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Chapitre I : Généralités sur les effets d’interfaces

I.4 Etat de l’art des modèles liant l’effet de l’interface électrode/ferroélectrique à la

I.4.1 Modèles des couches passives

Le fait que la permittivité d’un film ferroélectrique décroisse avec l’épaisseur peut s’expliquer en supposant l’existence d’une fine couche non ferroélectrique (dont la constante diélectrique est très faible par rapport à celle du ferroélectrique) connectée en série avec la capacité ferroélectrique 66-68. Cette couche diélectrique non ferroélectrique

est appelée couche passive. La figure I.8 illustre la structure équivalente de la capacité ferroélectrique avec la couche passive.

Figure I.8: Structure électrode-couche passive-ferroélectrique-électrode. L’épaisseur de la couche passive est d, celle du ferroélectrique est h [65].

Selon les auteurs et selon les modèles (fondés sur la couche passive), la présence d’une telle couche se manifeste de diverses manières sur les propriétés électriques des films ferroélectriques, ce que nous allons décrire dans les paragraphes suivants.

I.4.1.1 Permittivité

Il est évident que la réponse diélectrique de la structure en sandwich constituée de deux couches (diélectrique ferroélectrique et diélectrique non-ferroélectrique) est sensible à la présence de la couche non-ferroélectrique. L’effet de la couche passive sur la permittivité se discute en tenant compte aussi bien de sa contribution intrinsèque que de la contribution de son couplage avec les domaines.

La dégradation de la réponse diélectrique d’une structure telle que celle en sandwich (présentée précédemment) peut s’expliquer par différentes raisons : la présence d’une phase secondaire à la surface du film, mais aussi des raisons intrinsèques liées à la variation de la polarisation (champ induit ou spontané) à proximité de la surface. Une autre source à l’origine de la couche passive est la présence des dislocations résultant des distorsions. La dépendance de la permittivité avec l’épaisseur est sensible au matériau de l’électrode puisque l’épaisseur effective de la couche morte (traduction de dead layer) est une fonction des conditions de liaisons de charges aux électrodes (qui peuvent dépendre du matériau de l’électrode). En outre, les auteurs suggèrent que le blocage de la polarisation à la surface est beaucoup moins prononcé dans le cas d'une similitude entre le ferroélectrique et l'électrode, particulièrement, quand l'électrode est

un oxyde et le ferroélectrique un oxyde pérovskite. Une deuxième hypothèse est que, dans le cas d'une électrode d'oxyde, la couche passive effective à la surface est court-circuitée 69(car il n’y a pas d’injection de charges dans la zone d’interface et le contact film/électrode a plutôt un caractère ohmique). Ainsi, les deux hypothèses impliquent qu'on s'attende à ce que des condensateurs ferroélectriques avec des électrodes d'oxyde montrent une plus faible dépendance de la constante diélectrique mesurée vis-à-vis de l’épaisseur, comparativement aux électrodes métalliques. Selon Vendik et Zubko cette tendance est compatible avec les données expérimentales existantes 70.

Précisons également que dans la littérature, la couche passive n’est pas clairement localisée (interface inférieure ou supérieure). Notre opinion est que tel qu’elle est décrite, elle englobe les deux interfaces.

I.4.1.2 Propriétés ferroélectriques

Une augmentation de l’épaisseur de la couche passive (ou une diminution de l’épaisseur de la couche ferroélectrique) entraîne une inclinaison du cycle ferroélectrique, une diminution de la polarisation rémanente Pr, une certaine diminution de la polarisation maximale 65. L’effet de la couche passive sur le champ coercitif est moins évident mais ce qu’il faut retenir est que le champ coercitif étant le champ électrique nécessaire pour le basculement des domaines, il peut être influencé par la couche passive dans la mesure où il y a une chute de tension au niveau de cette dernière (le champ électrique appliqué peut être supérieur à celui aux bornes de la couche ferroélectrique proprement dite).

d f f s d P h P h

κ

κ

κ

( =0) = ( =0)+ , (I.1)

où κs, κf et κd sont respectivement les permittivités de la structure en sandwich (à P=0), du ferroélectrique (à Pf=0) et celle de la couche passive - h et d les épaisseurs respectives du ferroélectrique et de la couche passive.

L'équation (I.1) [qui est représentative de deux capacités en série dans le cas h>>d] explique la relation mentionnée ci-dessus entre d (ou h) et l'inclinaison du cycle de polarisation de la structure en sandwich. A. K. Tagantsev et al. donneplus de détails à ce sujet dans deux de ses articles 65, 71. D’après les auteurs, la manifestation de la

couche passive sur la réponse ferroélectrique (en termes de champ coercitif et de polarisation) s’explique par une injection de charges à travers la couche 69, 72. Une conséquence essentielle de l’introduction de l’injection dans le modèle est un phénomène d’écrantage de la polarisation du ferroélectrique par les charges des porteurs accumulés. La référence [69] discute de manière détaillée, l’impact de la couche passive sur le champ coercitif de la structure en sandwich. Dans cet article, l’argumentation est basée sur la relation entre le champ Eth (seuil de conduction ou d’injection à travers le diélectrique) et la polarisation maximale ; et cette relation détermine le comportement du système en termes de champ coercitif. De façon globale, il est démontré que l’injection implique une dépendance du champ coercitif avec l’épaisseur de la structure en sandwich et dans certains cas, une dépendance supplémentaire de la polarisation maximale. L’augmentation des charges d’écrantage avec la polarisation maximale s’accompagne de l’augmentation du champ coercitif Ec.

I.4.1.3 Imprint

La couche passive peut donner lieu à une asymétrie des caractéristiques de basculement dans les films ferroélectriques. Les auteurs parlent souvent de champs de polarisation internes. Ces champs peuvent résulter du processus d’élaboration du film ferroélectrique ou d’un maintien de celui-ci à un état polarisé pendant un certain temps (temps d’exposition). Ce dernier effet est habituellement appelé imprint. La capacité peut être sensible à un temps de soumission à un champ électrique, une température élevée (on parle aussi d’imprint thermique) ou une illumination à la lumière visible/UV (on parle aussi d’imprint optique). L’article d’Alexander K. Tagantsev, Igor Stolichnov et Nava Setter 73 rappelle que le scénario communément accepté est que l'imprint est lié à l'injection de charges et à l'accumulation de charges dans la couche passive à proximité de l’électrode du film ferroélectrique. Deux phénomènes sont proposés pour expliquer l’imprint : l’excentrage (offset) de la tension causé par le piégeage de charges dans la zone voisine à l’électrode et l’injection de charges dans cette même zone. Le premier phénomène se résume en un champ interne contrôlé par la relation entre la tension d’excentrage et la quantité de charges piégées. Le deuxième phénomène qui inclut la possibilité de transports de charges à travers la couche passive est aussi un

mécanisme approprié pour l’effet du champ interne polarisé. Pour ce dernier cas, le transport des charges électriques à travers la couche passive couvre les mécanismes d’émission de type Poole-Frenkel et thermoïonique (Schottky) et champ froid, qui sont typiques des diélectriques à champs électriques élevés.