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Partie IV Prise en compte de la composante spatiale dans un modèle de

Chapitre 6 - Point sur les modèles intégrant la composante spatiale en

5. Modèles à espace explicite discret

Les modèles spatialement explicites discrets regroupent des modèles de type

masse-interaction, extensions du modèle de métapopulation tel que défini par Levins (1969), ou de

type objet-interaction, qui regroupent les réseaux d’automates cellulaires, les systèmes

d’interaction de particules et les modèles d’écologie artificielle.

5.1. Modèles de type masse-interaction

Les modèles de type masse-interaction à espace explicite discret sont des extensions du

modèle de métapopulation tel que défini par Levins (1969) (Dunning et al. 1995 ; Hanski,

1999 ; Yuttham, 2003). Ces modèles représentent l’espace topographique par une indication

discrète de la localité. Un paysage réel y est caractérisé par un treillis de patches et un nombre

fini de sites géoréférencés, de taille et de connexion variables. Ce treillis conserve la position

relative des patches, des zones et des autres attributs du paysage réel (Yuttham, 2003). Les

transitions entre les différents stades sont représentées par un système d’équations

différentielles ordinaires, avec une équation pour chaque stade. Cette catégorie de modèle

diffère du modèle de Levins (1969) par trois aspects (Tilman et Kareiva, 1997) : i) le nombre

de patches d’habitats, et donc le nombre de populations locales, est limité, ii) les patches

peuvent avoir différentes tailles et iii) chaque patch a une unique coordonnée spatiale et est en

interaction avec les autres patches localisés dans l’espace. Ces modèles permettent l’étude des

effets de la fragmentation et de l'isolement de l'habitat sur la persistance de la métapopulation.

Ces hypothèses compliquent énormément l’analyse mathématique du modèle, mais ces

modèles ouvrent un lien utile et pratique entre les modèles et les études de terrain.

L’application de ces modèles nécessite cependant de disposer de données abondantes (Tilman

et Kareiva, 1997 ; Yuttham, 2003).

Une autre extension de l’approche en métapopulation de Levin (1969) réside dans les

réseaux d’itérations couplées (Yuttham, 2003). Dans ces modèles le temps est discret et

l’espace est représenté par un maillage régulier, les variables d’état sont continues et de lois

d’évolution déterministes. Les comportements sont exprimés avec de nombreuses équations

couplées. Ces modèles sont largement utilisés en écologie dans le cas d’un grand nombre

d’individus (McGlade, 1999 ; Auger et al., 2010). Ils représentent une dynamique locale.

L'espace y est représenté par un treillis de cellules homogènes où la population de chaque

cellule est strictement dépendante de celles des cellules de son voisinage au pas de temps

précédent. Seules les interactions entre les cellules avoisinantes sont prises en compte. Dans

ces modèles appliqués à l’écologie, on distingue deux phases : une première phase

démographique où ont lieu les interactions au sein de chaque site et une seconde phase de

dispersion de chaque population entre les sites (McGlade, 1999 ; Auger et al. 2010). L’un des

intérêts de ces réseaux est leur capacité à mimer certains traits de la formation de structures

spatiales transitoires avec une grande économie de moyens numériques. Une autre application

est la caractérisation de la différence (due à la dispersion locale des individus) entre les

régimes dynamiques d’une population et de ses sous-populations constitutives (Gros, 2001 ;

Auger et al. 2010). Enfin, ces modèles, numériquement efficaces, peuvent être facilement

couplés aux SIG. L’un des principaux inconvénients est leur complexité. Il est donc

recommandé d’aborder progressivement la complexité que l’on souhaite introduire dans le

modèle (McGlade, 1999). Comme pour tous les modèles où l’espace est représenté en grille,

se pose le problème des effets de bords et les limites de capacité de simulation lorsque l’on

veut gérer une grande grille (McGlade, 1999).

