contraintes adaptatives, sont autant de paramètres à prendre en compte dans la prédiction du comportement de l’occupant.

Résumé

Les modèles comportementaux actuels ne tiennent pas compte des spécifi- cités du bâtiment modélisé. Il sont issus pour la plupart de régressions sta- tistiques faites à partir de données expérimentales.

Récemment, on observe une tendance qui amène les chercheurs à modéli- ser le comportement de l’occupant à partir du confort, et non plus à partir du climat ou de l’ambiance intérieure du bâtiment, comme c’était fait au début des années 2000.