5.2. Modèles de type objet-interaction

Les réseaux d’automates cellulaires font l’hypothèse que les individus sont répartis dans

des habitats de taille égale formant une grille. Ces modèles ont un formalisme entièrement

discret qui est défini par des séries de règles. Le système est homogène, les mêmes règles

s’appliquent à toutes les cellules, i.e. elles prennent une liste finie d’états (Gros, 2001). Ces

modèles permettent de modéliser la dispersion locale en considérant un site (une cellule)

physiquement homogène. La dispersion locale peut être un simple mouvement équiprobable

dans toutes les cellules adjacentes ou être plus complexe. Comme pour les réseaux

d’itérations couplées, l’état d’une cellule dépend de l’état des cellules de son voisinage au pas

de temps précédent. L’intérêt majeur de ce formalisme est d’associer à chaque cellule les

propriétés et les règles qui définissent ses interactions avec les autres ou son évolution. Un

réseau d’automates cellulaires peut être stochastique ou déterministe. Comme il s’agit d’un

modèle de simulation, il n’y a pas de solution mathématique pour les cas généraux.

Cependant, le modèle partage de nombreuses caractéristiques avec le modèle de Levin et a

l’avantage d’être facilement modifiable (Tilman et Kareiva, 1997). De ce fait, le modèle peut

être manipulé pour tester et étudier des hypothèses sur la dynamique de population en prenant

en compte l’importance des processus locaux. Cette catégorie de modèles peut par exemple

être utilisée pour étudier les phénomènes de percolation (réaction de la population au

phénomène « d’encombrement » dans son habitat) (Tilman et Kareiva, 1997). L’analyse du

modèle est difficile du fait d’une dynamique complexe (Berec, 2002). Ces modèles sont

considérés par certains auteurs comme une extension de l’approche en métapopulation de

Levin (1969) (Yuttham, 2003).

Les systèmes d’interaction de particules différent des réseaux d’automates cellulaires

car le temps est continu et les séries de règles sont formulées différemment. Les transitions

des différents événements démographiques sont représentées par des taux (mortalité,

reproduction) et les individus se dispersent de façon équiprobable dans le voisinage (Czaran

et al. 1998 ; McGlade, 1999 ; Berec, 2002). Comme pour les réseaux d’automates cellulaires

certains auteurs considèrent ces modèles comme une extension de l’approche en

métapopulation de Levin (1969) (Yuttham, 2003).

Les modèles d’écologie artificielle sont similaires aux automates cellulaires, ils sont

définis par un ensemble de règles probabilistes sur un espace en mailles régulières et chaque

cellule ne peut contenir qu’un individu. La probabilité d’une cellule d’être dans un certain état

à l’itération suivante dépend de l’état actuel de la cellule et de son voisinage. Cette catégorie

de modèles est l’outil idéal pour étudier la composante spatiale des populations et des

systèmes écologiques, si le comportement des individus est compris de manière détaillée. Ils

sont utilisés pour représenter un petit nombre ou une faible densité d’organismes (McGlade,

1999).

Partie IV Prise en compte de la composante spatiale dans un modèle de dynamique de population

6. Conclusion

L’intégration de la composante spatiale peut être envisagée par de nombreuses approches

de modélisation (Tab. IV.6.1), chacune ayant ses avantages et ses inconvénients selon la

représentation de l’espace que l’on souhaite considérer. D’autre part, chacune est

potentiellement révélatrice d’un éclairage particulier à une échelle donnée (Gros, 2001). Les

caractéristiques de chaque population, l’environnement dans lequel évoluent les individus (en

termes d’échelles spatiale et temporelle, de structure spatiale…) ou l’objectif de l’étude

conditionnent le choix de modélisation, qui implique nécessairement un compromis entre la

représentation de la réalité (description et reproduction des observations de terrain) et la

complexité du modèle. Tilman et Kareiva (1997) montrent l’importance des débats sur la

façon de représenter l’espace. Certains auteurs considèrent qu’une représentation de l’espace

implicite suffit alors que d’autres sont convaincus que l’analyse de modèles spatialement

explicites est la clé pour comprendre les patterns observés dans la nature. Ces divergences de

point de vue sont dues aux différentes cultures (discipline des auteurs) et aux problèmes que

souhaitent traiter les auteurs (question de recherche et système modélisé).

Puisque chaque approche considère des processus différents et est liée à des hypothèses

différentes (sous-jacentes à la structure du modèle), le choix de l’approche doit être adaptée

aux questions posées et aux hypothèses à tester. La méthode à suivre peut alors être de

répondre aux questions définies par Gros (2001) :

- Quel est le degré de détail et de réalisme (ou au contraire de simplification) nécessaire à

la spatialisation du modèle ?

- Possède-t-on les observations et les résultats expérimentaux nécessaires à la

paramétrisation et à « la mise en œuvre » du modèle ?

- Comment restituer l’effet des phénomènes aléatoires ? Par exemple les fluctuations de

l’environnement, les processus stochastiques dus à la démographie locale, ou encore, dans le

cas de populations envahissantes, les sauts exceptionnels à grande distance de quelques

individus.

- Comment concevoir quel est le modèle témoin non spatialisé qui servirait de référence

pour mesurer l’effet de l’espace ?

Dans ce Chapitre 6, les différentes catégories de modèle utilisées en dynamique de

population (animales et végétales) ont été présentées, ce qui nous a permis de choisir quelle

catégorie de modèles nous allions utiliser. Dans le chapitre suivant, ce choix est justifié en

fonction de nos objectifs et l’élaboration de ce modèle intégrant composante spatiale et

temporelle est présentée.

Chapitre 7 - Modèle de dynamique spatio-temporelle de

population de moustiques, piloté par le climat et l’évolution du

paysage

1. Introduction

Dans les Parties II et III, nous avons pu voir que les populations de moustiques sont

influencées par la composante spatiale de l’environnement. L’étude de ce lien reste difficile

sans le recours à la modélisation ou à l’utilisation de SIG. Le développement de ces deux

outils étant relativement récent, la littérature scientifique ne contient actuellement que peu

d’information sur les facteurs de la composante spatiale influant la dynamique de population

de moustiques (DPM). Nous avons donc voulu développer un modèle qui permette d’étudier

les facteurs structurant les populations de moustiques dans l’espace. Nous souhaitions ainsi

déterminer des facteurs (biotiques et abiotiques) favorables ou défavorables à la dispersion

des moustiques, notamment l’importance de la structure du paysage, et disposer d’un outil

permettant de tester différentes stratégies de contrôle, notamment en prenant en compte

l’aspect spatial des traitements.

Il existe un profond changement conceptuel entre des modèles non spatialisés et

spatialisés, le milieu passant d’homogène à hétérogène. Les restrictions engendrées par la

considération d’un environnement homogène sont fortes, et l’absence de la dimension spatiale

est invoquée dès les années 1930 comme cause contributive aux écarts entre observations et

prévisions des modèles temporels (Gros, 2001). La prise en compte de la dimension spatiale

semble essentielle pour décrire finement la dynamique de population de moustiques structurés

spatialement. En effet, nous avons montré dans la Partie II que le modèle temporel représente

correctement l’abondance moyenne des moustiques – le nombre relatif de femelles en

recherche d’hôte prédit étant fortement corrélé avec la somme du nombre de femelles

capturées dans l’ensemble des pièges de la zone d’étude – mais ne permet pas de représenter

la dynamique locale de chaque piège. L’intégration d’une représentation du paysage explicite

devrait donc nous permettre d’être plus précis dans la prédiction de la dynamique de

population.

Notre objectif était de développer un modèle spatio-temporel de la DPM prenant en

compte l’influence du paysage. Le modèle temporel présenté précédemment a été couplé avec

un modèle spatial. Comme dans sa composante temporelle, le modèle est appliqué à certaines

espèces d'Anopheles des zones rurales humides du sud de la France. Nous présentons d’abord

les choix effectués pour le développement du modèle (§2), puis le modèle lui-même (§3). Par

la suite, nous détaillons son application au cas d’Anopheles hyrcanus en paysage réel (§4), en

présentant les différentes étapes intermédiaires. Enfin, le modèle a été développé en passant

par plusieurs étapes intermédiaires. Actuellement, le couplage spatio-temporel a été effectué

et le modèle a pour entrée un paysage réel. Nous avons rencontré des difficultés lors de la

dernière étape de sa construction. La résolution de ces problèmes est en cours, nous

présentons ici seulement les premières illustrations du modèle spatio-temporel (§5).

Partie IV Prise en compte de la composante spatiale dans un modèle de dynamique de population